Après avoir interviewé Robert Ménard, en tant que maire de Béziers, nous ne pouvions pas ne pas se rapprocher de sa femme Emmanuelle qui n’est autre que le député de la circonscription de Béziers [6e circonscription], élue en 2017 en pleine vague Macron – preuve s’il en est que les Biterrois ne sont pas complètement mécontents de la gestion de leur ville depuis 2014.
Breizh Info : Avec votre mari Robert, vous formez un couple dans la vie comme en politique
Emmanuelle Ménard : Oh un couple… il n’était pas du tout prévu que je me présente…
Breizh Info : Quel est votre combat actuel ?
Emmanuelle Ménard : Je me bats pour que EDF [Energies Nouvelles] ne délocalise pas 250 emplois depuis Colombiers et Béziers sur ma circonscription [vers Montpellier en 2022]. Je me fais le relais au niveau national de nos engagements locaux pour avoir un engagement de l’État, notamment sur cette question.
Breizh Info : C’est en quelque sorte un supplément d’influence ?
Emmanuelle Ménard : Je me bagarre pour ça. C’est comme pour le plan action cœur de ville [revitalisation de 222 centres-villes de villes moyennes en France], je me bats pour la mise à disposition de moyens qui permettent de changer les choses de façon intelligente. Par exemple le taux de vacance commerciale à Béziers a baissé de 27 à 17% [16.59% précisément au 1er mai 2018, 7% de baisse depuis 2015]. Plus il y a des moyens pour aider, mieux c’est.
Breizh Info : On dit que vous avez joué un rôle clé dans la conversion de Robert Ménard, qu’en est-il ?
Emmanuelle Ménard : Robert voulait devenir prêtre, il a commencé son engagement politique à gauche, mais je ne suis pas surprise de son évolution que j’ai vue. D’emblée, nous nous sommes trouvés un point commun lors de notre première rencontre : tous les deux nous travaillions dans des organisations de défense des droits de l’Homme, mais nous partagions des analyses politiques communes dans un milieu traditionnellement à gauche où tout le monde était axé très à gauche. On s’est découvert des réactions et réflexions communes sur plein de choses.
Breizh Info : Votre livre commun La censure des bien-pensants (2003) en a surpris plus d’un dans ce milieu…
Emmanuelle Ménard : Parce que personne ne nous a jamais demandé en réalité ce qu’on pensait vraiment !
Breizh Info : Revenons à Béziers, où votre mari a inauguré plusieurs monuments – notamment la fresque en hommage aux révoltes des vignerons de 1907 ou le monument à Casimir Péret, républicain et maire de Béziers qui s’était opposé à la prise de pouvoir par Napoléon III – en hommage à ce qu’on pourrait appeler l’exception biterroise, une sorte de révolte contre les prescripteurs, à défaut de bien-pensants.
Emmanuelle Ménard : Les Biterrois n’aiment pas en effet qu’on leur dise ce qu’ils ont à penser ou à dire.
Breizh Info : Béziers encore, que votre mari a conquis grâce à l’union des droites, avec le FN et pas que…
Emmanuelle Ménard : Cela avait un côté pragmatique et de bon sens. Enfin un gars disait les choses comme tout le monde le sentait et hors des postures politiques.
Breizh Info : Béziers a 75.000 habitants. En Bretagne, nous avons Saint-Nazaire, de taille comparable, avec Airbus et les Chantiers de l’Atlantique. A Béziers, pas de gros employeurs et le taux de chômage reste important.
Emmanuelle Ménard : C’est en effet notre gros problème
Breizh Info : Béziers, c’est aussi un cœur de ville fragile – notamment le quartier Saint-Jacques, avec beaucoup de population d’origine étrangère paupérisée…
Emmanuelle Ménard : C’est bien pour cela que Robert a été élu : un cœur de ville paupérisé, ce n’est pas une solution pour remonter la ville. Quand il dit qu’il y a trop d’enfants immigrés dans les écoles et qu’ils ne s’intègrent pas, il dit une évidence, mais ça choque. Quand les mamans marocaines de Montpellier veulent de la mixité [100% des enfants sont d’origine maghrébine selon elles dans les écoles du quartier du Petit Bard, ce qui ne leur donne « aucune perspective d’ouverture », estiment-t-elles], ça ne choque personne.
Breizh Info : La méthode que vous appliquez à Béziers peut-elle être généralisée ?
Emmanuelle Ménard : Je pense que oui. Il y a une conjonction de facteurs : les métropoles sont de moins en moins simples à atteindre et nous donnons aussi une dimension humaine à la politique que nous menons.
Breizh Info : En affichant sa volonté de se représenter à Béziers sans le soutien du FN en 2020, Robert Ménard fait-il son deuil de l’union des droites ?
Emmanuelle Ménard : Plutôt le deuil d’unir les partis que les droites. Il y a toujours un clivage entre la gauche et la droite, et nos idées peuvent gagner mais le problème, ce sont les partis politiques. Ils sont tellement soucieux de leurs egos qu’ils bloquent tout.
Breizh Info : On reparle de Marion Maréchal le Pen, qui est sortie de son silence politique pour annoncer son projet d’école de formation et parler au CPAC (Conservative political action conference), le grand rendez-vous des conservateurs américains à Washington. Que pensez-vous de ses ambitions nationales ?
Emmanuelle Ménard : Cela dépend si elle en a envie. C’est la question centrale.
Breizh Info : Enfin, que pensez-vous du sacrifice du gendarme Beltrame ?
Emmanuelle Ménard : C’est un très bon exemple qui redonne un peu de fierté à la France. Il n’a pas eu une seconde d’hésitation, il a eu un geste de héros et pas de victime, cela remet la fierté du bon côté. D’ailleurs, il y a une allée Arnaud Beltrame sur le plateau des Poètes [le parc central de Béziers, entre la gare et le centre-ville… qui est en pente], c’est l’allée principale du parc.
Propos recueillis par Louis-Benoît Greffe
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