D’un département à l’autre, de fortes disparités en matière de répression et de statistiques de sécurité routière. Sans que se vérifie l’adage selon lequel une répression accrue entraîne systématiquement une amélioration de l’accidentalité.
La sécurité routière, c’est – faussement – simple : toujours plus de flashs, toujours moins de points sur le permis mais, logiquement, (un peu) moins de victimes sur la route : 3 684 morts en 2017, chiffre en baisse de 1,4%. Ce qui n’empêche pas les Français, de tous bords politiques et de toutes catégories socio-professionnelles, de manifester un ras-le-bol croissant pour tout ce qui s’apparente à des entraves à leur liberté de rouler, lesquelles seraient édictées par des technocrates parisiens à la « France d’en bas ».
D’un sondage à l’autre, l’instauration des 80 km/h suscite invariablement l’ire de 70 à 80% d’entre nous. Une constance dans l’agacement que relaient des politiques de tous bords, à commencer par l’ex-ministre de l’Intérieur Gérard Collomb lui-même, qui avait préféré botter en touche quand Jean-Jacques Bourdin l’avait interrogé sur la question. Et quand ce ne sont pas des sénateurs qui présentent un rapport justifiant selon eux l’abandon de la mesure, ce sont des députés qui portent une demande identique devant le tribunal administratif.
Même si les manœuvres peuvent apparaître guidées par des considérations politiques, elles se nourrissent bel et bien du goût amer ressenti par les automobilistes aux permis de conduire fragilisés et qui, à tort ou à raison, assimilent la sur-radarisation dont ils font l’objet à une sorte de racket. Rappelons que 13,2 millions de points de permis ont été retirés en 2016 (dernier bilan connu), soit plus de 36 000 chaque jour. Cette même année, les amendes (contrôle automatisé + police de circulation) ont permis aux pouvoirs publics de récolter 1,8 milliard d’euros, ainsi que précisé dans une annexe au projet de loi de finances 2018.
Moins de points = moins d’accidents ?
Dans ce contexte bouillonnant, Caradisiac a cherché à savoir quels étaient les départements les plus « sûrs » de France ? Y-a-t-il des zones où le permis est moins exposé que dans d’autres ? Et si tel est le cas, quelle influence sur les statistiques de sécurité routière ? A l’inverse, un « flicage » rigoureux est-il systématiquement le gage d’une sécurité accrue sur les routes ?
Sur les 95 départements que compte la métropole, 38 affichent sur la route une forme de sérénité supérieure à la moyenne, avec un rapport entre parc de voitures particulières et nombre d’infractions inférieur à 0,24. Si la Haute-Corse occupe la première place de notre classement, ce bon résultat est hélas contrebalancé par des statistiques assez catastrophiques en matière de sécurité routière : avec 109 tués pour 1 million d’habitants, elle est aussi l’une des zones les plus dangereuses de France ! Une situation que pourrait probablement améliorer une surveillance plus assidue des routes, même s’il n’est pas certain que ce soit l’une des priorités des autorités sur place. Il y aurait pourtant de quoi faire, sachant que la Corse du sud, où les retraits de points sont eux aussi peu nombreux, fait à peine mieux en matière de mortalité routière (84 tués par million d’habitants).
L’ouest à l’honneur
L’un des vrais « bons élèves » de notre enquête est notamment la Seine-Maritime (76), avec 135 000 points retirés pour 676 000 voitures particulières de moins de 15 ans recensées, le tout s’accompagnant d’une mortalité faible (40 par million, sachant que l’objectif des autorités est d’atteindre les 30 par million à l’échelle du pays en 2020). C’est donc la démonstration qu’il est possible d’obtenir de bons résultats sans forcément recourir à un flicage excessif au bord des routes. Haut-Rhin et Nord affichent des statistiques similaires, et la carte permet de constater que c’est dans la moitié ouest du pays que l’on observe le plus de bons résultats, et notamment dans un quart « centre-ouest » de 13 départements qui va de la Vendée (malgré de mauvais chiffres en matière d’alcoolémie) à la Lozère.
On note également que la plupart des départements du pourtour du pays se placent en « zone verte » sur notre carte, à l’exception de l’arc méditerranéen ou le taux d’infraction se montre à l’inverse très élevé. Ce « flicage » plus intense que la moyenne n’y produit toutefois pas de miracles en matière de sécurité routière, puisque les Gard, l’Hérault et l’Aude affichent une mortalité particulièrement préoccupante. Précisons qu’il s’agit de régions où les deux-roues sont nombreux, ce qui a hélas pour effet d’augmenter les (mauvaises) chiffres. Dans son dernier bilan annuel, la Sécurité routière précise d’ailleurs que les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur regroupent 41 % du parc de deux-roues motorisé et 39 % des usagers de deux-roues motorisés tués sur la période 2013-2017.
L’Ile-de-France, cas à part
Quelques 36 départements affichent une mortalité supérieure à 70 par million d’habitants, (quand la moyenne nationale s’établit à 66 dans notre classement), et on relève de fortes disparités de l’un à l’autre, tant en matière que de relief que de trafic. En effet, hormis ces statistiques, quels points communs entre la Charente-Maritime, la Lozère, la Meuse et les Alpes de Haute-Provence ? L’explication pourrait en partie se trouver du côté des routes bidirectionnelles hors agglomération, celles qui font justement l’objet de la nouvelle limitation à 80 km/h, et qui ont représenté 56% de la mortalité entre 2012 et 2016. Même si cette nouvelle réglementation peine à produire les effets escomptés, comme en attestent les mauvais résultats de septembre, cela n’enlève rien au caractère dangereux de ces routes. Les autres facteurs d’accidents sont l’alcoolémie excessive (plus de 0,5 g/litre de sang), qui représente 29% des morts sur la route. A cela s’ajoute, hélas, la part des jeunes conducteurs. Et la sécurité routière de préciser que « 22 % des personnes tuées le sont dans un accident impliquant un conducteur novice. Cette part varie de 14 % dans le Cher, la Dordogne et la Haute-Saône à 38 % dans le Val-de-Marne ».
L’Ile-de-France et certains de ses départements limitrophes (Eure, Loiret) apparaissent comme des cas à part dans notre étude : ces zones où les automobilistes sont particulièrement« vissés », comme en attestent des taux d’infraction particulièrement élevés, figurent aussi parmi les plus sûres, alors même qu’elles concentrent de très nombreux deux-roues. Relation de cause à effet ? Voire. C’est aussi la région où la circulation se montre la plus dense, avec des véhicules particuliers qui parcourent seulement 15 km par jour en moyenne, et celle où la circulation se montre globalement la moins fluide. La pression à laquelle sont soumis les automobilistes (la région parisienne fait partie des zones concentrant le plus grand nombre de permis au solde nul) apparaît donc clairement excessive.
Ce croisement de chiffres à l’échelle nationale souligne plusieurs paradoxes. Ainsi, comme l’illustre le cas de la plupart des départements en vert sur notre carte, point n’est besoin de trop serrer la vis aux automobilistes pour obtenir des résultats satisfaisants en matière de sécurité routière. De même, un flicage fort n’est pas la garantie d’une sécurité accrue (Tarn-et-Garonne, Loir-et-Cher, Eure-et-Loir, etc.). C’est pourtant la voie que continuent de privilégier les autorités, sans résultats très probants ces dernières années, avec une mortalité routière qui ne baisse plus. Dans le même temps, l’argent généré par les radars ne bénéficie que très partiellement à la politique globale de sécurité routière. Et ça, ce n’est pas Caradisiac qui le dit, mais la très sérieuse Cour des comptes.
Source : Caradisiac.com
Crédit photo : Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0/anthony Levrot)
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine