En 1962, une émission de l’ORTF s’intéressait au sort des jeunes bretonnes poussées à l’exil vers Paris. Avec un ton péremptoire. 56 ans plus tard, le déracinement sévit toujours. Mais l’Histoire connait un revirement !
« Pour ou contre Paris ? »
Après la Seconde Guerre mondiale, la Bretagne a longtemps alimenté Paris en jeunes femmes servant alors comme employées de maison ou étant contraintes à des œuvres plus basses encore. Dans ce reportage daté du 30 avril 1962, la télévision française de l’époque (ORTF) s’interroge sur l’attraction de moins en moins forte de Paris sur « les jeunes filles de province », dont certaines se montrent réticentes à quitter leur coin de terre et leur famille.
Parmi ces jeunes filles, les Bretonnes sont en première ligne. À travers la vidéo suivante, voilà donc une bonne occasion de se replonger dans le contexte de ces années où le déracinement de la jeunesse de Bretagne au profit de l’Île-de-France battait son plein. Avec notamment pour conséquences une désertification des campagnes et une identité bretonne vécue de manière honteuse et complexée.
Incitation au déracinement
Quant au ton employé dans le reportage en question, il apparaît comme clairement orienté à l’écoute de la voix off. Ainsi, cette dernière incite à mots à peine couverts les jeunes bretonnes interrogées dans leur village natal et ne voulant pas quitter leur pays à « monter à Paris ».
Plus d’un demi-siècle plus tard, les sociétés françaises et bretonnes ont fortement évolué. Et le Paris de 2018 n’a plus grand chose à voir avec celui des années 1960. Toutefois, une constante se dessine en trame de fond : à travers son gigantisme et son brassage perpétuel de populations, la capitale française est le chantre, aujourd’hui encore plus qu’hier, du déracinement et du nomadisme. Après avoir aspiré une partie des forces vives des territoires de l’Hexagone maintenus sous dépendance économique du fait d’un centralisme forcené, Paris est ensuite tombé dans son propre piège.
Paris ou le syndrome du métisseur métissé
Désormais, ce ne sont plus seulement les Bretons, Corses et Alsaciens qui viennent s’entasser dans la capitale française. Quand elles sont contraintes au départ pour des raisons professionnelles, les jeunes générations optent d’ailleurs bien souvent pour des pays étrangers, à la qualité de vie bien supérieure à celle de Paris. Confrontée à une immigration extra-européenne d’une ampleur sans précédent, la ville n’a plus les moyens de ses prétentions : la machine à assimiler, métisseuse et universaliste, s’est progressivement enrayée. Paris peut bien reprendre l’adage « Tel est pris qui croyait prendre » à son compte : quand le métisseur devient le métissé !
Il faut par ailleurs rappeler que la télévision, se faisant déjà le porte-voix de l’État français en cette année 1962, a longtemps tourné en dérision la Bretagne et les Bretons, réputés « arriérés » au regard de la vie urbaine parisienne. Le personnage de Bécassine en est l’avatar le plus tristement célèbre.
« Je préfère rester dans mon pays »
Mais, l’Histoire ayant suivi le cours que l’on sait par la suite, c’est aujourd’hui avec une certitude assurée et un peu d’ironie dans la voix que nous pourrions reprendre à notre compte les propos tenus dans le reportage ci-dessus par cette jeune bretonne de Plounévez-Quintin, déjà convaincue d’avoir fait le bon choix à l’époque :
« Mademoiselle, ne souhaiteriez-vous pas, comme beaucoup de jeunes filles de votre région, devenir employée de maison à Paris ? », lui demande la journaliste.
« Non, je préfère rester dans mon pays. Je suis chez moi, j’ai ma famille », lui rétorque alors la jeune femme. Que rajouter de plus en 2018 ? « Notre petite Bretagne vaudra toujours mieux que leur Grand Paris. Aux Bretons d’en prendre conscience ! », répond un jeune marin breton. C’est dit.
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