« Cœurs du monde » de Griffith, film patriotique le plus populaire de l’année 1918

L’Europe de 1918 n’est plus celle de 1914. Il en est de même pour le cinéma : ce divertissement léger est devenu non seulement un art, mais également un outil de propagande. Prenons l’exemple de Cœurs du monde de Griffith, film patriotique le plus populaire de l’année 1918. 

Griffith lors du tournage de Cœurs du monde

En 1912, dans un village français, deux familles américaines vivent en bon voisinage dans une maison double. Douglas, un jeune homme (Robert Harron) aime Marie (Lillian Gish), une fille de l’autre famille. Pendant ce temps, Von Storm (George Siegmann), un touriste allemand, étudie minutieusement les bâtiments du village. Une autre jeune fille (Dorothy Gish), amoureuse elle aussi de Douglas, l’embrasse dans la rue. Marie voit cette scène et, sur le point de rendre ses lettres à Douglas, se ravise devant le désespoir de celui-ci. Alors qu’ils préparent leur mariage, la guerre est déclarée. Bien qu’étant américain, le fiancé décide de se battre pour le pays dans lequel il vit. Les soldats partent à la guerre la fleur au fusil. Mais le village est bombardé par les obusiers allemands et la famille du jeune homme est tuée. Marie part sur le champ de bataille à la recherche de Douglas. L’armée allemande envahit le village. Les femmes doivent travailler dans les champs pour nourrir les soldats allemands, sous peine d’être fouettées. L’officier allemand Von Storm, des services secrets, violente Marie. Sur le champ de bataille, le fiancé est blessé. Après son rétablissement, il pénètre dans son village déguisé en officier allemand et retrouve Marie. Von Storm découvre la cachette des deux fiancés, barricadés dans une pièce d’une auberge. Alors que les allemands tentent de forcer la porte, les alliés appuyés par des chars arrivent pour libérer le village. Le film s’achève par un défilé de l’armée américaine…

Suite à l’immense succès de Naissance d’une nation (1916) consacré à la guerre de Sécession, D.W. Griffith est chargé par le gouvernement anglais d’amener le peuple américain à participer à la Grande guerre. Il réalise ainsi, en 1918, le film muet Cœurs du monde (Hearts of the world). Griffith tourne des séquences en France, à 45 mètres des lignes ennemies ! Puis en Grande-Bretagne, il reconstitue la guerre, incorporant des images « réelles » dans son montage final. Certaines scènes sont mémorables, telle celle ou Lilian Gish erre sur le champ de bataille. Ce film n’arrive pas à masquer la dureté de cette guerre et mécontente le Président Wilson. Avec une campagne de publicité patriotique, le film remporte un triomphe en Amérique. Il fut même le film de guerre le plus populaire de son temps.

Un siècle après sa sortie, le film conserve ses qualités premières : l’aspect romanesque, la finesse du jeu de la célèbre Lillian Gish et une mise en scène dynamique. Mais dans ce film de propagande, les Allemands sont montrés comme des bêtes sans pitié ! L’acteur Erich Von Stroheim joue ainsi le rôle d’un féroce soldat allemand. 

Le réalisateur de ce film patriotique, David Wark Griffith (18751948) est le fils d’un colonel de l’Armée des États confédérés, héros de la Guerre de Sécession. De 1908 à 1913, il tourne plus de 400 courts-métrages en visitant presque tous les genres : drame, policier, comédie, western, film historique… Il améliore la technique du montage cinématographique. Impressionné par Cabiria de Pastrone, il réalise en 1915 Naissance d’une nation, la première superproduction américaine. Décrivant sa vision de la Guerre de Sécession et des années qui suivent la défaite confédérée, il fait l’apologie du Ku Klux Klan qui est montré comme un groupe de preux chevaliers défendant les américains de race blanche. Sans doute pour modifier son image, il réalise l’année suivante Intolérance (1916), lequel comprend quatre histoires illustrant le thème de l’intolérance. L’arrivée du cinéma parlant va correspondre avec la fin de la carrière de Griffith.

Kristol Séhec

Les Cœurs du monde, 10 euros, Bach films.

Crédit photos : DR
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