« Les Vikings ont débarqué à Nantes », toute la presse est enthousiasmée par l’exposition qui se tient actuellement à Nantes, au Château des Ducs de Bretagne : « fascinante » pour Le Parisien, « réhabilitation des Vikings » pour Les Échos. Selon Ouest France, elle permettrait de découvrir la culture Viking « pour la première fois en France » omettant par là l’importante et riche exposition de 2004 à l’abbaye de Daoulas sur L’Europe des Vikings. « Ils entrent dans notre histoire dans les larmes et la fureur et s’en retirent sans bruit comme fondus dans les brumes du temps et les eaux du baptême » écrivait alors la celtisante Claudine Glot, commissaire de cette exposition.
Un long sillage d’effroi, des récits d’épouvante, de meurtres, de pillages
La mémoire des Vikings fut durant des siècles un long sillage d’effroi, des récits d’épouvante, de meurtres, de pillages. Ce furent les moines qui durant tout le moyen-âge se firent les narrateurs de cette légende noire. Il est vrai que les vikings à la recherche d’or et d’argent s’attaquèrent prioritairement aux richesses de l’Église, prenant la mauvaise habitude d’occire au passage tous ses clercs comme, dans notre région, Gohard évêque de Nantes vers 843 ou Bily, évêque de Vannes vers 915. L’église en fera des saints bretons.
L’exposition présentée à Nantes est internationale. Elle est déjà passée à New York, Chicago , Ottawa, Barcelone ou Sydney et a été vue par plus d’un million trois cent mille visiteurs. Elle présente un demi-millier de pièces archéologiques prêtées par la Suède. Si celles-ci sont datées de 793 début de l’invasion de l’Angleterre à 1100 époque de la christianisation définitive de la Scandinavie, il ne faudra pas chercher de chronologie pointue ni de carte détaillée des expéditions et des établissements des vikings. L’exposition est avant tout narrative, centrée sur le mode de vie et les croyances de ce peuple autour de 8 thèmes principaux : mythologie, honneur, culte funéraire et vie après la mort, art et artisanat, économie et commerce, armes, bateaux, runes…
Les Vikings : d’abord des fermiers attachés à leur terre
S’ils furent des guerriers et de hardis navigateurs, les Vikings sont d’abord des fermiers attachés à leur terre. Dans leur société, les femmes y tiennent la place centrale de gardienne du foyer. Les nombreux objets du quotidien attestent de l’attention prêtée aux intérieurs (cornes à boire merveilleusement serties), et du soin porté aux vêtements, à l’apparence et à l’hygiène. Un lettré arabe Ibn Fadlân qui va rencontrer les Vikings au bord de la Volga au Xème siècle les décrit pourtant comme malpropres, « tatoués des ongles au cou … ils ressemblent à des revenants ». La myriade d’objets de toilette découverts, en particulier les peignes, infirme cette description.
Les artisans scandinaves ont un riche savoir-faire transmis de génération en génération. L’exposition en apporte la preuve que ce soit dans le tissage et la tapisserie, la bijouterie (torques, bracelets bagues et colliers), le travail des métaux précieux, du fer forgé et bien sûr la construction navale.
Une riche mythologie
C’est sans doute au chapitre des croyances religieuses et mythologies que l’exposition est la plus intéressante. Elle efface nombre de certitudes. Les Vikings n’ont pas de dieu unique, ils se voyaient vivre dans un monde surnaturel peuplé de dieux et de géants, les Ases (dont Odin et Thor) et les Vanes. Ces dieux sont semblables aux humains et ce ne sont pas des modèles moraux comme dans l’antiquité païenne de l’Europe, ils se combattent ou vivent pacifiquement entre eux.
Les traditions anciennes vont perdurer pendant des siècles après la christianisation. Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer le dieu Thor sur une amulette cruciforme. L’incinération – souvent dans son bateau – où l’âme se libère de son enveloppe corporelle pour rejoindre le Walhalla, continue à se pratiquer parallèlement à l’inhumation des chrétiens convertis qui croient à la résurrection de la chair.
Toutefois certains panneaux explicatifs apparaissent révélateurs des idées des organisateurs. Ainsi l’accent est lourdement mis sur l’esclavagisme pratiqué par les Vikings, en citant toujours Ibn Fadlân qui ne voit en eux que de « simples chasseurs d’esclaves ». Plus loin un texte présente le Viking, comme « un symbole fort et belliqueux » qui servit aux Allemands durant la Seconde Guerre mondiale « pour recruter des soldats danois, norvégiens et suédois fascinés par le mythe du solide Viking aryen ».
La pensée unique et le politiquement correct ne sont pas loin
La pensée unique et le politiquement correct ne sont pas loin quand on peut lire en conclusion : « Le Viking stéréotypé correspond à un mythe qui n’a plus autant d’écho ce jour en Scandinavie où égalité des sexes, multiculturalisme et intégration sont des symboles importants ».
Les Vikings ont toujours exercé une étrange fascination, des peurs et peut-être des nostalgies. Leur aventure nous fait encore rêver, racines réelles et imaginaire mêlés.
Les Vikings sont de retour, le temps d’une exposition, à Nantes, allons les rencontrer !
François Cravic
« Nous les appelons Vikings », exposition jusqu’au 18 novembre 2018 au Château des Ducs de Bretagne :
– du mardi au dimanche de 10h à 18h, à 19 h jusqu’au 31 août.
Crédit photos : Breizh-info.com et DR
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