Hollande à Rennes : qui osera lui poser les questions qui fâchent ?

Les Bretons ont de la chance : François Hollande sera à Rennes le jeudi 11 octobre ; il était déjà venu le 20 avril. Ses groupies pourront lui demander une dédicace pour son livre Les leçons du pouvoir (Stock) ; un succès de librairie puisqu’à ce jour les ventes atteignent un record pour un livre politique : 110 000 exemplaires. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, est persuadé que François Hollande n’a pas dit son dernier mot en vue de l’élection  présidentielle de 2022 : «  Il laisse toutes les portes ouvertes. Il est frustré d’une campagne, il n’a pas pu dire sa vérité »  (Le Point, 5 avril 2018).

Plus malin que Sarkozy,  Hollande n’a jamais dit qu’il arrêtait la politique : « Je ne poursuis aucun intérêt partisan, ni aucune ambition électorale. Mais je n’ai pas renoncé à la politique, c’est-à-dire à prendre des positions, nourrir des réflexions, faire des propositions, notamment à travers une fondation. » (L’Obs, 12 avril 2018). Hollande va donc de librairies en grandes surfaces ; il est même capable de tenir jusqu’à 2 heures du matin comme à l’espace culturel E. Leclerc de Plérin (près de Saint-Brieuc). Il parait qu’il prend son temps « trois minutes en moyenne par personne » (Paris Match, 23 mai 2018).

Ceux qui le connaissent n’ont pas forcément le même avis sur la question. « En 2017, François Hollande a eu un rendez-vous manqué avec les Français, ce livre lui permet une forme de reconquête », croit comprendre son ancien conseiller à l’Élysée Bernard Poignant, encore sidéré par le succès à la librairie Ravy de Quimper, le 12 mai (Le Monde, vendredi 8 juin 2018). Pierre Moscovici est beaucoup plus direct : « Ne vous y trompez pas, Hollande fera tout pour être candidat en 2022 (…), surtout qu’il ne croit pas aux chances de réussite de Macron, qu’il pense bien connaître puisqu’il l’a fait ! » (Challenges, 31 août 2017)

Pour autant, ses partisans ne doivent pas rêver : seuls 17% des Français expriment le souhait que l’ancien chef de l’État soit candidat à la prochaine élection présidentielle (4% « oui tout à fait » ; 13% « oui plutôt » ; 18% « non plutôt pas » ; 42% « non pas du tout »). Même chez les sympathisants socialistes, ils ne sont que 44% à rêver d’un retour (25% d’entre eux exprimant catégoriquement un refus de voir l’ancien président briguer un nouveau mandat). Un tiers de ses électeurs de 2012 (36%) plaident pour une nouvelle candidature (IFOP, Le Figaro, jeudi 23 août 2018).

Dans ces conditions, les roucoulades de celles et ceux qui font la queue pour la dédicace ne pèsent pas lourd : « Je regrette que vous ne soyez plus là » ; « Vous n’obéissez pas à la finance. Alors que Macron, lui, il lui obéit » ; (L’Obs, 12 juillet 2018). Mais aussi, « Vous, vous êtes humain » (Le Monde, 2 – 3 septembre 2018).

Pourtant tous ces braves gens pourraient profiter de l’occasion pour poser quelques questions pertinentes à leur idole. Est-il exact qu’après avoir dénoncé les méfaits de la « finance » lors du meeting du Bourget ( dimanche 22 janvier 2012), « dès février 2012 (…), Hollande envoyait, dans le plus grand secret, Emmanuel Macron à Berlin afin d’y rencontrer Nikolaus Meyer-Landrut, le conseiller d’Angela Merkel pour les affaires européennes et, par son truchement, rassurer la chancelière sur la réalité de ses intentions : il y avait donc un discours pour les électeurs français et un autre – le bon, le vrai, le « raisonnable » -pour les gens sérieux » ? (L’Abdication, Aquilino Morelle, Grasset). Est-il exact qu’un certain « Jean-François Trans », qui signait en 1985 un livre ayant pour titre La gauche bouge (Jean-Claude Lattès) – véritable manifeste de la gauche libérale – s’appelait en réalité François Hollande ? Une proclamation nouvelle apparaissait dans cet ouvrage : « La concurrence est de gauche » et même « fondamentalement une valeur de gauche ». Est-il exact qu’il est déclaré, dans le secret de son bureau, le 11 décembre 2015, à propos de son parti, le Parti socialiste : « Il faut un acte de liquidation. Il faut un Hara-kiri » ? (François Davet et Fabrice Lhomme, dans Un président ne devrait pas dire ça…, Stock).

Les candidats à la dédicace pourraient également interroger Hollande sur ses talents de prévisionniste : « J’inverserai la courbe du chômage d’ici un an » (9 septembre 2012) ; « La reprise, elle est là » (14 juillet 2013) ; « La reprise, elle est là, mais elle est trop faible » (14 juillet 2014) ; « La croissance, elle est là » (14 juillet 2015) ; sans oublier le fameux « Ca va mieux » (Jeudi 14 avril 2016).

On dit que les Bretonnes et les Bretons ont du caractère ; ils auront l’occasion de le montrer au cours de cette séance de dédicace. Au lieu de larmoyer piteusement, ils s’honoreraient en posant les « bonnes » questions. Ce serait même une excellente occasion pour demander à Hollande si ce qu’on disait à son sujet pendant son quinquennat est vrai : irrésolution, pusillanimité, flou dans les décisions, incohérence des choix, annonces intempestives, défaut d’incarnation de la fonction présidentielle. La séance de signature pourrait durer jusqu’à 6 heures du matin !

Bernard Morvan

Crédit photo : Jean-Marc Ayrault/Wikimedia (cc)
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