Mardi 14 août, vers midi, la nouvelle de la catastrophe qui vient de toucher Gênes et l’Italie commence à se répandre.
Le viaduc de Morandi sur lequel passait l’autoroute A10 s’est effondré, emportant de nombreux véhicules avec lui.
Une grande ville d’Europe, lieu de vie d’un demi-million de personnes, riche d’une histoire longue et prestigieuse, est à nouveau à genoux.
Pas de terrorisme – a priori – cette fois-ci, pas de revendication musulmane dans un pays catholique, pas de prise d’otage et de sacrifice policier, mais le même sentiment en apprenant le drame, et la même attente insupportable. Combien y-a-t-il de morts ? 11, ce qui serait quasi-miraculeux ? 22, comme indiqué quelques minutes plus tard ? 30 ? 38 victimes ? Des enfants ? Des Français ? « Et si mon ami italien Luca, ou ma tante Thérèse, en vacances de l’autre côté des Alpes, avait justement décidé de passer par là à l’instant fatidique ? ».
Quand l’Italie est touchée comme lorsque Paris subit une attaque, ce sont tous les Européens qui saignent. Parfois égoïstement – et c’est bien normal – en craignant qu’un proche soit blessé, sinon par compassion, comme lorsqu’un voisin ou un cousin souffre ou disparaît. L’esprit européen est là, une connexion existe bel et bien entre nous, tandis que ce qui se passe à l’autre bout du monde, si cela ne nous laisse pas indifférent, nous est indéniablement étranger.
Je comprends mieux, désormais, les nombreux messages de soutien émis depuis tout le continent après les attentats du 13 novembre 2015 ou du 14 juillet 2016.
Le deuil n’est pas incompatible avec l’honneur
Mais l’émotion ne doit pas prendre le pas sur la réflexion. Il faut évidemment laisser la place au deuil, un temps sacré et de respect, sans pour autant laisser les ennemis de l’Europe insulter les morts… et les vivants.
Comme beaucoup de Français, j’ai, je l’avoue, pris la mauvaise habitude d’allumer BFM TV lorsqu’un événement grave se produit, pour être « informé ».
Les corps des victimes n’étaient pas encore froids, des parcelles du viaduc n’étaient peut-être même pas encore tombées qu’un intervenant, Anthony Bellanger, trouva opportun d’attaquer Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur italien issu de la Ligue (Lega).
D’après ce « spécialiste », par ailleurs moqué par beaucoup de téléspectateurs sur Twitter, Salvini aurait commis une faute en n’étant pas encore sur place au milieu de l’après-midi, en insistant longuement sur le sujet arrivé comme un cheveu sur la soupe, où plutôt comme une odieuse récupération idéologique et politique d’un ennemi de l’Europe balancée à notre face.
Anthony Bellanger est loin d’être le seul, citons par exemple Marcelle Padovani, hystérique journaliste du Nouvel Obs, dont les articles des dernières semaines visent tous le nouveau gouvernement italien et sa politique. Dans l’un d’entre eux, mettant en avant de possibles responsabilités du Mouvement 5 étoiles dans la catastrophe, car le parti aurait refusé la construction d’une bretelle d’autoroute pour soulager le vieillissant pont en 2013, la photo d’illustration est un cliché de… Matteo Salvini, issu, comme dit précédemment, de la Ligue, et donc complètement innocent sur cette question.
Accuser l’islam lors d’un attentat commis par des musulmans est inacceptable et impardonnable pour cette caste médiatique, mais tous les amalgames, toutes les manipulations et les provocations sont bonnes pour salir ceux qui se définissent comme protectionnistes, patriotes ou eurosceptiques, peu importe s’ils furent élus selon les règles de la démocratie.
Ces journalistes agents du chaos, ou ces gosses de riches bourgeois et capricieux férus des « valeurs républicaines » s’assoient sur la volonté du peuple lorsque celle-ci ne fait pas leur affaire. L’entreprise Benetton, bien connue pour ses campagnes publicitaires antiracistes et accessoirement propriétaire du viaduc, tout comme Bruxelles, qui impose des contraintes budgétaires aux pays membres de l’UE dans le développement de ses infrastructures, ne doivent pas être attaqués car ils représentent le « Progrès » et défendent les migrants.
Salvini, lui, est un « méchant » qui refuse de laisser l’Aquarius accoster, il faut donc – pardonnez le jeu de mots – le couler !
Matteo Salvini a tout de même commis une erreur. Le soir de l’accident, il a en effet participé à une fête organisée en Sicile ; des clichés de la soirée ont fuité, et, avec le bombardement médiatique inévitable qui s’en est suivi, la colère a gagné de nombreux Italiens. L’homme peut bien faire ce qu’il veut de sa vie privée, il est en revanche tenu de surveiller sa communication pour ne pas détruire un travail de longue haleine et laisser les requins reprendre le contrôle. En France, on sait que Marine Le Pen a payé cher sa danse du soir de sa défaite au 2ème tour de l’élection présidentielle de 2017.
L’Italie se relève
On ne sait pas encore l’ampleur que cette polémique prendra, ni ses conséquences, en revanche, les interventions de Matteo Salvini après la catastrophe de Gênes sont intéressantes et sans concession. Ceux qui accusent le ministre de rejeter lâchement la faute sur les autres oublient de mentionner qu’il n’est en place que depuis quelques mois. C’est certainement le ras-le-bol vis-à-vis des vrais responsables du drame, lobbys comme instances supranationales, qui ont poussé les Italiens à voter pour la coalition entre la Lega et le M5S.
Une autre intervention démontre le sérieux que l’on peut trouver de l’autre côté des Alpes, celle du mouvement Casapound.
Avec pudeur, sans insister lourdement dans un premier temps, justement pour respecter le deuil des leurs, mais avec la volonté de ne pas laisser les responsables impunis, les militants ont tenu un discours similaire à celui du gouvernement via leur page Facebook, mettant en évidence les contraintes de l’Union Européenne et la recherche de profit des sociétés privées détentrices des routes italiennes.
Par ailleurs, Casapound est habitué à intervenir matériellement et humainement lorsque l’Italie est touchée par une catastrophe, notamment des tremblements de terre, par le biais de son association La Salamandre. Celle-ci s’est immédiatement mise à disposition des autorités après l’effondrement du viaduc.
Si la ligne néofasciste du mouvement lui confère de facto une image d’épouvantail dans les médias mainstream, le travail de terrain sur la durée lui donne toujours plus de crédit aux yeux de la population.
Malgré ses faiblesses, les attaques menées contre elle, les conséquences des crises migratoires et économiques ou le drame de cette semaine, l’Italie, de par sa volonté de se relever et de se défendre, pourrait bien être devenue un exemple pour les nations de l’Europe de l’Ouest.
Alexandre
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Crédit photo : Facebook La Salamandra CPI
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