Dans un discours plus dur et pugnace qu’attendu, le nouveau candidat à la présidence de la Généralité de Catalogne, Joaquim «Quim» Torra, a réaffirmé son engagement pour l’instauration d’une république catalane et le retour de Carles Puigdemont au pouvoir.
Le samedi 12 mai dans l’après-midi, la Catalogne et une bonne partie du reste de l’Espagne ont suivi à la télévision ou à la radio les débats au parlement de Catalogne pour l’investiture de Quim Torra candidat présenté par JpC (Unis pour la Catalogne), la formation de l’ancien président de la généralité, Carles Puigdemont.
Inconnu du public, onzième sur la liste du JpC, Quim Torra est un des fidèles de Carles Puigdemont, choisi pour son inaltérable fidélité à l’ex-président catalan. Cette proximité est illustrée par ses propos tenus dans sa déclaration de candidature : « Je ne devrais pas me trouver ici aujourd’hui. Celui qui devrait être à ma place c’est le président légitime de la Catalogne, le très honorable Carles Puigdemont ».
Ayant besoin des voix du parti nationaliste d’extrême gauche CUP (Candidatures d’unité populaire), le candidat Torra a frappé par la dureté de ses propos. D’emblée il a refusé tout retour à l’autonomie constitutionnelle, plaidant pour une poursuite du processus devant conduire à l’élaboration d’une nouvelle constitution républicaine pour la Catalogne et à son indépendance de l’Espagne.
En revanche, à aucun moment Torra ne s’est adressé aux 53 % des Catalans qui ont voté contre les partis indépendantistes aux élections régionales du 21 décembre 2017, ni a proposé un vrai retour à une négociation avec le gouvernement central, bien au contraire. Il s’est fixé pour objectif de reprendre toutes lois votées par le parlement catalan qui ont été recalées par le Tribunal constitutionnel.
Dans un geste de défi à l’Etat espagnol, il a déclaré en s’adressant au roi en espagnol : « Majesté, ne vous rendez-vous pas compte que nous ne capitulerons jamais ? »
Les députés de l’ERC (Gauche républicaine de Catalogne) ont écouté le discours de Torra le visage fermé. En quelques minutes, le candidat de JpC a mis en pièces leur stratégie destinée à diminuer la tension sociale en Catalogne, à rouvrir le dialogue avec l’Etat central et à retrouver des conditions permettant la libération de leur chef Oriol Junqueras en prison depuis le 2 novembre 2017.
Les répliques des partis d’opposition ont principalement attaqué le candidat sur ses écrits, déclarations et tweets qui avaient les Espagnols et les hispanophones de Catalogne pour cible.
Dans un langage méprisant, les propos de Torra auraient rendu sa candidature impossible s’ils avaient visé des « minorités visibles ».
Ines Arrimadas, la tête de file du parti libéral Ciudadanos (Citoyens) a également condamné les hommages rendus par Torra à des racialistes catalans des années trente et quarante qui justifiaient l’indépendance par la supériorité raciale des Catalans sur les autres Espagnols. C’est comme si en Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, successeur de Jean-Yves Le Drian à la tête de la région, avait pour livre de chevet la collection de la revue Stur fondée par Olier Mordrel.
Paradoxalement, quand Quim Torra avait brigué en 2015 la présidence de l’Omnium cultural, la principale organisation culturelle indépendantiste, il avait dû s’incliner face à Jordi Cuixart car à cette époque ses tweets et ses publications avaient semblé inacceptables. Visiblement, l’onction de Carles Puigdemont a permis une amnésie générale au bénéfice de Torra.
L’opposition a également reproché au candidat Torra de n’avoir pas abordé les questions qui angoissent les Catalans comme la crise du système hospitalier qui pâtit du départ de nombreux médecins tentés par un emploi en France ou en Allemagne.
Autre sujet d’inquiétude ignoré par Torra, l’exil de près de quatre mille entreprises catalanes et plus de 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires, vers d’autres régions espagnoles depuis le référendum pour l’indépendance du 1er octobre 2017, début de la crise institutionnelle.
Le vote du samedi 12 mai était perdu d’avance car les deux partis nationalistes qui soutiennent Torra, ERC et JpC ont réuni 66 voix des 68 nécessaires pour l’emporter au premier tour à la majorité absolue.
Pour gagner par majorité simple au second tour deux jours plus tard, le lundi 14 mai, Torra allait avoir besoin besoin soit de l’abstention soit de l’appui des voix des plus radicaux des indépendantistes de la CUP.
Le dimanche 13 mai, la CUP a réuni ses militants pour décider de l’appui ou non à la candidature de Quim Torra dont le catholicisme identitaire déplaît aux fédérations les plus urbaines comme celle de Barcelone.
Les gauchistes auraient pu être tentés par un vote négatif car il entraînerait automatiquement de nouvelles élections régionales où les sondages, non seulement augurent une nouvelle victoire des indépendantistes mais aussi une remontée de la CUP.
A 15 h, les premiers tweets annonçaient le résultat : la CUP choisissait de soutenir Torra en s’abstenant à nouveau mais tout en se situant dans l’opposition à son gouvernement.
Ce lundi, sauf événement imprévu, Quim Torra sera élu nouveau président de la généralité de Catalogne avec un programme qui le placera à nouveau en conflit ouvert non seulement avec le gouvernement espagnol, mais aussi avec le système judiciaire et, enfin, avec une majorité des habitants de Catalogne qui ont voté pour des partis constitutionnalistes.
Sous la houlette de Carles Puigdemont, Quim Torra semble destiné à orchestrer une montée de la tension afin de préparer un nouvel affrontement avec l’Etat espagnol qui culminerait avec des élections anticipées à la fin de 2018 afin qu’elles coïncident avec les procès des responsables indépendantistes.
Le plan imaginé depuis Berlin par Puigdemont semble se dérouler cette fois sans anicroche. Mais en Catalogne tout est possible.
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