Nous annoncions en mars dernier que la SEMITAN allait étudier la fraude sur son réseau à l’automne 2017. Le Comité d’entreprise de la TAN a donné les résultats, qui aboutissent à un taux de fraude de 10%, étonnamment stable depuis des années.
« Chaque année est réalisée une enquête auprès des voyageurs et leurs habitudes de transport », relève la CFDT. « Il en ressort un taux de fraude qui permet de visualiser son évolution et ainsi de pouvoir mettre en place des moyens correctifs. Pour 2017, celui-ci était à un peu moins de 10 %, taux acceptable sur un réseau ouvert (bus et tramway) ». Pour le syndicat, la mise en place de la tarification solidaire et la montée par l’avant dans les bus ont participé à limiter et stabiliser la fraude.
Cependant Nantes Metropole a été condamnée par le tribunal administratif début mars 2018 pour avoir brutalement cessé en janvier 2016 la vente des tickets papier à tarif réduit. Le tarif réduit existe toujours, mais pour y souscrire, il faut prendre une carte Libertan, ce qui oblige d’avoir internet ou de venir en centre-ville. Les tickets, eux, étaient accessibles partout – trop peut-être, car un fraudeur pouvait valider le ticket en rentrant dans le bus sans que le chauffeur puisse identifier la fraude. Le recours avait été introduit par l’élue d’opposition (PCD) Blandine Krysmann. Cependant entretemps la métropole a voté la suppression de l’offre commerciale des tickets papiers, qui ne seront pas réintroduits.
Le taux de fraude est officiellement stable depuis des années – en 2013, il était déjà de 10%, et idem en 2015. Pour un coût non moins officiel tout aussi stable – à 3 millions d’euros en 2015, soit le coût d’une rame de tramway. En réalité, la fraude a augmenté depuis le milieu des années 2000, où elle était de 7%, avant de se stabiliser brusquement. Trop stable ?
Un taux de fraude réel bien supérieur à 10% ?
Il s’agit cependant d’un taux de fraude officiel et « acceptable » tant pour l’opinion que pour les agents. Officieusement, moins de la moitié des voyageurs paieraient leur billet, selon des estimations internes.
La hausse continue des prix – justifiée en partie par l’importance de la fraude, ainsi que l’augmentation de la charge et du service – ne pousse pas non plus un nombre croissant de voyageurs à valider leur ticket, d’autant que les contrôleurs sont bien moins présents et visibles que sur bien d’autres réseaux de transport urbains en France. Sur d’autres lignes, c’est le sentiment d’insécurité qui pousse certains conducteurs à ne pas réclamer que les voyageurs valident leur billet – ou à ne pas chercher à le savoir, afin d’éviter des conflits.
31% d’augmentation sur le ticket TAN depuis 2008, 50% sur le carnet !
Au premier juillet 2018, le ticket unitaire passera de 1.60 à 1.70 (dix centimes de plus) et le carnet de 14.90 à 15.30 €, tandis que le billet mensuel gagnera 2 euros (66€ actuellement) et la formule illimitée 15€ (592€ actuellement), ainsi que 6€ pour les moins de 26 ans (270€ actuellement). Si les usagers ne paient que 40% du service, ils ont l’impression d’être des vaches à lait : la hausse est continue depuis le début des années 2000, à raison de 2% par an. Cependant, le nombre de voyageurs n’a cessé d’augmenter, comme les kilomètres parcourus et donc les coûts d’exploitation.
Dire qu’en 2008, le ticket unité coûtait 1.30 € (et il y avait le ticket Duo à 2.30€, supprimé en 2009), le carnet de 10 coûtait 10.20 €. A l’époque le ticket Duo représentait 12.1% des ventes – il était notamment très populaire parmi les étudiants – le carnet de 10 tickets 19.1 % des ventes et le ticket à l’unité 5.5% des ventes. La formule illimitée était à 402 € (Pass’Partout). En dix ans il y a donc eu 31% d’augmentation sur le ticket unitaire, le carnet de dix tickets a pris 50% et la formule illimitée 47.2%.
De quoi décourager certains de payer. « Je ne paie jamais le tram », confie Anne, étudiante. « Ça coûte comme à Paris [un peu moins tout de même : le ticket unitaire est à 1.90€ et le carnet… à 14.90€, pareil, NDLA] pour un service bien moindre. On n’a pas autant de métros ici ! Donc je ne paie pas, quasiment jamais. J’ai déjà eu une ou deux amendes, mais l’économie réalisée est bien supérieure ». Cependant, dans le bus elle est « bien obligée de valider. On monte par l’avant. Mais j’en prends peu, et surtout des Chronobus où on peut se faufiler ».
Tristan lui « utilise une bonne vieille combine. Toujours un billet vierge sur moi. Comme ça en cas de contrôle, je suis paré. Et même si je n’ai pas eu le temps de composter, l’amende est moindre [34.5 tout de même au lieu de 51.4€] Résultat je prends des carnets, mais au lieu de me faire la semaine, le carnet me fait quinze à vingt jours », soit une trentaine d’euros économisés par mois. Et le risque constant de se faire avoir.
Gaëlle en revanche « fraude moins qu’avant. Il faut reconnaître aussi que les amendes, c’est cher, et compte tenu des amendes de stationnement qui pleuvent, la TAN a son utilité. Aujourd’hui, le prix de l’abonnement illimité, c’est deux amendes de stationnement [35 € en zone rouge, 25€ en zone jaune], car elles ont doublé récemment. En un mois, c’est facile d’en avoir deux et même plus, surtout si on a la mauvaise idée de faire ses courses en ville. Bref, je prends un billet mensuel à 66€ et j’ai l’esprit tranquille, c’est tout de même plus simple ».
Louis-Benoît Greffe
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