Ce Jeudi 21, pour les touristes comme pour les habitants du centre ville de Quimper, la liberté de circulation était réduite à une peau de chagrin. Entre rues bloquées, barrières de sécurité et présence policière, la capitale du Finistère avait des airs de ville en état de siège.
Tout ce dispositif en raison de la visite du président de la République, Emmanuel Macron, qui contrairement au mini bain de foule qu’il s’autorisa en Presqu’île de Crozon à la fin de son déplacement, avait choisi la sécurité en ne s’adressant qu’à un parterre d’élus et de responsables locaux en grande partie acquis à sa cause.
Besoin est-il de rappeler l’excellent score du candidat d’En Marche lors des dernières élections présidentielles en ces terres Finistériennes ?
Les quelques opposants, environ 200 personnes, toutes tendances confondues (CGT, NPA, France Insoumise, Sud, ect), étaient quant à eux cantonnés à une mobilisation statique devant la gare. Au vu du déploiement policier entre cette dernière et la place Saint Corentin où se le Président allait prononcer son allocution, il y avait fort peu de chance que les cornes de brume des syndicalistes viennent troubler la quiétude de ce grand oral.
Durant environ 1 h 30, Emmanuel Macron put donc, devant 700 personnes sagement assises pour l’écouter, prononcer un discours dont les accents évoquaient plus la campagne des élections européennes à venir qu’un bilan de ses actions en tant que président.
Commençant par évoquer les nouvelles responsabilités des régions, il affirma vouloir faire de « la Bretagne, le laboratoire de cette décentralisation de projet au niveau national ». A la fois flatteur et habile, cette déclaration tend à satisfaire la fibre régionaliste des élus tout en les attachant à un projet de dimension nationale.
Continuant sur sa lancée, il affirmera avec conviction que « la priorité est donnée à la mobilité du quotidien », sujet au combien sensible en Bretagne. Développer les lignes à grande vitesse afin de permettre que Brest ne soit plus qu’à 3 h 17 de Paris, « désenclaver » des territoires un objectif noble au premier abord mais qui omet de préciser que pendant ce temps les lignes secondaires ferment, que les trajets entre les différents départements bretons relèvent bien souvent du parcours du combattant et que la priorité pour les Bretons est plus de pouvoir se rendre facilement à leur travail le matin que d’aller en moins de 4 h faire du shopping à Paris…
Poursuivant sur la politique agricole, il évoque un grand plan d’action de 4 milliards afin de permettre à la France « de retrouver sa souveraineté alimentaire ». Parallèlement, il préconise jouant sur le questionnement de nombreux élus concernant la filière animale de « rouvrir des abattoirs de nouvelle génération, afin de réconcilier production et bien-être animal ».
Par contre, pas de détails sur la répartition des aides, pas de calendrier et surtout pas un mot à destination d’un monde paysan particulièrement fragilisé en terres bretonnes.
Après la terre, la mer. Le président Macron ne prend pas vraiment de risque en rappelant que « la mer est au cœur de l’histoire et au cœur de l’économie de la Bretagne » et en réaffirmant son soutien aux filières de la pêche. Le public applaudit, satisfait.
Il est beaucoup plus facile alors d’en profiter pour confirmer discrètement les six projets français de parcs éoliens offshores, dont celui en baie de Saint-Brieuc ; c’est beaucoup moins sûr par contre que les pécheurs voient d’un bon œil cette annonce.
Emmanuel Macron ne pouvait omettre avant de clore son intervention d’évoquer avec émotion et admiration la force de la culture Bretonne. « La langue française n’est plus menacée par les langues régionales qui ont un vrai rôle à jouer » dit-il promettant par ailleurs d’aider les différents réseaux d’écoles publiques et Diwan.
Par contre, pas un mot sur le quand et comment, pas une allusion à l’affaire Fanch, l’habile « Bevet Breizh » prononcé à la fin de l’allocution présidentielle s’apparentant plus à du folklore qu’à une volonté de défense et de promotion de la langue bretonne.
Finissant son allocution par un vibrant hommage à l’engagement européen des Bretons « J’ai besoin de ces terres qui croient dans l’Europe. N’oubliez jamais d’être Européens, des Européens bretons comme vous savez l’être » , le président évoque finalement la fierté d’être breton, le sentiment profond de l’appartenance à l’Europe tout en ayant bien pris soin précédemment de le rattacher au cadre hexagonal.
En conclusion, le discours de Quimper, tout en sollicitude, en admiration et en promesses peut à juste titre être rapproché de tous ceux qui dans l’histoire politique récente ont contribué à assujettir l’avenir de la Bretagne à celui de la France, nonobstant sa propre Histoire et ses propres intérêts.
Yannig Berthelot
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