La 31e édition du salon agricole SPACE à Rennes du 11 au 14 septembre a rassemblé un peu moins de monde que l’année dernière – 108.347 visiteurs contre 114.653 l’année dernière. La fréquentation est tirée à la baisse par la concomitance des ensilages de maïs, mais aussi la proximité des salons Viv Europe à Utrecht en juin dernier, pour l’aviculture, et EuroTier à Hanovre en novembre prochain.
Cependant la fréquentation internationale a augmenté, avec 14.418 internationaux de 121 pays, soit 2.8% de plus que l’an dernier (14029 internationaux). Des délégations de divers pays (Inde, Japon, Chine, Corée, Canada, Russie, Ukraine, Maghreb, Afrique de l’Ouest…) étaient notamment au rendez-vous comme chaque année. « Il y avait moins d’étrangers que l’année dernière », nuance cependant un exposant du secteur Aviculture, « notamment à cause de Utrecht et de Hanovre ». Cependant le SPACE reste un salon incontournable pour l’élevage français et ses nombreuses entreprises qui marchent à l’export.
Le SPACE est aussi reconnu pour ses concours (hangar n°1 et ring) : « 750 animaux (550 bovins de 13 races différentes et 200 ovins) étaient présents », explique le communiqué officiel qui fait le bilan du salon. « La race Parthenaise a tenu pour la première fois au SPACE son concours national et a assuré une présentation de haute tenue avec 70 animaux. Le Challenge France en race Prim’Holstein a connu un vif succès et a conforté le SPACE comme Salon de référence pour la mise en valeur de la génétique ».
Comme chaque année, des innovations ont été primées par les Innov’SPACE et concernent cette année 39 dossiers dont neuf mentions spéciales. Citons notamment pour les entreprises locales, le semoir de couverts végétaux Maxi Couv’ de l’entreprise costarmoricaine Tredias – il permet entre autres une augmentation des rendements de 10% – ou le dispositif de zoothermie Aquaclim Thermodynamique de l’entreprise de Nort-sur-Erdre Bioret Agri. Ce dernier permet de rafraîchir les vaches tout en récupérant leur chaleur, ce qui améliore la production laitière, réduit les pathologies de vaches et permet des économies d’énergie substantielles pour les exploitations.
Synutra au coeur des débats
Le SPACE a aussi été marqué par l’irruption sur le devant de la scène des difficultés de l’usine chinoise Synutra à Carhaix. L’usine a laissé une ardoise de 38 millions d’euros à son fournisseur, la coopérative laitière Sodiaal qui s’apprête à la racheter – ce que les agriculteurs membres de la coopérative ou fournisseurs de Synutra ont découvert dans la presse. Une soixantaine de syndicalistes de la Confédération paysanne se sont invités au stand de Sodiaal, dans le hangar cinq, celui des grandes entreprises et collectivités locales, dès le 11. Ils ont été suivis par ceux de la Coordination rurale le 12.
« On n’a rien appris », nous explique-t-on au stand de la Confédération paysanne. « On n’aura des infos qu’en fin d’année. Jean-Pierre Clément [un des administrateurs de Sodiaal] nous a dit que c’était confidentiel, et que pour lui les problèmes de Synutra se résument à un fort turn-over des salariés. Par ailleurs on devait rencontrer Damien Lacombe [président de Sodiaal], suite à notre action, il a suspendu cette rencontre ».
Pour les adhérents de la Confédération Paysanne, « Sodiaal est une coopérative, donc on devrait être tenu au courant, et dans les faits Lacombe et Pascal Nizan [administrateur de Sodiaal, président des producteurs de Bretagne ouest] font les choses dans leur coin sans expliquer ce qu’ils font, même aux administrateurs qui ne sont pas de leur sérail ». Ce que confirme un adhérent de la Coordination rurale dans les allées du SPACE : « mon associé était administrateur chez Sodiaal, au sujet de Synutra il ne savait presque rien et le peu qu’il savait, il avait interdiction de le communiquer. Ce n’est pas rassurant ».
Pour la Confédération Paysanne, « l’affaire Synutra, c’est à la fois le crash du modèle coopératif dans des coopératives qui sont devenues des multinationales et le résultat de la politique de l’accompagnement des volumes, où on ne cesse d’augmenter la production sans vision à long terme ». Plus terre à terre, nombre de paysans coopérateurs chez Sodiaal craignent surtout « l’augmentation de nos parts sociales pour racheter Synutra ».
L’usine carhaisienne du géant chinois Synutra devait récolter 800 millions de litres de lait auprès de 800 producteurs de la région pour produire du lait en poudre infantile pour la Chine. Une seconde usine spécialisée dans la production et l’export en Chine de lait UHT était même annoncée. En réalité, seuls 350 producteurs y écoulent leur production aujourd’hui et les volumes vendus en Chine sont deux fois moins élevés que prévus.
Un autre échec industriel a eu lieu en Normandie, lié à l’échec piteux du « miracle économique » carhaisien. Les Maîtres laitiers du Cotentin, une autre coopérative qui avait investi 114 millions d’€ pour ouvrir à Méautis dans la Manche une usine liée avec un contrat de 11 ans avec Synutra ont du la fermer le 1er août, après neuf mois à peine de production.
Depuis le début des difficultés de Synutra, le maire de Carhaix Christian Troadec, qui qualifiait la Chine de « Pérou de la Bretagne » et avait déroulé le tapis rouge aux chinois, se fait étonnamment discret… Saurait-il ce que les dirigeants de la coopérative Sodiaal prennent tant de soin à cacher à leurs adhérents ?
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