Les actionnaires de Kering (famille Pinault) sont des gens heureux ; ils ont fait le bon choix. En 2016, le chiffre d’affaires du groupe atteint 12,3 milliards d’euros ; il passe à 15,4 milliards d’euros en 2017 – soit une progression de 25%. En 2016, le résultat net part du groupe atteint 813 millions d’euros ; il passe à 1,7 milliards d’euros en 2017 – soit une progression de 119,7%. Ce qui permet au PDG, François-Henri Pinault, d’affirmer : « Kering a réalisé une année phénoménale. Je ne connais pas un groupe de notre taille ayant réalisé une telle croissance. » (Le Figaro économie, lundi 5 mars 2018). Chapeau l’artiste.
Certes, la créativité, la qualité et l’image sont pour beaucoup dans la réussite des marques de Kering. Mais une autre donnée tout aussi importante doit être prise en compte pour expliquer cette progression fabuleuse des profits : l’évasion fiscale. C’est ce que nous a raconté récemment Élise Lucet dans son émission Cash investigation (France 2, mardi 8 octobre 2018). Donc, François-Henri Pinault a fait le nécessaire pour payer le moins possible d’impôt sur les sociétés.
Un entrepôt suisse qui vaut de l’or
D’où un montage qui relie Italie, Suisse et France. Point de départ de l’histoire : les grandes marques du groupe (Gucci, Balenciaga, Saint-Laurent, Alexander McQueen, Bottega Veneta) possèdent un département maroquinerie très développé. À tel point que le cuir représente 74% du chiffre d’affaires total chez Gucci et 72% chez Saint-Laurent. Comme les articles (sacs, ceintures, chaussures…) sont fabriqués en Toscane par des sous-traitants, les dirigeants du groupe ont trouvé astucieux d’implanter en Suisse, à Lugano, dans le canton du Tessin, une filiale – « Luxury Goods International – chargée de l’importation, de l’exportation et de la logistique. Les camions partent de Santa Croce (Toscane) et déchargent à Lugano leur contenu. Là, on réexpédie les commandes en direction des différentes boutiques, tandis que LGI encaisse le montant des factures. Avantage formidable pour le taux de l’impôt sur les sociétés : 33% à Paris, 25% à Milan…et 8% à Lugano.
Si bien que LGI, qui n’est qu’un grand entrepôt, réalise 70% des profits de Kering, c’est-à-dire 900 millions d’euros ! Pour cela les différentes marques du groupe concentrent leurs profits en Suisse. Certains « experts » estiment que, depuis 2002, grâce à cette combine, le fisc français a connu un manque à gagner de 2,7 milliards d’euros. Les mêmes soulignent que les 600 employés de LGI sont super – productifs financièrement, comparés au 26 400 employés du groupe dans le monde. Comme quoi un simple hangar peut cracher du cash…
Des ennuis fiscaux à venir ?
Mais les ennuis fiscaux et judiciaires commencent à apparaître. La justice italienne a ouvert une enquête pour évasion fiscale. En effet la vingtaine de dirigeants de Gucci étaient domiciliés fiscalement en Suisse alors qu’ils habitent et travaillent à Milan.
Si le grand copain de François Pinault, un certain François Hollande, était encore aux affaires, on peut supposer que le fisc français se verrait conseillé par le ministre des Finances d’« oublier » Kering dont les dirigeants sont des gens méritants. Mais avec Macron, difficile de prévoir ce qui se passera. Y aura-t-il ouverture d’une enquête concernant cette évasion fiscale massive ? Si une grosse amende venait sanctionner les agissements de Kering, François Pinault – le père et fondateur du groupe – en viendrait certainement à regretter de ne pas avoir installé cette plate-forme à Trévérien (près de Dinan), sa commune natale. Certes le taux de l’impôt sur les sociétés y serait plus rude : 33% au lieu de 8% à Lugano, mais il aurait gagné en tranquillité. Et puis il pourrait se flatter d’avoir fait quelque chose d’important pour la Bretagne : 600 emplois. Car il n’y a pas que le Stade rennais dans la vie ! La Bretagne ne se résume pas à une équipe de foot composée de mercenaire
Question à François-Henri Pinault. À l’approche des fêtes de fin d’année, les entreprises spécialisées dans les articles de luxe prévoient un gros budget publicitaire pour les chaînes de télévision. Compte tenu des mauvaises manières d’Élise Lucet, le PDG de Kering a-t-il l’intention de « punir » France 2 en sucrant les investissements publicitaires prévus pour cette chaîne ? Totalement, partiellement ?
B. Morvan
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