Grâce au Télégramme (samedi 29 septembre 2018), nous savons que Jean-Yves Le Drian prépare son retour en Bretagne. À cet effet, le ministre des Affaires étrangères multiplie, paraît-il, depuis quelques semaines, les contacts. Objectif : créer une formation régionale baptisée « Les Progressistes de Bretagne ». Sa mission : arbitrer les investitures aux prochaines élections municipales et régionales.
Projet qui est confirmé par un « ami breton du ministre des Affaires étrangères » : « Le Drian voudra aussi retourner sur ses terres avant la fin du quinquennat ». Lequel « ami breton » explique également que Jean-Yves Le Drian a bien été sollicité par Emmanuel Macron et Édouard Philippe, au lendemain de la démission de Gérard Collomb, pour succéder à ce dernier à l’Intérieur. S’il a décliné, c’est qu’il « ne se voyait pas accepter le seul ministère qui soit encore plus épuisant que le Quai d’Orsay » (Journal du dimanche, 21 octobre 2018).
Dans un précédent article, afin de rendre service à Le Drian, nous avions commencé à lui fournir quelques définitions des termes « progressisme » et « progressiste », car il est fort probable que son équipe et lui seront secs si des journalistes les interrogeaient à ce sujet. C’est donc bien volontiers que nous leur fournissons aujourd’hui d’autres éléments de réflexion – d’une manière très désintéressée évidemment. Depuis mai 2018, l’Insee a décidé d’intégrer au calcul du PIB le chiffre d’affaires du trafic de drogue. « Mesure dont aucun sociologue de gauche ne saurait contester le caractère progressiste – et surtout pas Benoît Hamon, vaillant combattant de la légalisation du cannabis » (Jean-Claude Michéa, Le Loup dans la bergerie, Climats).
Le progressisme, un « mot qui « parle avant tout aux milieux aisés, aux gagnants de la mondialisation. Et très peu aux milieux populaires.»
Le progressisme « correspond à une projection dans l’avenir débarrassée aussi bien des contraintes au développement capitaliste que pouvait constituer la morale traditionnelle chère à une partie de la droite, que des limites issues du mouvement ouvrier, chères à une partie de la gauche ». Mais nous avons à faire à une notion floue et fourre-tout. « Ce mot parle avant tout aux milieux aisés, aux gagnants de la mondialisation. Et très peu aux milieux populaires. Surtout, il dénote d’un optimisme très décalé avec ce que ressentent la majorité des Français, qui anticipent plutôt une dégradation de leurs conditions de vie. » (Jérôme Sainte-Marie, président de l’institut de conseils et d’études Pollingvox, Le Monde, 21-22 octobre 2018).
Et s’il souhaite approfondit la question du « progressisme », Jean-Yves Le Drian pourra se référer utilement à l’ouvrage de Pierre-André Taguieff Les contre-réactionnaires, le progressisme entre illusion et imposture (Denoël, janvier 2007). Évidemment Taguieff est très critique sur le progrès, son sens, sa tragique absurdité…
Pour les élections régionales de décembre 2015, Le Drian avait fait simple, pas compliqué, compréhensible par tous. Sa liste s’appelait en effet « Pour la Bretagne avec Jean-Yves Le Drian ». Pourquoi ne pas reprendre cette recette efficace pour la formation politique auquel songe le ministre? Si « Les Progressistes de Bretagne » ça ne parle pas aux Bretons d’en bas, avec « Le parti de Le Drian », tout le monde aura compris.
Bernard Morvan
Illustration : DR
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