Six concurrents composent la catégorie ULTIME dont cinq sont des trimarans de 100 pieds dotés de foils. Avec ces colosses volants, la Route du Rhum-Destination Guadeloupe entre dans une nouvelle ère où règnent gigantisme et vitesses supersoniques. Les skippers de ces engins hors norme, renouent avec l’âme des pionniers de la transat. Ils pourraient traverser l’Atlantique à 30 nœuds de moyenne. Inouï…
Une rupture technologique, un saut dans le vide
« Aujourd’hui, personne n’a jamais traversé l’Atlantique en espérant voler en solo sur un multicoque. Clairement, on va faire quelque chose que personne ne maîtrise. On va se lancer dans le vide. Et c’est merveilleux ». En quelques phrases, Sébastien Josse parvient à donner le frisson. Celui qui parcourt peut-être l’échine de ces pilotes quand leur bateau de 15 tonnes s’élève hors de l’eau et commence à accélérer.
Pour la première fois, donc, cinq trimarans de 100 pieds armés d’appendices élévateurs (foils, plans porteurs sur les trois safrans et sur la dérive) vont s’affronter sur l’Atlantique. Des multicoques de 32 mètres de long pour 23 de large, capables, pour les plus aériens, de voler dès 13/14 nœuds de vent, d’avancer deux fois plus vite que ce dernier et de dépasser les 45 nœuds en vitesse de pointe.
On leur prédit une traversée en six jours. Peut-être moins, si la météo est très favorable !
Que ce soit à bord des anciens maxi reconfigurés (Sodebo Ultim’, Idec Sport, Macif) ou des deux trimarans génération 2017 conçus pour voler (Maxi Edmond de Rothschild, Maxi Solo Banque Populaire IV), les marins ont dû réapprendre à naviguer, à régler tous les paramètres qui conditionnent le vol et à se connecter à de nouvelles sensations. « On vit une période de rupture technologique confie, » Thomas Coville. « C’est magique. C’est un univers que tout le monde découvre. »
Le club des cinq conquérants ne sera pas seul sur la ligne de départ. Romain Pilliard (Remade-Use it Again), bizuth de la course, va lui aussi vivre son baptême du feu sur un trimaran de 75 pieds, l’ancien Castorama d’Ellen MacArthur. Un défi différent et l’aventure d’une vie. Pour lui comme pour ses congénères, la première gageure sera de maîtriser en solitaire un bateau qui n’est pas à échelle humaine et d’arriver à vivre à haute vitesse dans un environnement… invivable.
Tous humbles, tous favoris
Qui peut gagner ? Les principaux concernés abordent la question avec humilité. Malgré le pur potentiel des bateaux, leur fiabilité et le savoir-faire des marins seront des variables importantes. « Les courbes de performance suivent pratiquement la chronologie de la mise à l’eau des bateaux mais celle de l’expérience est inversement proportionnelle, » fait remarquer François Gabart.
A bord d’un trimaran vieux de 12 ans, double vainqueur de la Route du Rhum et recordman du Trophée Jules Verne (ex Groupama 3, ex banque Populaire VII), Francis Joyon, le vétéran du groupe, est celui qui a la plus longue expertise du multicoque. Et il se sent en confiance : « En multi, il faut avoir la tête solide et l’expérience est un atout : il y a tellement de bêtises à faire sur ces bateaux ! » Multiple récidiviste autour du globe en solitaire, vainqueur de la dernière Transat Jacques Vabre, Thomas Coville est sur la même longueur d’onde. Malgré le petit déficit de vitesse de Sodebo Ultim’, « Tom » est remonté à bloc « Je suis dans la position inverse d’il y a quatre ans. Je suis un outsider mais ils savent que s’ils font la moindre erreur, je les mange. »
François Gabart, l’homme le plus rapide de la planète en solitaire, se pose au carrefour des deux courbes (expérience – performance) et a la faveur des pronostiqueurs. Mais gare à Sébastien Josse. Son plan Verdier de 2017, longuement testé et fiabilisé, semble être un avion de chasse. En témoignent ses performances lors des derniers stages collectifs à Port-La-Forêt. Pourtant, l’intéressé pondère : « En solitaire, c’est d’abord le bonhomme et sa manière d’aborder la chose qui font la différence et ça, sur la course, ça ne peut pas se prévoir. » Armel Le Cléac’h dispose du bateau le plus récent de la flotte et probablement un des plus rapides. Mais sa campagne d’essais a été perturbée par un chavirage au printemps dernier. Par ailleurs, le vainqueur du Vendée Globe n’a jamais traversé l’Atlantique en solitaire sur un multicoque. « C’est un vrai premier rendez-vous pour nous, » admet Armel. « Et on commence par l’Alpe d’Huez, un col hors catégorie ! ».
Enfin, Romain Pilliard ne joue pas du tout dans la même division. Pour lui, la découverte sera totale. Son objectif est d’arriver au bout avec un bateau en bon état, de partager son histoire et de véhiculer son message en faveur de l’économie circulaire.
Les concurrents de la catégorie ULTIME
Francis Joyon, Idec Sport, plan VPLP 2006 (ex Groupama 3, ex Banque Populaire VII) *
Thomas Coville, Sodebo Ultim’, plan VPLP 2014 *
François Gabart, Macif, plan VPLP 2015 *
Sébastien Josse, Maxi Edmond de Rothschild, plan Verdier, juillet 2017 *
Armel Le Cléac’h, Maxi Solo Banque Populaire IX, plan VPLP, novembre 2017 *
Romain Pilliard, Remade-Use it Again, plan Irens-Cabaret de 75 pieds, 2003 (ex Castorama d’Ellen MacArthur)
* Bateaux équipés de foils
Les anciens vainqueurs de la catégorie ULTIME
2014 : Loïck Peyron, Banque Populaire VII en 7 jours, 15 heures, 8 min, 32 secondes (temps de référence) à 19,4 nœuds de moyenne
2010 : Franck Cammas, Groupama 3
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