Si la réforme constitutionnelle est adoptée – elle est pour l’instant suspendue à la suite de l’affaire Benalla –, pour les députés, on passera de 577 à 404 ; 61 seront élus à la proportionnelle, 8 représentant les Français de l’étranger seront élus, eux aussi, à la proportionnelle sur une liste unique et 335 députés « territoriaux » seront élus au scrutin majoritaire dans les circonscriptions.
Pour le spécialiste de la carte électorale qu’est Olivier Marleix (LR), député d’Eure-et-Loire, « si l’introduction d’une dose de proportionnelle vise à favoriser la représentation de toute les formations, la réduction du nombre de députés favorisera les grands partis. Par définition, l’équilibre ne sera plus possible là où il n’y aura plus qu’un député, comme en Haute-Marne, par exemple, où il y a aujourd’hui un député de la majorité et un de l’opposition. Des circonscriptions plus grandes feront disparaître certaines enclaves sociologiques ou spécifiques qui permettaient à un parti de décrocher un élu dans un territoire globalement acquis à un autre courant. Le Front national et la France insoumise pourraient en être victimes, perdant ainsi plus par cette diminution du nombre de circonscriptions qu’ils ne gagneraient par le ‘rattrapage’ de la proportionnelle » (Le Figaro, 9 mai 2018).
Le Canard enchaîné (11 avril 2018) résume l’affaire ainsi : « Plus les circonscriptions seront étendues, plus les fiefs électoraux des petits partis se retrouveront dilués dans des territoires dominés par les grands partis. »
Les experts électoraux des Marcheurs ont déjà procédé à des projections pour 2022 en appliquant le résultat des législatives de 2017. Le groupe LREM passerait de 312 à 204, les Républicains de 102 à 68, le MoDem de 47 à 31, UAI (UDI, Agir et Indépendants) de 32 à 21, la Nouvelle gauche (PS) de 31 à 20, la France insoumise (LFI) de 17 à 11 et le PC de 15 à 10. Le RN (ex-FN) de 8 à 5. Manquent quelques députés et le cas des non-inscrits.
Les mêmes experts électoraux estiment que c’est la France insoumise qui risque d’être le parti le plus exposé. Et ce à cause de la concentration de ses députés sur peu de départements (cinq élus en Seine-Saint-Denis, deux dans le Nord). Quatre députés LFI sur sept seraient ainsi condamnés d’emblée par le regroupement des circonscriptions (Le Canard enchaîné, 16 mai 2018). Au RN (ex-FN), Louis Alliot, le compagnon de Marine Le Pen, et ses alliés Emmanuelle Ménard et Gilbert Collard pourraient être rayés de la carte électorale (Le Canard enchaîné, 14 avril 2018).
Richard Ferrand, député de Carhaix et président du groupe LREM, a évidemment un avis sur la question. D’autant plus qu’étant le président du groupe le plus important du Palais-Bourbon (322), il sera l’une des chevilles ouvrières de la réforme des institutions. Venu présenter son bilan devant la presse locale, il explique : « Une soixantaine de députés seront élus à la proportionnelle, le nombre d’élus des circonscriptions sera divisé par deux. Dans le Finistère, on devrait donc passer de 8 à 4 députés. » Un mauvais signe pour les territoires ? « Au contraire, Paris va perdre plus de députés proportionnellement. ». Les nouvelles circonscriptions ne seront délimitées qu’ultérieurement (Le Poher, 11 juillet 2018).
Dommage que Richard Ferrand n’ait pas expliqué aux journalistes comment il voyait l’avenir de la circonscription Carhaix-Châteaulin – la sienne. A coup sûr, il veillera de très près au redécoupage. Dieu premier servi ! A la circonscription actuelle, il adjoindra les zones qui votent « bien », c’est-à-dire Macron à la présidentielle et LREM aux législatives. La géographie électorale est un art.
Bernard Morvan
Illustration : DR
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