Un économiste allemand a suggéré que la seule façon pour l’Irlande du Nord d’éviter les impacts économiques négatifs de Brexit était de s’unir avec la République d’Irlande.
La conclusion de Kurt Hubner se trouve dans un rapport examinant l’impact de différents scénarios du Brexit sur l’Irlande. Le rapport, produit par la firme canadienne KLC Consultants pour le compte de l’organisation irlando-américaine KRB (USA)
a examiné trois scénarios possibles : un Brexit dur, dans lequel tout le Royaume-Uni quitte le marché unique et l’union douanière, un scénario avec l’Irlande du Nord restant dans le marché unique et enfin l’union douanière et l’unification de l’Irlande.
Le seul scénario gagnant est celui de l’unification où, entre 2018 et 2025, l’Irlande du Nord augmenterait son PIB de 17,9 milliards d’euros, selon le rapport. En effet, un Brexit dur réduirait le PIB de l’Irlande du Nord de 10,1 milliards d’euros entre 2021 et 2025. Et le maintien de l’Irlande du Nord au sein du marché unique et de l’union douanière entraînerait une chute du PIB de 3,8 milliards d’euros.
Toutefois, les économistes ne s’entendent pas tous sur les avantages potentiels de cette réunification.
Le principal problème concerne la subvention que l’Irlande du Nord reçoit de Westminster — le manque à gagner entre ce que l’Irlande du Nord dépense en services et ce qu’elle augmente en impôts. Le modèle économique de M. Hubner laisse effectivement entendre que l’unification entraînerait d’importants gains de productivité et de production qui dépasseraient largement le montant de la subvention.
Son rapport est une révision d’un document précédent publié en 2015 intitulé « Modeling Irish Unification » qui suggérait que l’unification augmenterait la production économique par habitant de 17 000 euros (14 845 £) d’ici 2025.
La dernière version est mise à jour avec de nouvelles données officielles et les impacts Brexit. L’étude suggère toujours un impact positif, quoique moindre, d’environ 10 000 euros par tête d’ici 2025 en cas d’unification de l’Irlande.
En revanche, M. Hubner suggère qu’un Brexit dur, selon les termes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signifierait que la production par tête serait inférieure d’environ 10 000 euros (8 732 £) d’ici 2025 à ce qu’elle serait dans un scénario sans Brexit.
Même avec un scénario dans lequel l’Irlande du Nord resterait dans le marché unique, les deux parties de l’Irlande subiraient des pertes par rapport à un scénario sans Brexit.
M. Hubner déclare : « Par rapport à un Brexit dur, l’unification est de loin la meilleure option. En fait, c’est la seule option avec des effets nets positifs. »
Le modèle de M. Hubner suggère que l’adoption du système fiscal irlandais, une plus grande ouverture à l’investissement étranger direct et une réduction des barrières commerciales permettraient à l’Irlande du Nord de connaître une période de « rattrapage économique ».
Une étude récente menée par les économistes John FitzGerald et Edgar Morgenroth, basés à Dublin, suggère quant à elle que l’unification pourrait réduire les revenus et le niveau de vie des Irlandais de 15 %.
Dans un tweet commentant le rapport, le ministre irlandais de la Justice, Charlie Flanagan, a déclaré que « mélanger Brexit et unité irlandaise était inutile et malavisé ».
Conflating Brexit with Irish unity is unhelpful & misguided. #brexit https://t.co/aDZn2UgcSY
— Charlie Flanagan (@CharlieFlanagan) 7 novembre 2018
La vice-présidente du Sinn Fein, Michelle O’Neill, et l’unioniste de l’Ulster, Steve Aiken, étaient parmi ceux qui ont assisté à la divulgation de ce rapport, à l’hôtel Europa à Belfast mercredi dernier. Mme O’Neill s’est félicitée du rapport, qu’elle a qualifié de « preuves irréfutables qui ne peuvent être ignorées. Ce rapport, et en particulier la modélisation économique, expose les preuves économiques irréfutables que la réunification donnerait un élan économique massif à l’ensemble de l’île ».
Mme O’Neill suggère désormais au gouvernement irlandais de s’emparer de la question. « Une nouvelle génération remet déjà en question la partition, en particulier dans le contexte du Brexit, et il est temps maintenant que le gouvernement irlandais encourage et dirige un dialogue public informé, raisonné et respectueux sur la question de l’unité irlandaise. Il est également temps que le gouvernement prépare un plan réaliste pour la réunification irlandaise, y compris la création d’un comité chargé de présenter un Livre vert sur la réunification irlandaise. »
M. Aiken, député unioniste, s’est dit sceptique à l’égard du rapport, contestant les chiffres et, surtout, l’impact économique décrit par les auteurs du rapport.
La question irlandaise est loin, très loin, d’être réglée.
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