ZAD. Le Bois-Rignoux : « ça fait des années qu’on vit et travaille au milieu du bordel »

Implanté à l’entrée sud-est de la ZAD le long de la RD281, au bord du bourg de la Pâquelais, le centre de soins de suite et de réadaptation (CSSR) du Bois-Rignoux s’évertue à fonctionner en étant à quelques dizaines de mètres de l’ex-bastion des zadistes irréductibles et de l’opération d’expulsion en cours. Nous avons reçu le témoignage – anonyme, les salariés n’ayant pas le droit de parler aux médias – d’une salariée qui dénonce le désordre qui a lieu aux abords du centre depuis des années et les ratés de l’opération d’expulsion de la ZAD. Témoignage.

Breizh Info : Au CSSR du Bois-Rignoux, comment vivez-vous la situation actuelle ?

Juliette (*) : C’est le bordel, mais ça fait des années que ça dure. On a des patients en fin de vie, ils ne sont pas là pour entendre boum-boum-boum, le son des raves organisées par les zadistes tous les week-ends ou celui des grenades de désencerclement.

Breizh Info : Etes-vous soutenue par votre direction ?

Juliette : La seule décision qu’ils ont prise, c’est de nous interdire formellement de parler aux journalistes. Sinon c’est la porte.

Breizh Info : est-ce qu’au quotidien les zadistes perturbaient le fonctionnement et la tranquillité de votre établissement ?

Juliette : Oui. Ils connaissent nos horaires donc on a du mettre des codes aux portes car ils savaient qu’on était seules le week-end. Ils venaient pieds nus s’abreuver à la fontaine – super pour l’hygiène, dans un hôpital ! Ou ils tentaient de se renseigner sur les pathologies qu’on traite pour savoir si nous avions des morphiniques.

Breizh Info : Que pensez-vous de l’évacuation en cours de la ZAD ?

Juliette : Ils vont se dégonfler et laisser les zadistes en place, comme en 2001 et 2012 [opération César]. Ces derniers continueront à faire n’importe quoi. Pour l’instant, parfois, cette opération ressemble à un sketch. La nuit, les gendarmes mobiles ne sont pas là, n’importe quoi rentre dans la ZAD et pas seulement des cagettes de poireaux pour la soupe. Ils arrivent à six heures un quart, et pendant qu’ils font chauffer le café, des zadistes traversent tranquillement à quelques mètres, au château.

Breizh Info : que pensez-vous des zadistes ?

Juliette : Ceux qu’on a à côté ne sont guère recommandables [juste au nord se trouve l’ex-bastion des « irréductibles » opposés à la réouverture de la route]. Il y a beaucoup de drogués et d’alcoolos, il suffit de les voir. Il y en a qui ne vivent que de rapines, et quand on voit les carcasses de voitures volées qui sont brûlées et laissées sur la route, on peut se poser beaucoup de questions.

Breizh Info : les riverains ont-ils été beaucoup malmenés par les zadistes ?

Juliette : Oh oui. Plutôt du côté de Notre-Dame des Landes, où ils ont du accepter pendant des années que les zadistes remplissent leurs bidons, sinon ils se faisaient casser la gueule. Pareil pour les paysans qui osaient défendre leur terre volée au nom de la lutte [et parfois pas sans arrière-pensées comme l’a établi notre enquête] ou les chasseurs. Et quand ils allaient porter plainte, on leur disait « nous ne pouvons rien faire, c’est la ZAD, ce sont les zadistes, on a des ordres ». En fait ils protègent des fils des bourges qui ne font rien aux frais des autres. Papa maman leur payaient et leur passaient tout, ils continuent !

Breizh Info : pas de quoi les réconcilier avec les locaux, en effet ?

Juliette : Vous avez tout compris. Nous on paie nos charges et nos impôts, là on a un laisser-passer pour aller bosser, on se fait contrôler régulièrement, on attend parfois une heure aux contrôles le bon vouloir des gendarmes mobiles – il y en a des bien bouchés. Eux ils font les cow-boys pendant un mois, nous ça fait des années qu’on est au milieu du bordel !

Breizh Info : Dernière question, quelle est votre opinion sur l’opération ?

Juliette : Qu’ils se démerdent. Ceux qui sont au pouvoir est le principal responsable du laisser-aller, du laisser-faire énorme qui s’est installé depuis des années sur la ZAD, maintenant qu’ils s’en démerdent.

(*) Le nom a été modifié

Propos recueillis par Louis Moulin

Photo : DR
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