Le couple franco-allemand est devenu une figure imposée de la politique européenne. Il n’est pourtant pas favorable à la France car il la conduit à renforcer le leadership mondialiste de l’Allemagne. Aussi Ligne droite préconise-t-elle de lui substituer un directoire composé des cinq plus grandes nations. Beaucoup plus légitime, cette structure informelle aurait l’avantage d’affaiblir la position de l’Allemagne, de placer la France en situation d’arbitre et de faciliter la réalisation du projet d’Europe puissance.
Le couple franco-allemand, une pratique qui a perdu sa légitimité
Lancé dès le début de la construction européenne, le couple franco-allemand a depuis lors joué un rôle particulier sur la scène diplomatique bruxelloise. Incarné à l’origine par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer, il était porteur d’une forte charge symbolique puisqu’il concrétisait la réconciliation des deux anciens ennemis de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Il illustrait ainsi l’idée d’une construction européenne conçue à l’époque comme la garantie d’une paix durable entre les anciens belligérants. Aussi était-il reconnu comme légitime par les autres États membres de l’Europe des débuts.
Puis, cette entente particulière entre la France et l’Allemagne a été peu à peu utilisée par les deux partenaires comme un moyen de faire progresser l’entreprise européenne. Il suffisait que les deux plus grandes nations s’accordent sur un dossier pour que les autres suivent et que l’organisation bruxelloise aille de l’avant.
Aujourd’hui, il en va différemment. D’abord parce que l’Europe à vingt-sept peine de plus en plus à se ranger derrière deux pays quand l’Europe des six pouvait le faire relativement facilement. Ensuite, parce que ce couple a perdu de sa légitimité historique, dans la mesure où la Seconde Guerre mondiale appartient au passé et que le risque d’une guerre intra-européenne est désormais très faible.
Aussi Ligne droite considère-t-elle que la France doit abandonner cette pratique diplomatique qui a aujourd’hui perdu ses fondements et se révèle par ailleurs pénalisante pour la France comme pour l’Europe.
Le couple franco-allemand, un dispositif aujourd’hui néfaste pour la France comme pour l’Europe
La vision européenne de l’Allemagne est en effet très différente de celle de la France et se situe aux antipodes de celle portée par la droite nouvelle. L’Allemagne reste très attachée à l’ultralibéralisme international qui ne dessert pas ses intérêts. L’industrie d’outre-Rhin a en effet réussi non seulement à résister à la concurrence sauvage mais à rester fortement exportatrice, ce qui place de surcroît l’Allemagne en position de force par rapport à la France. Par ailleurs, Berlin demeure attaché à un euro fort géré exclusivement dans le but de maîtriser l’inflation, deux options parfaitement contradictoires avec la vision qui devrait être celle de la France. De plus, l’Allemagne mène une politique migratoire d’ouverture à tout va elle aussi totalement opposée à celle que devrait préconiser notre pays. Enfin, la République fédérale entretient des liens diplomatiques de dépendance à l’égard des États-Unis et d’allégeance à l’Otan, ce qui est également contraire aux perspectives que devrait incarner Paris.
L’Allemagne, meilleur défenseur de l’Europe bruxelloise
Aussi peut-on aujourd’hui considérer l’Allemagne comme le pays qui incarne le plus vigoureusement les options de l’Europe bruxelloise. À ce titre, elle n’est pas pour la France un partenaire fiable, mais plutôt un adversaire politique. En tout cas, si la France portait le projet d’Europe puissance, c’est d’abord l’Allemagne qu’elle devrait circonvenir pour le concrétiser.
Dans ce couple franco-allemand, ce sont donc deux conceptions opposées qui se confrontent. Or, des deux partenaires c’est l’Allemagne qui domine, non seulement par le poids de sa population et des avantages qui en résultent pour elle au sein des institutions bruxelloises, mais aussi par la santé éclatante de son économie et de ses finances publiques. Aussi ce couple est-il non seulement contradictoire mais déséquilibré. De sorte qu’en y participant, la France conforte l’Allemagne et lui assure de facto un leadership qui, en raison de ses orientations, s’avère néfaste pour l’Europe.
Pour la création d’un directoire composé des cinq plus grands pays
Ligne droite préconise en conséquence de substituer au couple franco-allemand un groupe de pays formé des cinq nations les plus peuplées d’Europe : l’Allemagne (83 millions d’habitants), la France (67 millions d’habitants), l’Italie (61 millions d’habitants), l’Espagne (47 millions d’habitants) et la Pologne (38 millions d’habitants). Une telle formation, qui devrait rester, au moins dans un premier temps, totalement informelle, aurait l’avantage de disposer d’une légitimité incontestable aux yeux des autres États membres. Le critère du nombre d’habitants est en effet imparable car, dans l’ordre du poids démographique décroissant, la Roumanie (20 millions d’habitants) et les Pays-Bas (17 millions d’habitants) qui viennent après la Pologne sont très loin derrière elle et ne peuvent en aucune façon prétendre à faire partie du groupe des grands pays. Mieux encore, les cinq pays à eux seuls représentent avec 296 millions d’habitants près de 67 % de la population totale de l’Union.
Sur le plan géographique, ce groupe des cinq serait aussi assez représentatif de l’Union. Les pays du Nord, à savoir l’Allemagne et la Pologne, pèsent 121 millions d’habitants quand ceux du Sud, l’Italie et l’Espagne, en représentent 108 millions. De plus, ce dispositif donnerait à travers la Pologne sa place pleine et entière à l’Europe de l’Est, laquelle a souvent le sentiment d’être marginalisée dans l’Union.
Fort de cette légitimité démographique, ce directoire pourrait alors s’imposer peu à peu comme le noyau dur, susceptible d’entraîner une Union qui, avec vingt-sept pays, est en effet très lourde à mettre en mouvement.
Le groupe des cinq, une structure bénéfique pour la France et l’Europe puissance
Cette initiative présente par ailleurs l’immense avantage de replacer la France au cœur de l’Europe. Dans un tel dispositif, notre pays, au lieu de subir le poids d’un partenaire plus puissant que lui, se retrouverait dans une position centrale. D’une part il pourrait nouer des relations particulières avec la Pologne très attachée à son identité et se trouverait d’autre part en synergie avec l’Espagne et l’Italie dont l’économie et la sociologie sont plus proches des siennes que de celles de l’Allemagne. Dans un tel dispositif, Berlin pourrait donc perdre sa position dominante.
Ce groupe des cinq serait de ce fait beaucoup plus ouvert à la rénovation en profondeur de l’Union européenne que ne l’est actuellement le couple franco-allemand. Manœuvré avec conviction et intelligence par la diplomatie française, il pourrait redonner du souffle à l’Union et aider notre pays à faire prévaloir son projet d’Europe puissance.
Crédit photo : domaine public
Source : Ligne droite