Le Caporal Justice est un véritable super-héros. Si la lecture de ses aventures, publiées sur un site internet, vous rappellera de temps à autre celles des icônes de Marvel, vous découvrirez, avec son auteur, Jean-Baptiste Mary, que ce genre est né en Europe ! Par ailleurs, ce personnage vous fera traverser l’histoire de France, avec sérieux mais non sans humour…
Breizh-info.com : Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre projet baptisé « Les aventures du Caporal Justice » ?
Jean-Baptiste Mary : Cela remonte à l’époque durant laquelle j’effectuais mon service militaire, il y a près de vingt ans. Durant l’hiver, on s’ennuyait ferme avec les camarades de contingent et j’ai rapidement créé ce personnage pour faire rire les copains.
Je n’ai gardé aucune publication du Caporal Justice original mais d’après mes souvenirs, c’était un humour assez nul. Le temps passant et faisant son œuvre, j’ai repensé à ce personnage et je l’ai lentement revu et retravaillé tout comme son univers.
Breizh-info.com : Vous avez fait le choix de publier les histoires de votre personnage sur internet, via le site des aventures du Caporal Justice, pourquoi ?
Jean-Baptiste Mary : Un site internet permet de toucher un maximum de personnes, même si je ne me fais aucune illusion sur la portée que peuvent avoir certains sites par rapport à d’autres… je ne sais pas pourquoi mais je pense que les sites pornos ont plus de succès que les sites traitant de la civilisation des oasis.
Breizh-info.com : Les nouvelles sont moins « tendances » que les BD et autres dessins, vous en êtes conscient ?
Jean-Baptiste Mary : L’écriture, c’est ma crèmerie ! Si j’avais eu des talents de dessinateur, j’aurais tracé les traits de mon Caporal, mais il faut quoi qu’il en soit tenter de réhabiliter l’écriture, y compris par les canaux qui tendraient à faire disparaître cette pratique comme internet.
Breizh-info.com : D’où vient le nom de Caporal Justice ?
Jean-Baptiste Mary : Pour tout dire, je ne me rappelle pas… mais aujourd’hui je pense que si le grade de caporal est le plus bas de toute la hiérarchie militaire, il garde une grande importance dans celle-ci. Il reste un militaire du rang et n’appartient pas au corps des sous-officiers. Il est le lien entre le troufion et le galon. Et, Justice, parce que cette dernière ne doit pas être une chose éthérée et seulement déterminée par la loi ou par des juges lâches et incompétents et des procureurs de la république parvenus et corrompus. C’est un droit et un devoir qui appartient à chaque citoyen et non aux seuls magistrats. Le Caporal Justice est l’un des personnages que j’ai créé qui permet au peuple de se réapproprier la vraie Justice, une Justice naturelle.
Breizh-info.com : Super soldat, héroïque, mais amateur de bagarres et de pinard…peut-on dire qu’il s’agit du pendant français de Captain America ?
Jean-Baptiste Mary : Pas complètement. Le Caporal Justice original est une création (comme l’indique ce terme) purement originale. Le Caporal Justice moderne s’inspire en revanche d’un personnage ayant réellement existé : Albert Séverin Roche. Un soldat français de la Première Guerre mondiale qui a enchaîné les actes d’héroïsme durant quatre années de guerre. Si le soldat Roche peut avoir l’air pantouflard et mignon sur les photos que l’on a de lui, il s’est révélé particulièrement féroce et plein de culot. Cet ancien était un tout petit bonhomme mais c’était une véritable teigne. Je suis persuadé qu’il aurait mis une pâtée monumentale à un solide gaillard comme Patrice Quarteron.
Albert Séverin Roche a inspiré le Caporal Justice.
A lui seul, le soldat français avait fait 1180 prisonniers lors de la Grande Guerre !
J’admets que je me suis inspiré de Captain America pour le côté « super soldat » augmenté chimiquement. Toutefois si Captain America porte les valeurs américaines, le Caporal Justice, lui, porte les valeurs françaises : Patrie, Alcool, Tabac, Guinguettes, Copains, Fromages, Saucissons, Rigolades, Fantaisies et Désordres.
Breizh-info.com : On retrouve parfois un côté humoristique graveleux que ne renieraient pas Marsault ou Papacito…vous ont-ils inspiré ?
Jean-Baptiste Mary : Non mais après tout pourquoi pas ! Marsault et Papacito ont un côté ouvriers des hauts fourneaux des années 50 (enfin surtout Marsault parce que Papacito fait plutôt mac des années 70) avec une grande gueule, joyeusement bourrins, avec un soupçon de bon sens populaire… et en plus ils râlent et disent des gros mots sans parvenir à être vulgaires… généralement ce genre de types sont en réalité de grands tendres, admirateurs secrets de Michèle Morgan, Romy Schneider ou Arletty et qui n’oseront jamais avouer qu’ils lisent et relisent « Axelle » de Pierre Benoît. Dans une autre vie, ils auraient été des porte-flingues de Constantin et Ventura et auraient donné un coup de main à Gabin pour planquer les corps dans « La Horse ».
Breizh-info.com : L’histoire de France a également une place centrale dans les aventures du Caporal Justice, pourquoi ?
Jean-Baptiste Mary : C’est une manière de susciter l’intérêt des gens pour une matière qui n’a absolument pas la cote en ce moment ou qui est allègrement revisitée à des fins de propagande anti-nationale. La littérature sert notamment à aborder des sujets d’histoire en les sublimant afin de réanimer leur intérêt auprès du public. Le meilleur exemple est « Les Trois Mousquetaires » d’Alexandre Dumas.
Breizh-info.com : A vous lire, vous semblez particulièrement attaché à l’Anjou…
Jean-Baptiste Mary : C’est ma région et il n’y a rien de plus normal que d’y être attaché. Il est important d’avoir des racines dans un pays de notre belle France, et d’aimer celles-ci afin justement d’appartenir pleinement à la France.
Breizh-info.com : Le marché des super héros n’est-il pas saturé par les Américains voire éloigné de la culture européenne en termes de bande dessinée ?
Jean-Baptiste Mary : Ce que les gens ne savent pas de nos jours c’est que Captain America, Iron man et compagnie sont certes le symbole plus que triomphant de la culture populaire américaine mais ces super-héros ne sont absolument pas une invention américaine. Les premiers super-héros de la littérature populaire sont d’origine européenne et plus particulièrement française.
Il faut pour cela remonter jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Dans la France de la Belle Epoque, s’est développée toute une littérature autour de personnages fantastiques, tous étroitement liés aux récents progrès scientifiques, notamment la découverte du radium et les travaux sur la radioactivité par Pierre et Marie Curie.
La société d’avant la Grande guerre, baignée par les succès des révolutions industrielles et par la doctrine du positivisme d’Auguste Comte, sera friande des aventures du Nyctalope, d’Arsène Lupin, de Fantômas ou du docteur Mabuse.
Nyctalope, un « super héros » français créé en 1911
Breizh-info.com : Et comment ces super-héros français ont-ils disparu ?
Jean-Baptiste Mary : Naturellement, après les horreurs de 14-18, ses nombreux deuils et en rajoutant l’immense cortège funèbre des victimes de la grippe espagnole et l’émergence du totalitarisme bolchevique et plus généralement du totalitarisme socialiste, la confiance aveugle envers les progrès scientifiques s’estompera et le positivisme commencera à tomber en désuétude.
La mode européenne du roman populaire et de ses super-héros au radium sera définitivement achevée par les premiers coups de canon de la Seconde Guerre mondiale.
Finalement ces super- héros européens étaient à la fois le symbole d’une époque désuète et fantasmée mais aussi la preuve de l’aveuglement des gens pour les avancées technologiques et scientifiques de l’époque auxquelles on sacrifiait trop facilement le « matériel humain » disponible.
Breizh-info.com : L’Amérique n’a pas l’air de s’en lasser…
Jean-Baptiste Mary : L’Europe aurait pu se remettre de ces illusions mais pas l’Amérique qui continue de distiller à travers le monde, et notamment en Europe, une vision ambiguë de la science par rapport à l’homme, par le biais de la culture populaire.
https://www.youtube.com/watch?v=bmWLLempSyI
Dans l’histoire de Captain America, c’est la science qui permet au frêle Steve Rogers de devenir un « super soldat »
Pour moi les super- héros, qu’ils soient européens ou américains, sont des avatars du positivisme et d’un romantisme littéraire particulièrement malmené par les brutales désillusions des révolutions industrielles et par la mainmise des marchands de tapis (les banquiers) sur notre monde.
Breizh-info.com : Combien d’épisodes préparez-vous et jusqu’à quelle époque le Caporal Justice traînera-t-il ses guêtres ?
Jean-Baptiste Mary : À cette heure il n’y a que trois épisodes de publiés sur mon site. Trois autres sont en préparation mais il n’y a pas de nombre prédéfini d’épisodes.
Concernant les époques, il est prévu en revanche que le Caporal Justice traverse tout le 20ème siècle jusqu’à nous en affrontant des méchants toujours plus méchants et redoutables.
Nous avons hâte de découvrir ça ! Merci d’avoir répondu nos questions et bonne continuation au Caporal Justice !
Propos recueillis par Alexandre Rivet
Crédit photo : lesaventuresducaporaljustice.wordpress.com / Facebook
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