La violence des zadistes « irréductibles » et les magouilles de certains d’entre eux, sous couvert de la lutte, au détriment des paysans ou des riverains, ont causé l’effondrement du soutien de la ZAD par les riverains et le monde paysan.
Coprésidé par Françoise Verchère, ancienne maire de Bouguenais et figure de la lutte, le collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDPA) s’est d’abord distancé des manifestations de soutien à la ZAD organisées par l’extrême-gauche, puis des actions de l’extrême-gauche contre des entreprises qui ont participé à l’expulsion ou à la réfection de la RD281. Françoise Verchère elle-même a jeté l’éponge et arrêté la lutte, brocardant la responsabilité des zadistes irréductibles.
La principale association, l’ACIPA, s’est mise très en retrait des événements et a fini par ajourner le rassemblement d’été prévu les 7 et 8 juillet prochains pour fêter la victoire de la lutte anti-aéroport : « force est de constater que depuis plusieurs semaines, le climat s’est beaucoup dégradé sur la zone […] Considérant que le climat actuel ne permet pas l’organisation d’une fête de l’ampleur des rassemblements que la Coordination a l’habitude de gérer – qui réunissent depuis plusieurs années, des dizaines de milliers de militants ou sympathisants – et considérant que la situation sur la zone reste très incertaine pour les mois à venir – le premier ministre donnant un délai de trois semaines aux occupants pour vider les lieux s’ils n’ont pas de projet agricole – la Coordination a décidé d’ajourner le rassemblement NDL2018 qu’elle avait annoncé pour les 7 et 8 juillet prochains », a ainsi annoncé la Coordination des opposants le 4 mai dernier, dans un communiqué.
L’ACIPA elle-même s’est divisée, entre ceux (minoritaires) qui souhaitaient soutenir les irréductibles et ont fini par quitter ses rangs – comme Gérard Lambert – ceux (majoritaires) qui soutenaient les zadistes en train de négocier avec l’Etat et demandaient aux irréductibles de quitter les lieux, et ceux (minoritaires) qui souhaitaient que l’association se saborde pour ne pas avoir à mener le combat de trop. Un membre de l’ACIPA a témoigné sans langue de bois dans nos colonnes et a accusé les zadistes d’être pleinement responsables de la situation à cause de leur refus de rentrer dans le cadre légal.
Guerre civile entre zadistes « modérés » et « irréductibles »
Les zadistes eux-mêmes sont partagés entre « modérés » ou « appelistes » (ou appellos), accusés d’être plus bourgeois et soutenus par la Confédération paysanne via le collectif Copain 44, et les « irréductibles » ou anars-autonomes, parfois d’origines plus modestes (mais pas toujours) voire marginaux, qui eux s’opposent à toute négociation avec l’Etat. Ce clivage de fond a déjà plombé la réouverture de la RD281 et s’est traduit en règlements de comptes entre zadistes. Ainsi, l’un d’eux – meneur d’une équipe d’irréductibles qui s’est attaquée au goudron tout neuf de la RD281 – a été tabassé dans sa cabane à la Gaieté (détruite depuis) le 20 mars dernier, jeté dans un coffre et abandonné près du C.H.S de Blain.
Ces règlements de compte ont d’ailleurs largement débordé de la ZAD. Ainsi, à Rouen, la vitre d’un restaurant proche des « modérés » et alimenté en blé de la ZAD, a été détruite dans la nuit du 29 au 30 avril. L’acte a été revendiqué par la mouvance « irréductible » : « Dans la nuit du 29 au 30 avril à rouen, la vitrine d’un restaurant, « la conjuration des fournaux » a été cassée. Comme un geste de rage à l’encontre d’un réseau autoritaire qui n’hésite pas à festoyer avec la gauche bobo, tout en participant à la gentrification du dernier quartier populaire de la rive droite de rouen. Comme un coup de masse aux appelos […] Il n’y a pas d’autonomie sans rupture avec l’état et les institutions, ces bouffons prônent l’une en papotant avec les autres ».
Principales lignes de clivage entre « appelos » et anars-autonomes : la terre et l’accumulation du capital, le tout sur fond de coups de pression et de règlements de comptes : « Un coup porté à la marchandisation (faut-il rappeler, qu’en plus de leurs espaces marchands, ils utilisent la zad pour cultiver le blé qui sert à leur usine à pâtes (Rouen, aussi), qu’ils vendent?), à la propriété privée (dont l’accès leur est garantie par des héritages, tout fils et filles de bourges qu’ils sont, s’empressant d’accumuler du capital), et à leurs détestables stratégies autoritaires », continue ainsi le communiqué.
Cependant, le plus bourgeois n’est pas toujours celui que l’on croit. Et les événements internes à la ZAD, ainsi que la question de savoir si la ZAD a signé son arrêt de mort en négociant avec l’Etat, sont en train de provoquer une nouvelle vague de règlements de compte au sein de l’ultra-gauche. Qui n’a pas encore soldé les responsabilités suite aux attaques des locaux de Mille-Babords (à Marseille) et de la Discordia (à Paris) à l’automne 2016 suite à des dissensions au sein de la mouvance anarchiste. A suivre…
«Faut comprendre que cette mafia a dépassé des limites indépassables sur la ZAD par exemple, et qu’à partir de là tout est permis … que ce soit ces autoritaires là, ou d’autres qui se disent totos [autonomes] ailleurs (et sur qui il n’y a par contre aucun texte étrangement), le problème c’est les méthodes mafieuses (menaces, calomnies, cassages de gueule en groupe, tentatives de prises de pouvoir, etc) qui sont utilisées, et ça n’aurait aucun sens d’utiliser les appelistes comme bouc-émissaires, déchargeant la haine anti-autoritaire contre eux […] tandis que d’autres aussi pires qu’eux profitent bien de la situation, et sont les premiers à pointer le doigts vers les appellistes, et à essayer depuis un certain temps déjà de tout focaliser de ce côté là, pour qu’on ne regarde pas ce que eux font » (sic), réagissait ainsi un militant en lien avec l’affaire de Rouen.
Une « répression » judiciaire et policière quasi-inexistante
Une trentaine de zadistes ont été interpellés de façon ciblée depuis le 9 avril, essentiellement pour violences envers les forces de l’ordre. Cependant la « répression » policière et judiciaire a été très modérée, comme en témoigne une synthèse rapide de la « legal team » montée par l’ultra-gauche pour défendre ses militants nantais et de la ZAD.
Ainsi, 18 comparutions immédiates sont résumées du 9 jusqu’au 30 avril. Le 11 avril, un contrôle judiciaire est prononcé jusqu’à un procès reporté au 9 mai. Le 16 – une seule affaire concerne la ZAD, le reste des casseurs interpellés le 14 avril à Nantes – il y a un maintien en détention jusqu’au procès (18 mai), trois contrôles judiciaires et interdiction de Loire-Atlantique jusqu’à leurs procès (les 22, 23 et 24mai), une condamnation à six mois de prison avec sursis et 150 € d’amende (violence contre des policiers), une autre condamnation à cinq mois de prison avec sursis et 300 € de dommages et intérêts (idem) et cinq mois de sursis pour jets de projectiles.
A partir du 16 avril, il y a moins d’arrestations, mais elles se font plus ciblées et les peines commencent à tomber. Le 17 avril à Saint-Nazaire, « 4 mois avec sursis + 140h de TIG sous 18 mois + 500€ par flic de dommages et intérêts » ainsi qu’une interdiction de paraître en Loire-Atlantique après des violences contre des forces de l’ordre sur la ZAD, trois personnes condamnées à huit mois avec sursis ainsi qu’une interdiction de Loire-Atlantique pour violences contre les forces de l’ordre et port d’arme prohibé, ainsi qu’un contrôle judiciaire jusqu’à un procès le 24 mai, avec pointage quotidien. Même jour à Nantes, une peine de 8 mois ferme qui sera appliquée en Belgique, et 12 mois de prison dont la moitié avec sursis, avec mandat de dépôt, pour un casseur du 14 avril déjà connu, qui passait pour outrage, violence sur forces de l’ordre, rébellion et apologie du terrorisme (!).
Le lendemain à Nantes, une détention préventive d’ici son procès reporté au 9 mai, et une autre peine pour violence contre les forces de l’ordre et port d’arme : « 8 mois fermes (sans mandat de dépôt), 5 ans d’interdiction de présence en Loire Atlantique, 700€ de dommages et intérêts ». Le 25 avril à Saint-Nazaire, quatre mois dont deux avec sursis, mandat de dépôt, pour transfert de pétards – les zadistes en vident la poudre dans des bombes agricoles farcies ou non d’éclats métalliques. Le 30 avril enfin un étranger est condamné à trois mois de prison avec sursis et cinq ans d’interdiction du territoire.
Des soutiens étrangers pour une lutte hors-sol
Pendant ces procès, plusieurs soutiens étrangers de la ZAD, venus en France pour casser du gendarme, ont été condamnés. Déjà, le 14 avril, la BAC à Nantes avait constaté, en pratiquant des fouilles ciblées et des confiscations d’outils divers (masques de plongée, raquettes, couteaux, vêtements noirs…) la présence d’éléments étrangers, notamment basques, espagnols, belges, allemands issus de mouvances anarchistes étrangères. D’ailleurs le « black bloc » qui a de nouveau acquis une célébrité douteuse à cause de la casse le 1er mai à Paris, recrute activement.
Un étudiant belge a ainsi été condamné à 8 mois de prison – qu’il purgera en Belgique – pour avoir aspergé des gendarmes mobiles avec un extincteur. Une allemande de 21 ans a été condamnée à trois mois avec sursis. Un franco-suisse âgé de 26 ans et présent depuis 2014 au milieu des zadistes irréductibles, a blessé deux gendarmes le 27 avril dans le bois de Rohanne à coups de pierres. Arrêté sur le champ, il a été condamné à quatre mois dont deux fermes, 2600€ de dommages et intérêts et un an d’interdiction de Loire-Atlantique. « Le seul dossier qu’il a déposé, c’est le RSA », affirmait à son sujet le procureur qui réclamait quatre mois ferme et trois ans d’interdiction du département.
Des riverains exaspérés par la ZAD
Enfin, plus les zadistes « irréductibles » veulent couper les routes ou ériger des barricades (voire des fossés en eau), bloquant le passage des engins agricoles, des transports ou des camions de lait, plus les riverains en ont assez. Ceux qui travaillent au centre de soins du Bois Rignoux, à quelques centaines de mètres du bastion des irréductibles, aussi.
Même le courrier des zadistes « modérés » mis dans les boîtes aux lettres des riverains, pour expliquer leur façon de voir les expulsions, ne passe plus tandis que les symptômes des tensions se multiplient. D’autres sont même prêts à faire le ménage eux-mêmes si les forces de l’ordre reculent, si bien qu’en commençant l’opération d’expulsion du 9 avril, le gouvernement semble avoir ouvert une boîte de Pandore qu’il ne pourra refermer qu’en menant l’opération d’expulsion jusqu’au bout.
« Pendant des années, nous avons subi à la fois le projet d’aéroport, les conneries des hommes politiques et celles des zadistes – tandis que le pouvoir regardait ailleurs », se remémore un riverain, installé depuis plusieurs générations à Notre-Dame des Landes. « L’objectif était que l’on cède et qu’on demande nous mêmes la réalisation de l’aéroport, si bien que leurs exactions, les tabassages, les vols etc. qu’ils perpétraient été utilisés contre nous ; ça n’a pas marché. Et ce même si la peur – soit de voir l’aéroport se faire, soit de voir les zadistes intimider ceux qui oseraient dire les choses – avait empêché bien des gens de parler. Voire en avait poussé certains à partir. Mais ce n’est certainement pas grâce aux zadistes qu’il n’y a plus d’aéroport ! Pis, c’était peut-être la plus dure des épreuves et le meilleur allié des pro-aéroports : nous pousser à avoir peur de rester vivre chez nous », continue notre source.
« Maintenant que le projet d’aéroport c’est fini, ils n’ont plus de raison de rester, et nous, plus de raison d’avoir peur. Les choses commencent à être dites – notamment sur la terre qui a été volée à certains paysans au nom de la lutte, avec le soutien d’autres paysans, ce qui est particulièrement révoltant. Mais c’est fini maintenant. Nous sommes chez nous. C’est aux zadistes de dégager. Plus ils s’accrochent et plus nous en avons marre. Et moins il y a de chances, même pour ceux qui veulent rester sur la terre – qui n’est pas la leur – de pouvoir le faire. Ni oubli ni pardon, comme ils disent ». A bon entendeur, salut.
Louis Moulin
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