Ratés d’urbanisme. Suite de notre série, après les abords de la Manufacture et les dégâts des eaux pluviales, la place du commandant Jean l’Herminier qui se trouve le long du quai de la Fosse, presque au droit du pont Anne-de-Bretagne. Vide et déserte, elle témoigne d’un aménagement par « l’art contemporain » totalement raté au début des années 1990. Bref, encore un héritage de Jean-Marc Ayrault à bazarder d’urgence.
Pour ses riverains, la place est un « espace perdu ». C’est aussi une œuvre d’art qui a coûté cher à son artiste, Dan Graham. Commandée en 1992 et réalisée en 1994, surélevée d’un mètre pour surmonter un parking souterrain, elle se nomme « Nouveau labyrinthe » et a été financée par la ville et l’État. Mais la réalisation a tout de suite commencé à tomber en ruine : dalles qui se décollent ou se cassent et qu’il faut remettre, problèmes d’étanchéité, accès malaisé à cause des rambardes et des parois de verre, absence d’accessibilité aux PMR, espace sans signification ni sens.
« Même pour les skateurs, c’est inutile : les dalles sont granuleuses », relève un riverain. Mais sont néanmoins régulièrement remplacées – encore au début de l’année au fond de la place. Seuls usagers réguliers de la place : un groupe de marginaux qui sont installés vers le fond, et se ravitaillent à la petite épicerie située rue Charles Brunellière… ce qui n’encourage pas plus les riverains à trouver l’aménagement de cette place réussi.
A bout de nerfs la ville a collé un procès à Dan Graham et son associé allemand Erick Recke, et Dan Graham a fini par le perdre en 2002 – les concepteurs ont été condamnés à verser 168.075 € à Nantes Métropole ; l’artiste s’est obstiné et a été condamné à verser 70.000 € en 2006. Bref, résume La lettre à Lulu (n°63, 12/2008) « Nantes a cru acheter un grand nom, salivant à l’idée de cette sommité internationale de l’art conceptuel, pourtant inconnue du grand public. Miser sur une signature gadget n’aura donné qu’un grand bout de rien battu par les vents ».
Pourtant le précédent n’a pas découragé le recours par la ville de Nantes à l’aménagement des espaces publics par l’art contemporain – même au détriment des nécessités d’entretien courant. Tout près se trouve le mémorial de l’Esclavage et ses vitres cassées si difficiles à remplacer.
Autre raté : le square des combattants d’Afrique du nord (place René Bouhier) entouré par des grilles qui ne font même pas un mètre de haut. Du coup, contrairement aux squares Faustin Hélie et Louis Bureau – entourés par de bonnes et hautes grilles – il est envahi la nuit par des marginaux et des groupes qui y consomment de l’alcool. Au grand dam des riverains.
Louis-Benoit Greffe
Crédit photos : Breizh-info.com
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