Lettre ouverte à Monsieur Jean-Pierre Denis, président de Crédit Mutuel Arkéa (CMB)

Robert Hay, salarié du Crédit Mutuel, nous adresse une lettre ouverte destinée à Jean-Pierre Denis, président du Crédit Mutuel Arkéa. Nous la reproduisons ci-dessous :

Monsieur le président,

Collaborateur Crédit Mutuel d’une fédération depuis trente-six années et sans appartenance à une quelconque direction, je vous écris, non pas manipulé par une main mystérieuse comme vous pourriez le penser mais juste par le fait que je suis touché par « une maladie professionnelle » toute particulière, qui tente à disparaitre, qui est la culture d’entreprise. En effet, celle-ci « s’attrape » au fil des années passées dans la même entreprise. Elle conditionne, entre autres pour celle-ci, un très grand respect, une fierté et une sensibilité à l’image véhiculée. De nos jours, il est dommage que cette culture d’entreprise ne touche plus grand nombre de dirigeants (Directeurs Généraux ou Présidents) parfois parachutés d’univers complétement différents. Même si cette absence de culture d’entreprise ne remet pas en cause leurs qualités professionnelles, elle avait le grand mérite de conditionner leur action au seul intérêt de celle-ci et non dictée parfois, par des motivations obscures et préjudiciables à cette dernière. Aussi, compte tenu du « feuilleton » déclenché et animé par votre fédération avec la Confédération, qui alimente les médias, je pense que vous êtes conscient qu’un grand nombre de collaborateurs de Crédit Mutuel de France, peuvent être consternés et blessés par tout ce déballage médiatique.

Ayant connu cinq Directeurs Généraux et autant de Présidents, je n’aurai pas imaginé, un jour, qu’un de leurs homologues puisse provoquer un tel conflit avec l’image négative associée. Je trouve votre attitude sidérante. Sans me prévaloir d’une quelconque autorité de morale, j’estime néanmoins qu’aucun dirigeant ou membre d’un Conseil d’Administration n’a le droit aujourd’hui, et à mon sens, de remettre en cause aussi profondément l’identité et l’avenir d’une fédération Crédit Mutuel avec ses salariés. Cette fédération ne vous appartient pas ! Vous n’en avez pas la paternité. Vous avez juste, de belle manière peut être, participé au développement de celle-ci. Mais cela n’est-il pas la feuille de route de tout dirigeant ? Je ne vous cacherais pas que j’éprouvais régulièrement une certaine fierté, à la lecture d’articles de presse vous concernant, lorsque le groupe Crédit Mutuel Arkéa investissait dans tel ou tel projet ou se diversifiait dans tel domaine. Eh oui, culture d’entreprise oblige. Concernant vos motivations, j’ai pu lire que vous parliez de concurrence du CIC rendue possible par vos chiffres qui remontaient à la confédération.

Assez surprenant, ce motif est disparu des médias. Désormais, vous prônez l’indépendance nécessaire pour le bon développement de votre groupe et le souhait de décisions régionales, en agitant subtilement le drapeau breton au passage pour tenter de fédérer votre région. Comme cela risque de ne pas être suffisant, cette indépendance évitera même à terme semble-t-il un licenciement massif de collaborateurs si celle-ci n’est pas obtenue. Lorsque l’on connaît le fonctionnement des fédérations Crédit Mutuel, l’autonomie des dirigeants et leurs indépendances décisionnelles, nous savons tous que ces arguments sont complétement faux. En dehors de la colonne vertébrale mutualiste qui rattache les fédérations au Crédit Mutuel national, par ses valeurs et ses fondamentaux statutaires, vous savez bien que chaque fédération est complétement autonome dans ses décisions et ses orientations stratégiques. Chaque fédération est libre de faire ce qu’elle désire ! Comme preuves, en témoignent vos chiffres et le développement hors banque que votre fédération a réalisé depuis quelques années.

Comment auriez-vous pu investir dans des domaines aussi variés et propres à votre fédération si vous n’aviez une parfaite autonomie ? Il est clair que votre stratégie est de quitter le Crédit Mutuel, avec l’aval d’administrateurs qui prendront et porteront toute la responsabilité des conséquences si vous y parveniez, mais comment pouvez-vous utiliser de tels arguments qui sont distillés dans les médias ? Concernant l’intervention de certains élus ou personnalités qui s’empressent de vous accompagner dans votre souhait d’indépendance sans connaître notre fonctionnement, j’espère que ces derniers seront toujours présents et mettront la main au porte-monnaie si le résultat devait impacter négativement les 9000 salariés et les quatre millions de sociétaires. Car malgré tous les votes qui peuvent être réalisés, ce seront au final les salariés et sociétaires qui seront pénalisés et subiront les éventuelles conséquences. Comment peut-on faire croire de nos jours d’un groupe régional sera plus fort qu’un groupe national ? Pour mémoire, je vous relate une situation vécue que vous connaissez. J’ai été embauché au sein d’une ancienne fédération Crédit Mutuel en 1983. Avec des dizaines de filiales créées et de formidables résultats enviés par beaucoup, nous étions à l’époque, comme sur un nuage, dirigeants, administrateurs et salariés.

Certainement sur « le même nuage », le dirigeant de l’époque pensait certainement que tout lui était permis, rendu possible justement par une complète autonomie. Avec des choix d’investissement très variés, parfois même discutables, sa gestion s’est soldée par une fédération en très grande difficulté financière. Un groupe classique ne s’en serait jamais relevé. A l’époque, la solidarité nationale Crédit Mutuel, indispensable à notre survie, a joué son rôle et a sauvé notre fédération et les milliers d’emplois à la clef, dans l’esprit mutualiste qui caractérise le Crédit Mutuel. Si cela n’avait été le cas, je n’aurai pas, à ce jour, l’occasion de me prévaloir de mes trente-six ans d’ancienneté au Crédit Mutuel. Pour moi, tous les faits, les incohérences et votre refus à toute négociation témoignent que ce combat semble être un combat personnel que vous menez et non un combat pour la survie de votre fédération.

J’espère de tous mes vœux afin que la raison et la loi l’emportent et permettent aux salariés du Crédit Mutuel Arkéa et des autres fédérations de retrouver une complète sérénité en éloignant l’ineptie d’une séparation du groupe Crédit Mutuel. Je vous prie, d’agréer, Monsieur le président, l’expression de ma plus simple considération.

Robert Hay

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