François de Rugy, enfin ministre

Mardi 4 septembre 2018 (matin). « Rugy est mon premier choix, avait affirmé Emmanuel Macron à sa garde rapprochée. Il représente une écologie positive, conciliable avec l’innovation. Il a le poids politique pour devenir le numéro 3 du gouvernement (après Philippe et Collomb) ».

Jeudi 30 août 2018. Dès son retour de Finlande, soit seulement deux jours après la démission de Hulot, Macron avait proposé le maroquin à Rugy qui avait immédiatement accepté cette « promotion », dixit l’intéressé. Voilà qui montre, entre parenthèses, que le feuilleton entretenu autour de la rencontre Macron – Cohn-Bendit relevait de la plus aimable des fantaisies (Le Canard enchaîné, 5 septembre 2018).

« Il s’est littéralement roulé par terre pour devenir ministre ! »

Ministre, de Rugy en rêvait depuis longtemps ; mais il lui fallait faire preuve de patience. En mai 2014, président du groupe écolo à l’Assemblée nationale, il espère entrer dans le gouvernement de Manuel Valls, nouveau Premier ministre. Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la Famille, raconte : « Il s’est littéralement roulé par terre pour devenir ministre ! s’écrie-t-elle. Il ne jurait que par Manuel, et comme il n’a pas eu son hochet, il vote contre le pacte de responsabilité d’un mec auquel il jurait fidélité hier ! » Et Laurence Rossignol de conclure : « Mais quel petit con, ce Rugy ! » (Le Canard enchaîné, 6 mai 2014).

L’espoir fait vivre François de Rugy. Après avoir claqué la porte d’EELV, avec Jean-Vincent Placé fin août 2015, il a bon espoir d’entrer au gouvernement : « Il n’y avait aucun discours politique permettant une ouverture sérieuse, et Hollande n’avait pas encore fait le deuil de Duflot. Maintenant c’est fait, et c’est à nous de créer une dynamique ! » (Challenges, 10 septembre 2015). Mais Hollande ne donnera pas suite…

Un professionnel de la politique

Professionnel de la politique, François de Rugy peut se flatter d’un riche palmarès : collaborateur du groupe vert et radical à l’Assemblée nationale (1997), adjoint aux transports à Nantes (2001), conseiller municipal à Orvault, membre de la communauté urbaine de Nantes Métropole, député de Nantes – Orvault (2007), président du groupe écolo à l’Assemblée nationale (2012), vice-président de l’Assemblée nationale (2016). On le retrouve candidat à la primaire de la gauche en vue de l’élection présidentielle de 2017. Il avait fait fort à cette occasion en s’engageant lors du débat télévisé (19 janvier) à soutenir le vainqueur de cette primaire – ce sera Benoît Hamon. Une semaine plus tard, il annonce son ralliement à Emmanuel Macron : « Je préfère la cohérence à l’obéissance : mes idées sont plus proches de celles de Macron que de celles d’Hamon. Je ne vais pas mentir aux Français. Je ne vais pas leur dire ‘Je suis convaincu par le projet de Benoît Hamon’, alors que ce n’est pas vrai. » (Presse Océan, jeudi 23 février 2017).

Le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire se voit souvent reprocher son côté « carriériste ». « C’est un opportuniste, au sens footballistique du terme. Il sait être au bon moment, au bon endroit, pour avancer », estime Daniel Cohn-Bendit. Un historique de la campagne présidentielle se souvient. « On l’a vu au dixième étage du QG de campagne venir vendre son âme dix jours avant le premier tour » (Le Figaro, mercredi 5 septembre 2018).

L’Élysée sait qu’on peut compter sur lui pour pratiquer la politique des « petits pas »

Mais seule la victoire est jolie : « L’urgence écologique est un appel à l’urgence d’agir. Je suis ici pour agir pour l’écologie avec méthode, détermination et persévérance, dans le temps », a déclaré le nouveau ministre lors de la passation de pouvoirs (mercredi 4 septembre 2018). Ainsi il marquait sa différence avec son prédécesseur. Et l’Élysée sait qu’on peut compter sur lui pour pratiquer la politique des « petits pas ». Macron n’attend pas autre chose de lui.

Difficile de reprocher à de Rugy de développer une analyse qui soit éloignée du « progressisme » de Macron. « Quel que soit le type d’élection, les meilleurs scores des candidats écologistes sont réalisés dans les grandes villes, au sein de catégories sociales insérées dans la mondialisation. Lorsque les écologistes réussissent leurs meilleurs scores, lorsqu’ils convainquent, ce n’est pas en lorgnant vers un électorat protestataire », écrit-il. De ce fait, « vouloir faire des écologistes des alliés privilégiés ou des supplétifs de la « gauche de la gauche » est un non-sens », poursuit-il (Écologie ou gauchisme, il faut choisir, L’Archipel).

Sur le plan breton, Il est à noter que l’action de François de Rugy est toujours allée dans le sens de la réunification de la Bretagne, « le plus tôt sera le mieux » (Presse Océan, dimanche 27 mai 2018). Sur Notre-Dame-des-Landes : « Je suis contre ce projet depuis plus de vingt ans. Aujourd’hui, il y a encore plus d’arguments qu’hier pour ne pas le faire » (Presse Océan, vendredi 17 novembre 2017). Il aura à gérer la fermeture des centrales à charbon, un engagement de campagne de M. Macron. « La plus grande de France est d’ailleurs située à proximité de sa circonscription, à Cordemais (près de Nantes) et est opérée par EDF » (Le Monde, jeudi 6 septembre 2018). On lui souhaite bien du plaisir.

Bernard Morvan

Crédit photo : Parti socialiste/Flickr (cc)
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