« C’est un véritable plébiscite : 94,5% de l’ensemble des 331 caisses locales du Crédit mutuel Arkéa [dont le CMB] a voté en faveur de l’indépendance. « Le score est sans appel, l’indépendance est actée. Le processus est engagé de façon irréversible et définitive », indique Jean-Pierre Denis, le président d’Arkéa (Les Échos, jeudi 19 avril 2018).
En Bretagne, seulement cinq caisses locales ont voté contre le projet de sortie d’Arkéa de la confédération (en particulier les caisses destinées aux enseignants, à Rennes et à Saint-Brieuc). Deux observations s’imposent à ce stade. D’abord ce ne sont pas les sociétaires réunis en assemblée générale extraordinaire qui se sont exprimés, mais simplement les membres des conseils d’administration – la légitimité n’est donc pas la même puisque seule l’AG peut se prétendre « souveraine ». Ensuite les administrateurs des caisses locales ont voté dans la direction qui leur était indiquée par leur président, lequel ne souhaitait pas déplaire au tandem Denis-Le Moal.
Évidemment, les dirigeants de la Confédération nationale du Crédit mutuel ne sont pas contents. Leur menace est claire : « Si une majorité des caisses d’Arkéa opte pour une scission à l’automne [à l’occasion du vote définitif], la nouvelle banque perdra la marque Crédit mutuel qui est un remarquable actif. Elle ne pourra plus être mutualiste. Nous nous appuierons sur les caisses qui auront fait le choix de rester au Crédit mutuel pour maintenir et réimplanter notre groupe mutualiste [en Bretagne] », indique Pascal Durand, directeur général de la Confédération nationale du Crédit mutuel (Ouest-France, vendredi 13 avril 2018).
En attendant, Jean-Pierre Denis peaufine son projet. Il entend « mettre sur pied une banque mutualiste et coopérative de plein exercice dont le capital restera détenu par l’ensemble des caisses locales et qui respecte le principe de gouvernance « une personne, une voix ». Comme c’est le cas actuellement, les caisses devront rester financièrement solidaires entre elles. » (Les Échos, jeudi 19 avril 2018).
Dans ces conditions, on devrait voir une concurrence farouche s’installer dans les villes bretonnes entre le « Crédit mutuel » officiel, dépendant de la Confédération, et une nouvelle banque « mutualiste et coopérative », héritière du CMB. Rien de nouveau sous le soleil. En effet, dans les années 1970 – 1980, la Bretagne était divisée en deux parties. A l’ouest d’une ligne Saint-Brieuc/Vannes, on trouvait le CMB piloté par les Léonards. Et à l’est, les « caisses urbaines et rurales de Crédit mutuel », émanation des paroisses. Si bien que dans les villes « frontière », comme Loudéac ou Pontivy, on trouvait sur une place une agence du CMB et sur une autre une agence de la « caisse urbaine et rurale ». Mais la partie était inégale et, finalement, le CMB parvint à absorber les fédérations « urbaines et rurales » du Morbihan, des Côtes d’Armor et d’Ille-et-Vilaine.
Aujourd’hui, une concurrence plus vicieuse existe entre le CMB et le groupe CM 11 – CIC (Crédit mutuel onze fédérations propriétaire de la banque CIC), clé de voûte de la Confédération nationale du Crédit mutuel. Petit à petit, les CIC s’est implanté dans toutes les villes bretonnes, petites et grandes, avec l’enseigne « CIC Bretagne ». Quelquefois à cinquante mètres de l’agence du CMB, comme c’est le cas à Redon. Rien n’empêcherait, demain, le réseau CIC Bretagne de se transformer en un « Crédit mutuel » à la sauce bretonne.
On l’a bien compris, quitter la Confédération (CNCM), c’est perdre la marque « Crédit mutuel ». Comment s’appellera alors le Crédit mutuel de Bretagne ? Sur ce point, Jean-Pierre Denis demeure très discret. Silence radio. Le CMB ne sera plus « mutualiste » mais pourra demeurer « coopératif ». C’est ce qui ressort d’une réponse faite par Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, à une question posée par Paul Molac (LREM), député de Ploërmel, à l’Assemblée nationale (mardi 17 avril 2018). En effet le premier a confirmé qu’il n’y aura pas une nouvelle loi pour permettre à Arkéa de conserver son statut de banque mutualiste. En revanche, il a bien souligné que le groupe, sous certaines conditions, « pourra choisir de rester dans le secteur coopératif », en respectant « les caractéristiques qui s’y attachent en terme de gouvernance et d’appartenance au monde de l’économie sociale et solidaire. » Olivier Dussopt a aussi ajouté que le maintien de ce statut passe par une information très précise en direction des sociétaires de la banque (Ouest-France, jeudi 19 avril 2018).
Dans ces conditions, le Crédit mutuel de Bretagne pourrait devenir le Crédit coopératif de Bretagne. Alleluia !
Bernard Morvan
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