La ville du Croisic, dans la lignée des expositions rétrospectives organisées ces dernières années autour d’artistes de renom comme le peintre Ferdinand du Puigaudeau ou le sculpteur Jean Fréour propose une exposition thématique consacrée au graveur , peintre et illustrateur Jean Emile Laboureur. Celui-ci vécut au Croisic de 1919 à 1924 mais illustra aussi toute la région de la presqu’ile guérandaise à l’estuaire de la Vilaine et au grand marais de la Brière.
Né à Nantes en 1877 Jean Emile Laboureur est le cousin germain de Jules Grandjouan dessinateur libertaire et caricaturiste de L’assiette au beurre. Condisciple au Grand Lycée de Nantes d’Alphonse de Châteaubriant et de Paul Ladmirault, le jeune Laboureur est présenté par l’industriel et mécène nantais Alphonse Lotz- Brissonneau au graveur Auguste Lepère qui va l’initier à son art. Ses premières œuvres sont des gravures sur bois à la manière de Paul Gauguin. Très vite il voyage beaucoup en Europe et aux Etats Unis où il va exposer peintures et estampes. Fixé à Paris en 1912 son dessin se rapproche du cubisme de Braque et de Picasso, il s’y liera d’amitié avec des artistes comme Marie Laurencin, Guillaume Apollinaire et Toulouse-Lautrec dont il deviendra le disciple.
La ville de Nantes avait consacré il y a trois ans au château des Ducs de Bretagne une exposition consacrée à l’œuvre de Laboureur durant la guerre de 1914-1918.
Juste après la Grande Guerre, Laboureur va s’installer au Croisic ; il y vivra de 1919 à 1924 pour habiter ensuite à Pénestin où, frappé d’hémiplégie en 1938, il mourra en 1943.
L’exposition aborde principalement son œuvre dans la presqu’ile guérandaise au Croisic et à Batz, en Grande Brière ou à Pénestin dans le Morbihan.
Laboureur, inspiré par le cubisme reste figuratif mais il en adopte la géométrisation et la simplification des formes.
Dans la suite des dessins gravures et tableaux présentés sur le Croisic, tous ont pour cadre le port et ses alentours : architecture des maisons d’armateurs du XVIIIème siècle et juxtaposition de deux mondes opposés, les pêcheurs au quotidien et les « étrangers » élégants estivants venus aux bains de mer. Dans une quarantaine de burins et eaux fortes cela s’enchaîne comme une bande dessinée pleine d’humour et de facétie.
C’est le bois gravé et l’eau forte que Laboureur utilisera pour illustrer le pays guérandais et ses marais salants. Quelques scènes de plage à La Baule montrent le caractère mondain de la station opposé à la simplicité de Piriac, du Croisic ou de Pénestin. Jean-Emile laboureur s’intéresse avant tout aux « gens » et surtout à ceux de la mer. Contrairement à beaucoup d’autres artistes il ignore les monuments, églises ou chapelles de Batz ou du Croisic et remparts de Guérande.
De 1926 à sa mort, Pénestin et les rives de la Vilaine seront pour lui une autre source d’inspiration. Des paysages d’abord, falaises et chaumières, mais la mer réapparait toujours avec ses pêcheurs et le passe temps du bain pour d’autres qui n’hésitent pas déjà à pratiquer le naturisme tout près de sa villa à l’abri des grottes de la plage !
Une exposition d’une exceptionnelle qualité
Avec le succès Laboureur s’est offert une voiture, une Delage. Il va se consacrer à la représentation de la Brière. Son ancien condisciple Alphonse de Châteaubriant avait écrit en 1923 un roman à succès sur ce grand marais. Curieusement il ne l’illustrera pas comme le firent Mathurin Méheut, R-Y Creston ou Constant Le Breton, mais ses gravures furent très appréciées du public. Elles sont une documentation exceptionnelle sur une région farouche isolée et peu connue qui garda ses traditions ancestrales jusqu’aux années quarante.
Cette exposition « Jean-Émile Laboureur, entre terre et mer, harmonies en presqu’ile » est d’une exceptionnelle qualité. Elle fera date. Elle a été mise en scène par Laurent Delpire, directeur du patrimoine de la ville du Croisic et conservateur des antiquités et objets d’art de Loire-Atlantique qui a aussi rédigé les textes du très beau catalogue.
Elle présente aussi un caractère pédagogique avec animations films et ateliers autour de la gravure : taille douce, burin, pointe sèche … le visiteur n’en ignorera rien à la sortie.
François Cravic
Ancienne criée du Croisic, place Boston. Du mardi au dimanche de 10h30 à 12h30 et de 15h30 à 18h.
Entrée : 5 € Catalogue 15 €.
Crédit photos : Breizh-info.com
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