C’est fini. L’ACIPA, principale organisation anti-aéroport, a voté ce 30 juin sa dissolution. Des 2300 militants à jour de cotisation, 941 se sont exprimés, dont 531 pour la dissolution et 389 contre. Juste avant, le conseil d’administration avait avalisé la dissolution, par 12 voix contre 9. Un comité de liquidation suivra les recours encore pendants devant le Conseil d’État.
L’enjeu était simple : dissoudre parce que l’objectif était atteint – il n’y aura plus d’aéroport à Notre-Dame des Landes, ou maintenir l’association pour conserver sa force de frappe et permettre de défendre les zadistes engagés dans des projets agricoles. Nombre d’adhérents locaux étaient pour la dissolution : « on n’a que trop tardé », s’exclame l’un d’eux, de Notre-Dame des Landes. « Il aurait fallu dissoudre dès l’annonce de l’abandon de l’aéroport, et ne pas se laisser embarquer dans le refus des irréductibles de négocier avec l’État, et tout ce bordel ».
Pour un adhérent installé dans une commune voisine, « le bordel ne date pas d’aujourd’hui. En 2012-2013 avec l’opération César l’ACIPA a laissé l’extrême-gauche militante s’installer aux commandes, y compris jusque dans son CA. Or ceux-là, quand ils sont quelque part, c’est pire que le mildiou… ». Il a voté pour la dissolution, qui « fait partie d’un processus plus large. Il n’y a plus d’aéroport, les pouilleux dégagent, le droit revient, les routes sont réouvertes, on tourne la page et on revient à la vie normale ».
Problème : les irréductibles ne sont pas prêts à plier bagage et s’attaquent désormais à leurs anciens soutiens paysans qu’ils accusent de trahison après qu’ils aient signé avec la Préfecture pour récupérer leurs terres. Le 26 juin, du foin coupé en endains a été incendié sur deux parcelles à la Pâquelais – deux départs de feu ont été relevés pour 300 et 100 m² brûlés. Les terrains appartenaient à un agriculteur historique qui bénéficie d’un bail précaire jusqu’à la fin de l’année. Quelques jours plus tard, ce sont des totems installés au Chêne des Perrières pour symboliser l’enracinement de la lutte anti-aéroport qui ont été incendiés.
Pour les feux de foin comme pour les totems, aucune plainte n’a été déposée. « Pourquoi faire ? », s’interroge un agriculteur. « Tout le monde sait très bien qui a fait ça, ce sont les mêmes qui déversent des insanités sur Julien Durand, sur les agriculteurs historiques, sur les membres de l’ACIPA depuis des mois sur internet et parmi leurs semblables ».
Nombre de figures historiques de l’ACIPA – mais aussi des zadistes qui ont signé avec la Préfecture et ont refusé de soutenir leurs ex-camarades dans leur opposition à l’État ont en effet été prises à partie sur les ressources web de l’extrême-gauche. « Qu’ils ne se réjouissent pas trop vite », achève l’agriculteur. « On sait parfaitement qui ils sont, combien ils sont – très peu en fait – et qui les soutient. On sait qu’ils n’ont pas beaucoup de courage, à part pour foutre le feu à du foin au petit matin ou raconter des conneries sur le web. Beaucoup moins que ce qu’il faudrait pour travailler tous les jours, et non vivre aux crochets des autres ».
La situation n’est cependant pas pour rassurer ce gendarme situé non loin de la zone : « L’aéroport c’est fini, mais les rancoeurs sont restées, les blessures vont être longues à refermer. Notamment chez certains opposants. Les gendarmes mobiles vont s’en aller, l’État va s’en désintéresser au fur et à mesure que les terres seront rendues à leurs ex-propriétaires ou réaffectées aux projets agricoles des zadistes, et nous on va rester seuls pour gérer le bordel ».
Ce qui explique aussi pourquoi l’ACIPA a fini par se saborder. « Nous, notre combat, c’était contre l’aéroport, comme pour le CéDPA d’ailleurs », relève un ancien membre de la direction de l’association. « Pas contre l’aéroport et son monde. Notre vocation, c’était de porter l’opposition locale au projet, pas d’être une association de gauchistes. Nous n’avions pas non plus vocation à gérer le bordel et les dissensions liés à des gens qui certes se sont opposés à l’aéroport mais ne voulaient rien entendre ni discuter. Et encore – ces dernières semaines, parmi les irréductibles il y avait des gens qu’on n’avait jamais vu dans la lutte et qui étaient venus ici pour leur gloriole, ou pour manipuler les autres. Mais maintenant c’est fini, basta ».
Louis Moulin
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