La famille du peintre et auteur Xavier de Langlais, Langleiz en langue bretonne, vient de donner l’ensemble de ses archives personnelles à la ville de Rennes. Un fonds riche qui pourrait à l’avenir faire l’objet d’études universitaires et d’expositions.
Voici ce qu’écrivait Yann Bouëssel du Bourg sur le site Buan1, à propos de cet immense artiste et militant breton :
Vannetais par sa naissance, ses racines profondes, son enfance, l’essentiel de son inspiration, Xavier de Langlais s’était fixé à Rennes dès 1941 tout en gardant des relations fréquentes avec son pays d’origine et il y restera jusqu’à sa mort, en 1975.
C’est à la vie de cette grande cité qu’il va désormais participer. Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts pendant 25 ans il saura s’attirer l’admiration et l’affection de ses élèves par sa courtoise autorité autant que par sa compétence exceptionnelle.
Il n’avait pas pourtant abordé cet enseignement auquel le contraignaient des nécessités matérielles sans une certaine inquiétude, redoutant qu’il n’enlève à sa propre création une part de sa spontanéité, qu’il n’apporte à son art une sorte de systématisation, craintes qui devaient se révéler vaines.
C’est là également qu’il va poursuivre ses recherches sur les techniques de son art, secrets parfois connus des peintres d’autrefois et perdus par la suite, qu’il s’efforçait de retrouver.
Dans le vieil appartement qu’il occupa longtemps, Place des Lices, dans ce Rennes ancien qu’il aimait, il s’était aménagé un atelier inspirateur, un véritable atelier d’alchimiste où chaque coin et recoin avait son attribution particulière.
C’est là que pendant bien des années il va expérimenter sans relâche ses huiles et ses couleurs, les exposant tout à tour à l’ombre et au soleil, en étudiant les réactions, se laissant guider autant par l’odeur que par la vue, amassant ainsi peu à peu la matière de son grand ouvrage: » La Technique de la peinture à l’huile « , devenu aujourd’hui le livre de chevet de bien des artistes du monde entier et le manuel classique des écoles d’art, traduit même en japonais !
Il n’en continuait pas moins à peindre. Ses expositions se succédaient tous les deux ou trois ans et elles étaient pour lui une satisfaction, bien sûr, mais aussi une épreuve. II lui fallait subir les réflexions des gens souvent pas très heureuses. Il en souriait souvent, mais elles frappaient parfois sa sensibilité de plein fouet. ll n’avait pas été sans surprendre les graves Rennais par ses harmonies un peu osées, telle dame assez âgée qui lui reprochait d’avoir des teintes » couleur de pain d’épice » ou cette excellente religieuse qui se scandalisait de ce que la barbe du Christ était bleue !
D’un autre côté, lui-même ne pouvait prendre au sérieux certains aspects de l’art contemporain et il préférait ne pas se rendre à certains vernissages plutôt que que d’avoir à donner son avis et d’être obligé de critiquer des collègues.
Ceux-ci parfois dit-on ne pouvaient s’empêcher de jalouser l’étonnante variété et la qualité de ses modèles.
On connaît la charmante anecdote qu’Henri Terrière, je crois, a rapportée: comme on lui demandait comment il arrivait à se les procurer, il répondit avec beaucoup de candeur et de simplicité que quand il apercevait dans la rue une jeune femme qui lui paraissait correspondre à l’idéal de beauté qu’il recherchait, il l’abordait tout bonnement et il lui demandait si elle voulait bien poser pour lui et cela avec tant de courtoisie et de gentillesse qu’il essuyait rarement un refus.
Xavier de Langlais a été avant toute chose le peintre de la beauté féminine, aux paysages les plus splendides il préférait le corps humain et ses incursions dans les monts d Arrée et à travers le Saint-Malo dévasté n’auront été que passagères.On ne saurait trop s’étonner alors que le vieux Rennes au milieu duquel il vivait et dont il affectionnait le charme n’ait pas été pour lui un sujet d’inspiration; sa vocation était ailleurs.
Sans doute est-ce ce culte de la femme qui, dans un plan tout différent va l’amener à réincarner en breton, avec « Tristan Izold » puis en breton et en français avec son grand roman du Roi Arthur, l’essentiel de cette littérature courtoise jailli du vieux tronc celtique et que les Celtes avaient laissée par la suite à d’autres le soin de cultiver.
Sa présence au centre d’une ville d’Université, riche en bibliothèques, facilitait grandement ses recherches mais c’est dans son manoir de Kohanno cependant, au milieu du calme et des paysages de son enfance et de sa jeunesse qu’il mettait la dernière main à la rédaction de ses ouvrages.
Peut-on s’étonner qu’un homme en proie à des activités si absorbantes et si diverses se soit très peu mêlé à la vie officielle et mondaine de la capitale bretonne?
Non pas qu’il fut en aucune façon un misanthrope. Tous ceux qui l’ont connu ont conservé Ie souvenir de son amabilité et de sa gaîté et quand il se trouvait en société il y faisait montrer de beaucoup d’aisance et d’esprit, mais l’œuvre à accomplir, les tâches qu’il s’était méthodiquement fixées pour le reste de son existence le contraignaient souvent à la solitude.
Au fil des ans il semble que Rennes lui était devenu presque aussi nécessaire que son Vannetais natal.
Arrivé à la retraite il n’envisageait plus de s’y retirer complètement mais de partager son temps entre sa campagne et cette ville d’adoption dont la vie culturelle et l’animation lui étaient devenues nécessaires et où il restera pour qui saura le reconnaître, à travers les âges, un des éternels passants.
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