Arbre aux Hérons : les nantais boudent la collecte, l’échec pour Johanna Rolland

Malgré les titres enthousiastes de la presse et une fake news bien à propos de l’AFP, la collecte de l’Arbre aux Hérons – une structure monumentale censée être construite dans la carrière de Miséry à Chantenay pour 35 millions d’euros, dont 5 millions d’argent public déjà engagé – est plutôt un flop qu’un top. Par ailleurs, malgré les annonces ronflantes de la mairie et de Nantes Métropole, les nantais ont plutôt boudé la collecte, et le sondage grandeur nature qu’elle constituait pour Johanna Rolland en vue des municipales 2020 ne devrait pas la rassurer.

Kickstarter s’est fendu à la fin de la collecte d’un énième mensonge, repris comme tel par Nantes Métropole : « Bonne nouvelle ! Grâce à vous et à 5 510 autres personnes, le projet L’Arbre aux Hérons / The Herons’ Tree a été intégralement financé », a envoyé la plateforme de financement participatif aux contributeurs du projet. Or on en est loin !

Ce sont 373.525 € qui ont été apportés par 5511 contributeurs (loin du million espéré). Soit à peine 1.07% du total… sachant que le projet coûtera 35 millions d’euros dont 12 millions à trouver dans des fonds privés.

Un fonds de dotation est chargé de ramasser l’oseille, et il est géré par l’ancienne députée PS Karine Daniel, choisie par Jean-Marc Ayrault pour lui succéder, et qui a été sèchement renvoyée dans ses foyers – dans un fief du PS pourtant imperdable – en juin 2017. Originaire de Guéméné-Penfao, certes enseignante chercheuse en économie, adhérente du PS depuis 2000, dirigeante d’un laboratoire de recherche en sciences sociales à l’école supérieure d’agriculture d’Angers… rien dans son cursus ne justifie d’une expérience pour gérer un fonds de dotation. Mais « ce n’est pas un recasage », juré, promis.

Et encore cette somme de 35 millions ne prend pas en compte les aménagements annexes – la mairie prévoit ainsi de dévier le boulevard de Cardiff, qui passe au ras de la carrière de Miséry, sur le quai, ce qui oblige à le consolider, faire des circulations douces, aménager des escaliers et une cascade… Ni la probable réhabilitation de l’immeuble Cap 44 (anciens grands moulins de Loire) juste en face, ni les navettes électriques sans conducteur mises en place à titre expérimental par la SEMITAN

Dont on sait déjà que c’est « nouveau » et « du jamais vu » grâce à certains de nos confrères qui préfèrent doubler en plus enthousiaste le bulletin municipal Nantes Passion, mais toujours pas ce qui fâche… le prix. Pendant ce temps, bien que l’insécurité sur le réseau SEMITAN soit un vrai problème, il faudra neuf ans pour équiper tous les bus du réseau de vitres anti-agression. Il faut en faire des sacrifices pour le progrès technologique… mais sur le dos des agents. Jamais des apparatchiks de la mairie, Pascal Bolo en tête.

« L’engouement est au rendez-vous »… mais pas tant que ça !

Pis, n’en déplaise à la ville de Nantes, qui titre « l’engouement est au rendez-vous » au sujet de la collecte, ce n’est pas vraiment le cas. Malgré des articles réguliers de la presse locale, qui s’est démenée pour que des fonds soient récoltés en multipliant les articles, érigeant le point sur les sous récoltés en marronnier local… ou en magnolia, puisqu’on est à Nantes.  La métropole est tout aussi enthousiaste, puisque selon elle « les contributions s’envolent ».

En effet, les nantais ont plutôt boudé la collecte. Nos confrères d’Ouest-France font le 17 avril un premier point d’étape : la collecte atteint 294.959 €, selon Karine Daniel elle-même le don moyen est de 66 € et 4405 personnes y ont participé. Dont… 1200 nantais seulement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Arbre aux Hérons n’attire pas les foules à Nantes.

Il est encore plus intéressant d’en faire une radiographie. Nous nous sommes arrêtés début avril, lorsque la collecte a atteint 287.689 dollars avec 3354 contributeurs. Alors, les dons se répartissaient en grandes masses : presque un quart (24.37% soit 837 contributions) étaient de moins de 20 euros, dont 670 de 10 à 20 €. Soit une aumône, au vu du gigantisme du projet – 35 millions d’euros tout de même (dont au moins 12 millions d’argent privé), sans les aménagements externes. Encore près de 20% (19.33% et 664 contributions) étaient de moins de 50 euros – dont 516 de 20 à 35 euros.

Plus d’un tiers (40.53%) s’échelonnaient de 50 à 100 €, mais avec 1225 contributions sur 1392 en-dessous de 75 euros – on comprend mieux comment on en arrive à un don moyen de 66 €. Au-dessus, l’enthousiasme des donateurs retombe brusquement, avec seulement 324 donateurs de 100 à 200 € (9.43%) – dont 303 contributions en-dessous de 150 € et 59 de 20 à 500 (1.71%). Au-dessus, on arrive enfin à un don significatif au vu du montant du projet. Pas de chance, les dons se tarissent : 20 de 500 à 1000 et 58 au-dessus de 1000 (1.68%)

Les tendances n’ont guère varié à la fin de la collecte – sauf un afflux inattendu et pour le moins suspect de dons à 1000 €, 33 en tout sur les huit derniers jours de la campagne – comme le montrent les statistiques de Kicktraq qui relèvent aussi cet emballement suspect des dons sur les derniers jours. Une initiative de la dernière chance pour limiter la casse ? On peut se le demander tant la campagne s’est vite essoufflée, malgré l’activisme des collectivités locales et de la presse mainstream.  Du 10 mars au 14 avril, soit la majeure partie de la campagne, les dons récoltés par jour sont stablement en-dessous de 5000 € (hormis deux pointes à 6 et 7000 €) et tombent même à 1048€ début avril.

Bref, les nantais ne semblent pas prêts à payer de leur poche pour l’Arbre aux Hérons, qui semble être LE projet du mandat de Johanna Rolland, d’ici 2020. Un cache-misère à prix d’or pour planquer le vrai bilan, entre tickets de la TAN qui augmentent, augmentation de l’insécurité et autre échec total de la réorganisation de la collecte des ordures ménagères… Bref, pour la réélection, avec ou sans candidat En Marche, ça promet.

Louis Moulin

Crédit photo : DR
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