En Espagne, l’une des plus importantes affaires de corruption politique de tous les temps secoue actuellement l’actuel gouvernement de Mariano Rajoy. Un vaste scandale qui ébranle le Parti Populaire au pouvoir. Un parti qui apparaît bien plus intransigeant sur les volontés de la Catalogne que sur ses propres pratiques.
Le Partido Popular dans la tourmente
La journée du jeudi 24 mai restera comme une date peu glorieuse de l’histoire de l’Espagne. Le parquet national espagnol a ainsi rendu son verdict dans l’affaire Gürtel. Dans ce dossier, il était donc question des agissements d’une quarantaine d’individus dont de nombreux membres du Partido Popular, qui est actuellement au pouvoir à Madrid.
Les membres accusés de corruption ne sont pas d’obscures militants mais bien des personnalités de premier plan dont des responsables du PP, une ancienne présidente de la communauté de Madrid, une ancienne ministre mais également l’ex trésorier du parti. Des chefs d’entreprise se sont aussi retrouvés devant les juges.
Autant dire que l’ombre du chef du gouvernement Mariano Rajoy, appartenant lui aussi au Parti Populaire et qui s’est tant fait remarquer ces derniers mois pour son intransigeance (pour ne pas dire autisme) face au processus d’indépendance en Catalogne, a sérieusement plané sur le procès. Mariano Rajoy a d’ailleurs été cité à comparaître comme témoin dans cette affaire.
351 ans de prison
Quant aux faits, ils sont très graves et remettent clairement en cause la légitimité du PP. Ainsi, la liste des accusations est très lourde et très longue : associations illégales, corruption active et passive, trafic d’influences, détournement de biens publics, fraude à l’administration publique, blanchiment d’argent, tentatives de fraude procédurale, faux documents commerciaux, prévarication, délits contre le trésor public, exactions, appropriations illégales. L’ensemble de ces actes est daté entre 1999 et 2005.
Au total, la justice espagnole a condamné 29 personnes sur les 37 accusés à quelques 351 années de prison cumulées. Le tout par l’intermédiaire de 165 peines prononcées. Un procès d’une telle ampleur qu’il pourrait presque prêter à sourire s’il ne mettait pas en cause des responsables politiques de haute importance dans l’un des États majeurs de l’Union européenne.
33 ans pour le trésorier du PP
Pour sa part, l’ancien trésorier du parti de Rajoy, Luis Barcenas, a été condamné à plus de 33 ans de prison. Une peine assortie d’une amende de 44 millions d’euros. Quant à sa femme, celle-ci a écopé d’une peine de 15 années et un mois.
De son côté, Pablo Crespo, secrétaire du Partido Popular de Galice entre 1996 et 1999 a été condamné à 37 ans et 6 mois de prison. Le parti a même reçu une amende en son nom de 245 492 euros.
Corruption massive
Ces pratiques de corruption avérées se sont donc déroulées à très grande échelle et ont été principalement organisées par le PP. Le procureur Concepcion Sabadell avait ainsi affirmé, au cours de l’audience qui se tenait en octobre 2017, que la formation de Rajoy avait contribué « à faire que ces mécanismes véreux dans l’attribution des marchés publics se consolident comme un problème structurel ».
Le système de trucage des marchés publics permettait ensuite au PP de bénéficier de commissions afin de financer ses activités. Mais également de rémunérer illégalement quelques grands noms du parti.
Rajoy soupçonné
Si, lors de ses auditions par la police, Mariano Rajoy a nié connaître l’existence de ces financements très occultes, d’autres cadres très proches de ce dernier au sein du PP ont reconnu avoir bénéficier de ces rétributions.
Autre élément accablant, les révélations de l’un des patrons de l’enquête sur le dossier. Manuel Morocho, dirigeant de l’Unité de Délinquance Économique et Fiscale, avait effectivement assuré, le 7 novembre dernier devant les députés espagnols que Mariano Rajoy avait bien touché de l’argent provenant directement de la caisse noire en question.
48 milliards d’euros
Pour assurer sa défense, le PP a réagit en évoquant des pratiques isolées dans quelques fédérations locales et entend faire appel de la décision du 24 mai. Or, aujourd’hui ce sont désormais près de 900 membres responsables et élus du Parti Populaire qui font l’objet de poursuites judiciaires.
Dans le même temps, la presse de la péninsule ibérique vient rappeler qu’une dizaines personnes impliqués dans ce dossier Gürtel sont décédées de façon pour le moins suspectes dans la période qui a précédé le procès.
Enfin, cette histoire de corruption orchestrée par le parti de Mariano Rajoy aurait un coût de 48 milliards d’euros. Et encore, le montant ne représenterait que la seule fraude aux marchés publics sans tenir compte du reste.
Deux poids, deux mesures
Une somme supportée par les contribuables espagnols de toutes les communautés autonomes. À ce prix-là, nous comprenons tout de suite mieux le jusqu’au-boutisme de Rajoy face aux volontés d’indépendance des Catalans. Des indépendantistes dont les arguments sur la pression fiscale de Madrid sont démontrés par l’exemple via ce procès.
Quant au rigorisme du chef du gouvernement espagnol, il s’avérerait plutôt à géométrie variable lorsque l’on met en parallèle les incarcérations massives de dirigeants catalans suite au référendum de fin 2017 et l’étonnante indulgence judiciaire dont il bénéficie lui-même. L’unité de l’Espagne défendue par Mariano Rajoy ne s’applique visiblement pas aux arrestations préventives…
Crédit photo : Flickr (CC BY 2.0)
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