Existe-t-il un débat plus chargé d’émotions et de tensions que celui autour de l’existence des races humaines ? Drapés de leur vision égalitariste du monde, les députés français ont en tout cas démontré leur volonté de trancher les discussions ayant actuellement cours chez les spécialistes. Ils ont ainsi choisi de consacrer la supériorité de la loi sur la science en décidant de la suppression du terme « race » dans la Constitution française, texte le plus important de l’ordre juridique national. Un choix qui interpelle alors que les progrès de la génétique démontrent que la question raciale n’est certainement pas mise de côté par la communauté scientifique.
Les députés votent la suppression du terme « race »
Le 27 juin dernier, lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle en commission, plusieurs amendements, défendus par La République en marche (LRM) ainsi que par des élus socialistes et communistes ont été adoptés.
Le Monde nous apprend que, pour justifier leur volonté de supprimer le mot « race » de la Constitution, les députés LRM ont écrit dans leur amendement : « Le terme de “race” a été introduit dans la Constitution en 1946, après le nazisme, pour indiquer que toute race était égale, pour mettre fin aux discriminations et rejeter les théories racistes. Toutefois, la persistance de sa mention est aujourd’hui mal comprise, à rebours de l’intention initiale. »
Le vote sera finalisé – ou non – le 10 juillet prochain.
Les races humaines existent-elles ? Un débat né dans les années 70
20 Minutes est formel : « Il est démontré qu’il n’existe pas de races au sein de l’espèce humaine ».
« Bien sûr, la science démontre qu’il n’existe pas de races humaines » écrit également Catherine Vincent, journaliste au Monde.
Ces deux affirmations sont fausses. Le débat sur la pertinence de la notion de race n’a en effet jamais été refermé même si, sur ce sujet brûlant, les spécialistes favorables à une classification raciale ont toujours été prudents.
La subdivision de l’espèce humaine entre différentes populations génétiquement distinctes – ce qu’on appellerait donc des races – est-elle une réalité ?
L’un des fondements de la négation de cette existence des races humaines est une étude réalisée par Richard Lewontin en 1972. Dans ce travail scientifique, il démontrait que les différences génétiques entre groupes géographiques étaient mineures.
Le spécialiste Cavalli-Sforza – qui avait fait paraître une publication dans laquelle il défendait la pertinence de la classification raciale en 1970 –, a gardé le silence pendant de nombreuses années sur cette étude.
Le travail de Lewontin a été largement attaqué et il a été démontré – notamment par Edwards en 2003 mais aussi par d’autres – que l’argument principal de l’étude parue en 1972 était fallacieux. Lewontin affirmait que les races n’existaient pas car il était impossible de distinguer génétiquement et de manière significative les populations humaines. Or, Edwards a prouvé que ce qui était en partie vrai si l’on se focalisait sur un seul gène, devenait complètement faux si plusieurs gènes étaient étudiés.
Cavalli-Sforza a reconnu la pertinence de la critique d’Edward.
Les progrès de la génétique confirment que la notion de race est pertinente
Depuis quelques années, les progrès de la génétique ont été tels que les découvertes sur cette question sont en train d’ébranler les esprits des plus féroces partisans de l’inexistence des races.
Dernier exemple significatif en date, une étude publiée en mai dernier qui démontre que les différences moyennes de taille, de masse corporelle et de propension à la schizophrénie entre Asiatiques, Européens et Africains sont génétiques.
Ce n’est pas pour rien que David Reich, professeur de génétique à Harvard a récemment publié une tribune qui a fait l’effet d’une bombe auprès du grand public. Il y déclarait notamment : « Les récentes études génétiques ont démontré qu’il existait des différences entre les populations, non seulement dans des traits simples comme la couleur de la peau mais aussi dans des traits plus complexes comme les mensurations et la vulnérabilité aux maladies. […]
Je crains que les personnes bien intentionnées qui nient la possibilité de différences biologiques substantielles entre les populations humaines soient en train de s’enfermer dans des positions indéfendables qui ne survivront pas à l’assaut de la science. »
Avec ces propos, David Reich ne fait que reprendre l’avis dominant au sein de la communauté scientifique. Peut-être que les députés français devraient prendre le temps de réfléchir à deux fois avant de supprimer le terme « race » de la Constitution française.
Vouloir subordonner la science à la loi est en effet dramatique et laisserait présager d’un avenir bien sombre.
Crédit photos : Varoon Arya [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
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