Qu’est-ce qu’une Américaine peut bien connaître du vin et de son histoire ? Hein ? Dites-moi un peu ! Ça me rappelle les piques que se distribuèrent Solers et Bernard Franck, jadis, quand il y avait encore des buveurs sur terre. Le premier, un Bordelais, prétendait qu’il fallait être « du coin » pour apprécier son vin. Le second moquait la prétention dudit Joyeux (c’est son vrai nom) au risque de finir où il a fini, dans le « sapin ». Il avait oublié que le tabac tue encore plus sûrement que le Château Margaux. Pour Joyeux, c’est fatal. A-t-il le teint gris ? le souffle court ? Mais l’envie de sucer son infâme porte-cigarette l’emporte… Et de loin !
Tout ça pour dire qu’attaquer la dame-médecin, qui en fait des tonnes dans sa revue professionnelle, pour persuader ses contemporains buveurs de déjections usinaires (avec des bulles et du sucre, plus un fort goût d’Ebonite ®) est bien vain. Elle n’a pas le palais (buccal). C’est visible. Elle a dû se contenter de lire Jean-Robert Pitte ou Nicolas Offenstadt, deux gaillards qui font des guerres du Moyen-Age leur vade-mecum. Je ne sais pas ce que pense le second des vins de ses pays d’adoption, les bords de l’Aisne où la piquette abonde, et les Hauts de Thann, où le riesling coule à flots. Ça n’a pas, au fond, grande importance…
Le premier, en tous cas, est l’introducteur contemporain (en France) de l’encensoir au vin marchand, c’est-à-dire international : réduction à un goût unique des saveurs, des typicités. Un goût de copeaux de chêne ou de châtaignier imposé aux benêts d’outre-Gaule pris en flagrant délit de cracchouillis gustatifs. En fait, c’est la mort du vin, comme l’avait prédit Raymond Dumay. Heureusement, il existe encore une génération qui relève le nez – dans tous les vignobles de France et de Navarre, des jeunes gens parcourent le monde (de vrais missionnaire comme le furent, jadis, les Phéniciens ou les Rhodaniens) et apprennent aux naturels des pays qu’ils croisent ce qu’est le vin, le vrai vin. Des « Raphno », en somme…
D’accord, les premiers verres de vin « blanc » venus de Chine faisaient des trous dans mes chaussettes, mais ce n’est pas une raison pour ne pas reconnaître que les descendants de Mao s’y sont mis et font des cuvées fort convenables, désormais. Pareillement, les vins produits par les winemakers se sont bien améliorés ces temps-ci. Winemakers… Tout n’est-il pas dans cette dénomination américano-britannique pour désigner, chez nous, les « faiseurs de vin ». Qu’ils se la gardent, ces farceurs. Je ne m’imagine pas disant au Père Moutarde ou à mon voisin, feu Bordereau, qu’ils étaient des Ouagnemékeurs.
Le vin est un don des dieux. Avec le bon pain de froment et l’huile d’olive. Plus le sel qui pousse sur nos rivages atlantiques. Remarquez, je fais actuellement une entorse pour un sel rose des hauteurs vertigineuses de l’Himalaya. Ce n’est pas convaincant. Heu… Convaincant ou convainquant ? Je laisse. Le vin a mille ans d’histoire, même s’il n’est pas né où les sorbonniauds le prétendent. Parce qu’il vient de partout et pas seulement des rives enchantées du Tigre et de l’Euphrate, voire en Tchétchénie (avant Kadyrov, oeuf corse!). C’est pourquoi, il y a peu, j’ai plaidé, ici même, sur Breizh, pour la reparution du numéro 58 de la revue Gallia. Vous y apprendrez beaucoup de choses…
MORASSE
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