À peine avait-elle cédé aux injonctions des amis des migrants en abritant dans des gymnases municipaux les hôtes du square Jean-Baptiste Daviais, le 20 septembre, que Johanna Rolland, maire de Nantes, a affecté de relever la tête. « Désormais, nous ne tolérerons plus aucune occupation illégale de l’espace public », a-t-elle officiellement déclaré le jour-même.
Simple rodomontade d’édile dépassée qui tente de déguiser son impuissance en volontarisme ? Quand on a laissé se créer un précédent, il est difficile de revenir dessus. La « jurisprudence Daviais » pourrait être lourde de conséquences.
À moins que Johanna Rolland n’ait soudain décidé un grand aggiornamento idéologique ? Le moment serait bien choisi. Un vaste mouvement de remise en cause de l’immigration se dessine au sein de la gauche européenne.
En mars dernier, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles ont attiré à eux une grande partie de l’électorat de gauche italien. Au début de ce mois, la députée allemande d’extrême-gauche Sahra Wagenknecht, vice-présidente de Die Linke, a officialisé la création du mouvement Aufstehen ! dont le cheval de bataille est la lutte contre l’immigration économique. En Espagne, voici quelques jours, Julio Anguita, Manuel Monereo et Hector Illueca, trois dirigeants de l’aile gauche de Podemos en Espagne, ont approuvé le récent « decreto dignità » italien, position dans laquelle beaucoup de commentateurs ont vu un premier pas vers une initiative à la Wagenknecht. Même en France, certaines déclarations récentes de Jean-Luc Mélenchon ont suscité des interrogations.
Faire de Nantes le Roncevaux de l’immigration, serait-ce la nouvelle Chanson de Rolland ?
Sur le plan local, les dirigeantes politiques nantaises Laurence Garnier (LR) et Valérie Oppelt de Kerever (LREM) ont rivalisé récemment de positions pro-migrants. La première s’est empressée de publier le 20 septembre un communiqué intitulé « L’évacuation doit permettre que ces hommes et ces femmes soient pris en charge ». Dans un entretien avec Breizh-info, la seconde, députée de Loire-Atlantique, réclamait voici quelques jours des mesures en faveur de l’emploi des migrants en raison d’une « demande précise de la part des chefs d’entreprise qui n’arrivent pas à recruter » ‑ une position diamétralement opposée à celle de Sahra Wagenknecht.
Contrairement à ces personnalités politiques nantaises, les citoyens sont très majoritairement hostiles à l’accueil des migrants en France, comme un sondage l’a montré le mois dernier. Or, à Nantes du moins, aucun parti n’est aujourd’hui capable d’incarner cette opposition. Un vaste espace politique inoccupé s’est ainsi ouvert. Faire de Nantes le Roncevaux de l’immigration, serait-ce la nouvelle Chanson de Rolland ? N’anticipons pas : il faudrait pour cela au maire de Nantes une audace qui semble souvent lui manquer.
E.F.
Crédit photo : Die Linke/Flickr (cc)
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