Le collectif Dispac’h (révolte), mouvement de jeunes indépendantistes bretons d’extrême gauche, mène depuis plusieurs semaines des actions en Bretagne pour dénoncer les résidences secondaires en Bretagne.
Dispac’h, se définit « comme un nouveau collectif indépendantiste en Bretagne et dont les militant.e.s se retrouvent autours des valeurs ayant trait à l’écologie, le féminisme, la lutte contre le capitalisme, l’internationalisme, l’antifascisme et la promotion de la langue bretonne.».
Sur les affiches, collées aussi bien sur des résidences principales que secondaires à Quiberon, Saint-Malo, Guérande, Fouesnant, Benodet ou Carantec, on peut lire « Bretagne, résidence secondaire. Villages en ruines, jeunesse en exil ». Des erreurs d’appréciation entre résidences principales et secondaires nous ont été rapportées.
Un slogan et une action qu’approuvent de nombreux militants bretons, même si certains y voient une contradiction flagrante. C’est le cas de Youenn, plus proche d’Adsav : « C’est évident qu’il faudrait protéger l’immobilier de Bretagne de la spéculation. Et créer une priorité bretonne à l’emploi comme au logement. Mais ces gars là dénoncent les Parisiens – alors que certains sont d’origine bretonne – et les résidences secondaires en Bretagne, alors qu’ils sont pour l’accueil des migrants, contre les frontières, pour l’immigration, cherchez l’erreur. Je vois mal comment on peut à la fois prôner l’abolition des frontières et la distinction entre les autochtones et les autres. Cela n’a aucune cohérence. ».
Le collectif Dispac’h – qui s’est aussi « distingué » par des tags pas esthétiques du tout sur la commune du Faouët, a publié un communiqué (en écriture inclusive!) dans lequel il explique les raisons de sa campagne :
En Bretagne, le territoire côtier est dépendant à l’économie touristique. Cette quasi mono activité, saisonnière, est lourde de conséquences pour nos villages : commerces qui tournent au ralenti et travail saisonnier durant la moitié de l’année. Cette situation entraîne également une exploitation des travailleuse.r.s en précarisant les emplois et en multipliant les abus aux droits du travail.
Le tourisme est consommateur d’espace et donc de logements. La non régulation de l’immobilier et le développement des résidences secondaires depuis des dizaines d’années entraînent une hausse des prix et des loyers constante. Les logements sont ainsi devenus inaccessibles à celles et ceux ayant de faibles revenus au moment où nous en manquons cruellement ! Travailleuse.r.s précarisé.e.s, familles, jeunes, migrants… etc. Les villages ainsi vidés de leur vie plus de la moitié de l’année voient fuir les services publiques et disparaître les dynamiques et initiatives locales. C’est la ruine de nos villages et la jeunesse qui s’exile !
L’industrie touristique est aussi destructrice de l’environnement. La concentration de visiteurs durant une période courte de l’année sur le littoral nécessite la construction d’équipements toujours plus importants qui participent au bétonnage de nos côtes. Cela entraîne également une surproduction de déchets qu’il faut gérer (stations d’épuration saturées, coûts de collecte des déchets…). Le tourisme que nous subissons aujourd’hui n’est pas un tourisme durable qui crée une harmonie en termes d’aménagement du territoire.
En Bretagne, les modèles de mono-économie comme le tout tourisme sur nos côtes, ou l’agriculture productiviste dans nos campagnes ne sont plus acceptable. Pour d’autres choix de société et de vie, nous revendiquons le droit de décider pour les territoires sur lesquels nous vivons.
Des pouvoirs communaux jusqu’à l’indépendance, autodétermination pour le peuple breton !
Le média NHU Bretagne publiait en 2017 une analyse sur les résidences secondaires en Bretagne dans laquelle on pouvait lire notamment : « La progression du marché de la résidence secondaire est en pleine croissance en Bretagne depuis ces dernières années. Avec un taux de 12% en moyenne.
Environ 14% des résidences bretonnes sont secondaires. Avec le Morbihan au plus haut vers 20% et l’Ile et Vilaine au plus bas vers 7%. Un tiers des résidences secondaires bretonnes sont morbihannaises. Dans le Morbihan le taux de résidences secondaires atteint des sommets avec près de 70% vers Carnac et 80% vers Arzon.»
Voici ci-dessous un classement – établi en 2014 – concernant le taux de résidences secondaires dans des communes bretonnes :
Dans un article du Monde, on pouvait lire récemment que « sur les 1 149 communes qui sont autorisées par la loi à appliquer une majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, seulement 198 ont décidé de la mettre en place, selon le décompte effectué par Bercy, que Le Monde s’est procuré. Les zones touristiques sont les plus concernées, qu’il s’agisse de grandes villes aux prises avec le phénomène Airbnb (Paris, Nice, Toulouse ou Bordeaux) ou de stations balnéaires où le foncier flambe.». En Bretagne, cette majoration s’applique peu ou pas du tout. Pour l’instant…
Une chose est certaine toutefois : une partie de la jeunesse bretonne est aujourd’hui dans l’impossibilité de se loger convenablement sur les côtes bretonnes, du fait de la hausse du prix de l’immobilier. Le pouvoir d’achat de nombreux habitants de la région parisienne notamment, bien plus élevé qu’en Bretagne, contribue à la spéculation immobilière et au bétonnage puisqu’on assiste en effet à une course à la construction (il n y a qu’à voir le rythme fou de l’immobilier à Dinard, Pleurtuit, Saint-Malo par exemple). Relégués en périphérie, les jeunes locaux doivent se contenter, ou bien d’étudier pour partir ensuite, ou bien d’être cantonnés à des métiers de services (hôtellerie, restauration notamment) tout en renonçant à une installation sur leurs propres terres, où parfois, leurs parents avaient pu s’installer avant l’explosion de l’immobilier.
Une idée vient peut être de la Corse : la coalition nationaliste, sortie victorieuse des élections territoriales sur l’île de beauté, a promis la création d’un statut de “résident” pour réserver l’achat de biens immobiliers ou fonciers aux personnes habitant sur l’île depuis au moins cinq ans. Reste à voir désormais comme cette décision pourrait être appliquée puisqu’elle se heurte une fois de plus au droit constitutionnel et aux lois européennes.
Pour être mise en œuvre, elle nécessiterait une modification de la Constitution et donc un vote au Parlement avec une majorité des trois cinquièmes… impossible n’est pas corse ni breton ?
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