Les lycées font partie des compétences régionales. Les régions construisent les lycées et choisissent leur nom. On a vu la région Bretagne nommer des lycées Florence Arthaud (Saint-Malo) ou Simone Veil (Liffré), la région Pays de la Loire opter pour Nelson Mandela (Nantes) ou Marguerite Yourcenar (Le Mans). Et dernièrement, pour Honoré d’Estienne d’Orves (Carquefou).
Un choix a priori très consensuel. Né en 1901, polytechnicien, officier de marine, Honoré d’Estienne d’Orves rejoint le général de Gaulle à Londres en septembre 1940. Envoyé clandestinement en France pour établir un réseau de renseignement, il s’installe à Nantes. Il y est arrêté en janvier 1941 à la suite d’une trahison. Il se trouve en prison quand, le 21 août, à la suite de la rupture du pacte entre Hitler et Staline, un résistant communiste abat un soldat allemand à Paris. En représailles, les Allemands exécutent une centaine d’otages au Mont-Valérien. Honoré d’Estienne d’Orves est l’un d’eux.
Après la guerre, de nombreux hommages lui sont rendu dans la France entière. De Gaulle le fait Compagnon de la Libération. Louis Aragon lui dédie son poème La Rose et le réséda. Un square et une station de métro parisiens portent son nom, tout comme la cour d’honneur de l’hôtel de la Marine et le grand hall de l’École polytechnique. En Bretagne, il est honoré par des rues, places ou quai à l’île de Sein, Brest, Crozon-Morgat, Le Guilvinec, Le Relecq-Kerhuon, Lorient et bien sûr Nantes, qui baptise Commandant d’Estienne d’Orves un cours tout proche du château des ducs de Bretagne.
d’Estienne d’Orves : un résistant de droite, donc inacceptable
Pourtant, quand la région des Pays de la Loire décide que son nouveau lycée de Carquefou portera le nom de Honoré d’Estienne d’Orves, l’opposition de gauche réunie dans le groupe Socialiste écologiste radical et républicain s’y oppose. Elle publie un communiqué signé de Christophe Clergeau, tête de liste socialiste battu par la droite aux dernières élections régionales, mais inspiré plutôt par son colistier Éric Thouzeau, un vieux de la vieille gauche locale tendance « rien oublié, rien compris », ancien cheminot, ancien trotskiste, ancien permanent cégétiste et ancien socialiste. « Nous ne comprenons pas cette volonté d’imposer un nom », s’indigne-t-il. « Est-ce parce que le grand résistant Honoré d’Estienne d’Orves était issu de la droite monarchiste ? »
« Grand résistant » : en fallait-il davantage pour justifier le choix de la région ? Et pourquoi les socialistes et leurs alliés s’y opposeraient-ils ? Ne serait-ce pas justement parce que le dédicataire serait « issu de la droite monarchiste » ? La position des socialistes et apparentés sent à plein nez son intolérance sans-culotte. « Tartuffe n’aurait pas dit mieux : cachez cette fleur de lys que je ne saurais voir », plaisante un parent d’élève nantais.
Cette polémique déclenchée par la gauche ligérienne rappelle que les résistants de la première heure venaient pour beaucoup de la droite nationaliste, à une époque où le Parti communiste, pacte germano-soviétique oblige, s’opposait à l’effort de guerre. À l’heure où d’Estienne d’Orves mourait pour la France, Maurice Thorez, leader du PCF, était réfugié à Moscou. Un rappel finalement beaucoup plus grave que d’être « issu de la droite monarchiste ».
Crédit photo : plaque de rue à Paris, [cc] GFreihalter, Wikimedia Commons,
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