Le gouvernement canadien vient d’annoncer le lancement d’une enquête sur les Métis de Nouvelle-Écosse. Le Canada de Justin Trudeau, réputé ouvert à toutes les immigrations, est en réalité miné depuis des années par les questions de race et d’identité nationale.
Mu par un souci de repentance, le pays a, par sa loi constitutionnelle de 1982, reconnu des droits propres aux « peuples autochtones du Canada », à savoir les Indiens, les Inuit et… les Métis. En effet de nombreux métissages ont eu lieu entre Amérindiens et colons aux premiers siècles de la colonisation, en particulier au Québec. Pour être considéré comme « Métis », il fallait naguère résider dans une réserve indienne. Depuis un arrêt de 2013 de la Cour fédérale, cette condition n’est plus indispensable.
Cela a donné des idées à certains. Parmi les droits « ancestraux ou issus de traités » dont jouissent les peuples autochtones figurent notamment des dispenses de taxes sur la consommation. Pour en bénéficier, il faut posséder une carte officielle de métis établie par l’administration. Mais certaines Nations métisses établissent de leur côté des cartes qui prêtent à confusion. L’une d’elle, la « Nation Eastern Woodland Metis », qui compte environ trente mille membres, aurait ainsi incité ses membres à présenter leur carte « maison » aux commerçants pour être exemptés de taxes. Ils encourent alors une amende et jusqu’à six mois de prison.
En octobre dernier, l’administration canadienne a lancé une première enquête sur ces pratiques. Elle a aussi demandé au cabinet KPMG d’évaluer l’importance de l’évasion fiscale due à cette pratique. Les résultats devraient être bientôt connus.
Vrais et faux métis, un débat émergent au Canada
Les Indiens, eux, regardent de travers les métis, ou prétendus tels, qui ne résident pas dans les réserves. Ces derniers ont créé une organisation, la Confederation of Aboriginal People of Canada (CAPC) pour défendre leurs droits et les aider à obtenir la précieuse carte d’appartenance officielle.
Pour prouver l’ascendance indienne de ses membres, elle a recours à des analyses d’ADN. Mais certains assure que son prestataire, le laboratoire Viaguard Accu-Metrics de Toronto, a trop tendance à voir des Indiens partout. CBC News a demandé au leader mondial des analyses génétiques, 23andMe, de vérifier les tests effectués sur trois de ses salariés : là où Viaguard avait trouvé 20 % de sang indien, 23andMe n’en a pas trouvé du tout. Daniel Brabant, un membre exclu par CAPC, assure avoir fait analyser l’ADN de son caniche par Viaguard. On lui aurait trouvé 2% d’hérédité Oji-Cree, 2% de Saulteaux et 1% de Mississauga !
La question métisse canadienne fait déjà l’objet d’une polémique assez vive dans les milieux universitaires depuis qu’un professeur de Saint Mary’s University, Darryl Leroux, s’est penché sur l’étonnante augmentation du nombre de métis autodéclarés au Canada : +149,2% au Québec et +124,3% en Nouvelle-Écosse entre les recensements de 2006 et de 2016 ! Il lance même une accusation gravissime dans le contexte politique canadien : « les personnes qui revendiquent une nouvelle identité « métisse » ne reconnaissent en aucun cas le fait que leur blancheur (au sens culturel et politique) a participé à la dépossession continue des peuples autochtones ». Le point Godwin n’est pas loin.
Illustration : Gouvernement provisoire de la nation métisse en 1870, Bibliothèque et Archives Canada n° de reproduction PA-012854 et n° MIKAN 3194516, via Wikipedia.
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