Le 24 juin 2016, une Audi A3 stationnée sur un parking devant le n°11 rue Jacques Feyder, dans le quartier multi-ethnique du Breil à Nantes, a essuyé une dizaine de coups de feu. Le passager et le conducteur avaient été légèrement blessés. Peu après, deux « jeunes » de 17 ans connus de la police avaient été interpellés, ils circulaient à scooter et avaient une arme sur eux.
Deux semaines après la fusillade, perquisitionné dans le cadre d’une autre affaire, l’un des deux individus a vu la police retrouver le pistolet utilisé le 24 juin et plusieurs munitions, dans la chambre de l’appartement de Bellevue où il vit avec sa mère et ses deux frères… dont l’un avait été tabassé au Breil quelques heures avant les tirs du 24 juin. Il avait été placé en 2017 en détention provisoire pour tentative d’assassinat.
Pendant celle-ci le prévenu n’a pas perdu de temps et a écopé de deux mois ferme supplémentaires pour avoir tabassé un codétenu lors d’un « assaut de boxe ». Jugé le 1er août pour la fusillade du Breil, il s’est vu reprocher les tirs, pour « venger » son frère cadet et « accroître cette logique délétère de compétition entre certains quartiers de Nantes », pour le procureur, qui a requis trois ans ferme.
Compétition « dans la drogue, les armes, l’arsenal, les points de deal, les vengeances idiotes », relève un policier nantais lassé par les règlements de compte à répétition… qui n’ont fait que s’accélérer et s’aggraver depuis 2016, tandis que les pouvoirs publics préfèrent pour la plupart regarder ailleurs.
Ce sont d’ailleurs ces règlements de compte qui sont à l’origine indirecte des émeutes de juillet 2018 : au Breil, un délinquant défavorablement connu des forces de l’ordre refuse de s’arrêter à un contrôle de CRS alors qu’il est recherché par la justice. Il est abattu, ce qui déclenche les émeutes. Mais la présence des CRS est elle-même directement liée aux règlements de compte : une semaine avant, des tirs sur un immeuble ont blessé une jeune fille à sa fenêtre. Là encore, les marchands d’indignation préfabriquée et ceux qui trouvent que des délinquants multirécidivistes sont des « crèmes » pour des raisons bassement électorales ont préféré regarder ailleurs.
Cette fois, ce sont les juges qui décident de regarder ailleurs, à cause des « incohérences du dossier » fustigées par le prévenu. Relaxe au bénéfice du doute pour les violences aggravées. Un an ferme pour la détention d’arme illicite. Mais la peine est déjà couverte par la détention provisoire. Affaire classée donc. Jusqu’aux prochains tirs.
L.M.
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