L’Unef, syndicat étudiant plus connu pour ses combats sociétaux que scolaires, fait encore parler de lui. Cette fois, c’est par l’intermédiaire de son ancien président Bruno Julliard, devenu conseiller à la mairie de Paris depuis. Celui-ci s’en prend à Maryam Pougetoux. Quand la gauche est prise à son propre piège…
Bruno Julliard, de l’Unef à la mairie
Il s’était fait discret jusqu’à présent. Mais l’épisode du voile porté par une représentante de l’Unef a fait sortir de sa réserve ce représentant d’une gauche d’une époque désormais révolue. Et surtout dépassée.
Car il faut dire que le cas de Bruno Julliard est un symbole à lui seul. Après près de six années passées à suivre un cursus de droit public sans même obtenir son master, l’homme se fera principalement remarquer par son passage à la tête du syndicat étudiant Unef qu’il présidera de 2005 à 2007. Une période où le conflit autour du sulfureux CPE (contrat première embauche) du gouvernement Villepin mettra Bruno Julliard sous les feux médiatiques.
Par la suite, il réussira une étrange (à défaut d’être surprenante) pirouette en quittant l’Unef pour une place de conseiller à la mairie de Paris. Il deviendra rapidement l’un des premiers adjoints de Bertrand Delanoë (Parti socialiste). Un poste d’adjoint qu’il occupe toujours sous la mandature Hidalgo. Mais, si Bruno Julliard a marqué de son empreinte l’Unef des années 2000, le syndicat tendance laïcarde et socialisme bon teint qu’il incarnait à merveille a bien changé depuis.
Maryam Pougetoux ou la revanche de l’identitaire
Une évolution qui n’est donc pas du goût de l’ancien étudiant. Dans une interview accordée à Marianne, il vient fustiger Maryam Pougetoux, présidente de l’AGE de Paris IV, qui a récemment défrayé la chronique en faisant une intervention télévisée avec son voile musulman.
Une apparition qui a suscité un malaise à gauche. Les soldats acharnés d’une laïcité forcée, qui avaient jusqu’alors le beau rôle face à des catholiques peu vindicatifs, se sont pris les pieds dans le tapis de prière. Dans la lignée d’un Manuel Valls, Bruno Julliard (37 ans) n’a que très peu goûté la tenue vestimentaire de Maryam Pougetoux.
Selon lui, la jeune femme, de 18 ans sa cadette, est le symbole d’une « radicalisation politique » et d’une « marginalisation » de son ancien syndicat. Ajoutant même que « le discours de l’Unef pour défendre le voile, ce sont des décennies de combat piétinées ». Mais le constat du premier adjoint à la mairie de Paris est avant tout révélateur d’un phénomène : l’identitaire et le sociétal vont prendre le pas sur les questions sociales.
« Bigoterie patriarcale et sexiste »
Alors que l’Unef est désormais présidée par Lilâ Le Bas (25 ans), la rupture est donc plus que consommée avec son ancien patron. Lequel craint que les nouvelles générations d’étudiants ne soient tentées par le communautarisme dont Maryam Pougetoux pourrait être l’un des avatars.
« Voir qu’une présidente de section locale de l’Unef porte le voile et voir qu’elle est soutenue par les dirigeants de cette organisation, ça me tord le ventre. Ce n’est pas supportable », s’emporte Bruno Julliard. Avant d’ajouter au sujet de la jeune musulmane : « Quoi qu’elle en pense, son voile est le signe d’une bigoterie patriarcale et sexiste en contradiction avec les combats féministes que l’UNEF a toujours portés ».
Et, contraint de reconnaître que le gauchisme à l’ancienne était en passe d’être submergé par des revendications d’un nouveau genre, il poursuit : « Ce vêtement est devenu un symbole patriarcal et rétrograde, qu’on le veuille ou non. J’observe d’ailleurs que cette étudiante a choisi de porter un hijab et non un petit foulard. Ce voile, et plus encore les discours pour le défendre, ce sont des décennies de combat pour l’émancipation des femmes piétinées ».
Un constat qui, bien que lucide dans ses observations, n’est que le résultat d’une étonnante naïveté dont a fait preuve la gauche française depuis des décennies. Or, la politique, c’est avant tout une question d’anticipation.
Gap générationnel
En à peine dix ans, l’universalisme républicain incarné par la ligne Julliard de jadis a donc été balayée au sein de l’Unef. La laïcité poussée à son paroxysme et le contrat social abstrait qu’incarne l’identité française ne pouvaient pas lutter face à la progression de l’islam dans l’Hexagone ni face aux revendications croissantes de populations extra-européennes de plus en plus nombreuses dans notre société. Le communautarisme ne pouvant qu’en découler.
De ce fait, le syndicalisme étudiant et les universités n’avaient pas de raison d’échapper au phénomène. Ainsi, en plus du voile, il existe un autre malaise dans l’entourage de l’Unef. Celui engendré par les réunions en non-mixités raciales qui ont eu lieu dans certaines facultés. « Cette dérive est favorisée par la crise culturelle de la gauche », déplore, impuissant, Bruno Julliard. « Quand on parle de laïcité, il faut à chaque instant chercher à convaincre, à rassembler le plus grand nombre vers la maison commune, à dresser des ponts et pas des murs ».
Une maison commune pour laquelle le Parti socialiste a grandement apporté sa pierre à l’édifice, sans même s’apercevoir que les fondations étaient bancales dès l’origine. Quant au retour du communautarisme pourfendu par l’adjoint d’Anne Hidalgo, il nous rappelle surtout que le « chacun chez soi » engendre souvent moins de problèmes que l’habitat collectif. N’en déplaise à Bruno Julliard, les murs sont parfois plus utiles que les ponts.
Crédit photos : Flickr (CC BY-SA 2.0)
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