De tendance conservatrice et plutôt libérale, le Junge Freiheit est un hebdomadaire allemand fondé en 1986 et basé à Berlin depuis 1995. Le journal se livre ainsi depuis le début de l’été à des chroniques sur la Bretagne intitulées « Croquis bretons ». La dernière en date évoque l’abbé Perrot, les scouts d’Europe, Georges Cadoudal ou encore le mouvement Breiz Atao. Breizh-info.com vous en propose la traduction ci-dessous :
Croquis bretons
Le monastère de Landévennec se trouvait sous le soleil du soir. En arrière-plan, les moines chantaient doucement les vêpres. Le scout se tenait à la porte de la salle de réception. Un jeune homme de grande taille, bronzé, dans la chemise bleu clair des Scouts d’Europe. Quand le visiteur lui a demandé s’il était possible d’entrer à l’intérieur de l’abbaye, il a répondu par une négation amicale mais déterminée.
Il se tenait ici parce qu’il était arrivé trop tard au service et qu’il ne voulait pas déranger la dévotion. Souriant, il a pointé son menton vers le panier de linge qu’il tenait devant lui. Puis il ajouta qu’il aidait les pères dans leur travail quotidien et qu’il participait à la vie spirituelle du monastère avec sa troupe pendant quelques semaines.
Les Scouts d’Europe sont une association scoute chrétienne relativement petite, fondée au début des années 1960, lorsque l’organisation des Scouts de France était de plus en plus sous l’influence du gauchisme à la mode à cette époque. Les principes éducatifs des Scouts d’Europe sont traditionnels, ses liens avec l’Église catholique sont étroits et la vision du monde qu’elle véhicule est conservatrice.
Le passé n’est pas oublié
Il n’est donc pas surprenant que le jeune homme porte un petit écusson avec les mots « Groupe Georges Cadoudal » sur sa manche. Cadoudal était l’un des chefs les plus importants des royalistes pendant la Révolution française. L’Armée catholique et royale qu’il commande en Bretagne est essentiellement composée de paysans pieux que scandalisent l’impiété de la République et l’assassinat de Louis XVI. Cadoudal lui-même mourut sous la guillotine en 1804 ; ce n’est qu’alors que Napoléon réussit à pacifier la Bretagne et la Vendée frontalière, principaux centres de la guerre civile entre « Bleus » et « Blancs ».
Cependant, les événements n’ont pas été oubliés. Les massacres au nom de la liberté et des droits de l’homme auraient ainsi fait plus de cent mille morts, Le génocide franco-français (selon le titre de l’ouvrage de Reynald Secher) a façonné la mémoire collective dans une grande partie de l’Ouest de la France et a été conjointement responsable en Bretagne de l’émergence d’une conscience particulière, que Paris a naturellement observée avec suspicion.
La pauvreté et le retard partiel de la région, la persévérance avec laquelle la tradition et la langue bretonne ont été maintenues, la grande influence de la noblesse et du clergé rural, ainsi qu’une nouvelle image romantique du grand passé celtique, ont nourri la fierté et la volonté des Bretons.
C’est ainsi qu’est né le mouvement breton lors de la transition du XIXème siècle au XXème siècle qui, d’une part, exigeait l’abandon du centralisme en France et la création d’une structure fédérale et, d’autre part, exigeait un relèvement culturel des paysans tout en préservant leurs traditions. La figure centrale dans ce contexte était le prêtre breton Yann-Vari Perrot.
Les bretons traditionnels adorent l’abbé Perrot
Contre la résistance de l’épiscopat national français, il s’est levé pour le soutien pastoral dans les paroisses les plus reculées de Bretagne, a exigé le sermon en breton et a créé en 1905 l’une des organisations bretonnes les plus influentes sous le nom de « Bleun-Brug » (Fleur de bruyère). Malgré le harcèlement constant des autorités laïques et spirituelles, l’abbé Perrot est devenu le porte-parole des Bretons.
Il a donc maintenu le contact avec presque tous les groupes, y compris ceux des nationalistes radicaux autour du journal Breiz Atao, qui a émergé après la Première Guerre mondiale et a appelé à la création de son propre État breton. Quand, après l’effondrement de la France en 1940, ce but semblait être à portée de main pendant quelques temps, l’abbé Perrot a gardé ses distances. Il aurait souhaité une solution modérée au problème de l’autonomie. Néanmoins, aux yeux de la Résistance communiste, il est considéré comme un collaborateur et sera assassiné le 12 décembre 1943.
Le différend sur la personne de Yann-Vari Perrot et les raisons de son assassinat perdure encore aujourd’hui. Les Bretons, conscients de la tradition, continuent de l’adorer ; pour la gauche – française et bretonne, il était un réactionnaire, et parfois même un « facho ». Sa tombe dans un petit hameau près de Scrignac a été profanée plusieurs fois depuis 1980, la dernière fois en avril 2018.
Article source : Junge Freiheit
Crédit photos : Breizh-info.com
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