Université de Rennes 2. Un doctorat pour tous-te-s les étudiant-e-s de première année !

Étudiant en première année de sociologie à l’université de Rennes 2, je suis scandalisé par l’horrible discrimination dont nous allons être victimes en cette fin d’année universitaire. Nous n’obtiendrons pas notre doctorat au bout de la première année d’étude. Quel scandale !

Pourtant, les choses étaient bien ficelées. Tout semblait fonctionner. Depuis le début de l’année, j’avais soigneusement évité les amphithéâtres bondés d’étudiants, les idiots, qui travaillent pour certains chez Macdonald’s (capitaliste) pour pouvoir payer leurs études. J’avais fait acte de présence aux TD obligatoires, tout en préparant soigneusement de ma plume les futurs tracts pour la révolution étudiante à venir au mois de mai.

Difficile toutefois au vu mes notes en fin de semestre de cacher à Papa et Maman la situation : non, quand je quitte notre maison résidentielle de Cesson-Sévigné tous les matins, c’est bien pour aller rejoindre mes camarades de lutte, et pas pour aller étudier. Cela ne sert à rien, la Révolution n’attendra pas ! Il faut préparer le blocage des facultés, partout en France.

Et pour préparer cela, quoi de mieux qu’un atelier fabrication de clitoris en pâte à sel avec les copains et les copines de l’UNEF ? Cet atelier nous oblige à réfléchir à la condition féminine en France, au plaisir féminin et à nous sentir, nous les mâles blancs, très mal. Qu’est-ce que j’ai honte d’être blanc, d’être un homme ! J’aurais tellement aimé être un bel Africain. J’aurai sans doute eu plus de succès avec les filles me dis-je et notamment avec la présidente locale du syndicat, qui n’en pince que pour tout ce qui n’est pas « biniou, béret, baguette ».

De ce côté-là, c’est vrai qu’il va falloir que je fasse quelque chose, parce que je suis vraiment mauvais. La dernière fois que j’ai commencé à faire une démarche pour intéresser Sophie, je m’en suis voulu pendant deux semaines : je lui avais simplement fait un compliment sur sa robe… mais quel sexiste je fais, quel salaud, quel lourd héritage culturel à porter ! Mais pourquoi donc ma mère n’a-t-elle pas avorté du sale petit blanc sexiste et hétérosexuel que je suis ?

Après ces réflexions qui ont lourdement occupé mon esprit, je me suis dit qu’il fallait que je reprenne du poil de la bête. La révolution à Rennes 2 n’attendrait pas mes remises en question personnelles. Distribution de tracts scandaleusement jetés à la poubelle par tous ces jaunes, ces bourgeois qui refusent de lutter. On a même cru à une attaque fasciste un mercredi, quand un groupe de 4 hommes propres sur eux et rasés de près sont rentrés dans l’université sans que l’on sache qui ils étaient, nous qui connaissons bien entendu les milliers d’étudiants présents ici. Heureusement, moi et mes collègues, sommes allés les voir, nous étions 40. A 4 ils n’ont pas fait les malins. Enfin un peu quand même. L’un d’entre eux a fini par me mettre son poing dans la figure lorsque je lui ai dit que rasé comme il était, il devait être un militant d’extrême droite infiltré. Un autre a fait la même chose à Samba, un camarade racisé des Jeunesses communistes qui l’avait traité de raciste parce qu’il n’avait pas fait attention à lui. C’est sûr, c’est le GUD, même si le troisième nous a dit être inscrit en tant qu’étudiant et ne pas être dans un groupe politique. On va se renseigner, on ne va pas laisser passer ça.

Du coup, après cet évènement, on a passé trois jours à attendre une éventuelle descente de leurs amis du GUD, on ne sait jamais. On était prêts. Mais rien à signaler. La peur sans doute chez eux. Puis suite à l’agression raciste dont Samba a été victime lorsque je prenais le coup de poing dans la figure, les copains et les copines ont décidé qu’il était temps d’en finir avec les réflexes colonialistes qui mènent à ce racisme et à toute cette haine. Il faut laisser nos camarades racisés diriger eux-mêmes leur contestation, leur lutte. Il ne faut pas s’approprier leur douloureux héritage culturel que nous ne pouvons pas comprendre, car quand même, nous descendons d’esclavagistes et eux d’esclaves. Dans mon for intérieur, je vivais toutefois un peu mal que Sophie ait passé beaucoup de temps avec Samba pour lui soigner son arcade, sans avoir un mot pour moi qui avait tout de même perdu une dent dans l’affaire. Mais bon, passons, il fallait que je cesse avec ces réflexes individualistes et presque paternalistes. Je ne suis rien, le groupe est tout.

Du coup, on a fait un atelier féministe racisé, en deux étapes. La première, avec les hommes cis (ceux qui n’aiment que les femmes et qui se sentent hommes, bizarres), la seconde uniquement avec des femmes ou des hommes qui n’aiment pas que les femmes et qui ne se sentent pas forcément homme. On était 12. Enfin ils, moi j’ai juste collé les affiches, car je ne suis pas racisé of course. Samba était vengé de ces méchants gudards. On l’a fait.

Ensuite, on a commencé à voir que ça bougeait partout en France contre la réforme de l’Université. La sélection ? Vous n’y pensez pas quand même ! On a déjà réussi à faire que 90 % des gens aient le bac, alors il faut qu’ils rentrent tous à la fac. Il faut libérer le savoir. On a besoin de milliers de sociologues qui débattent, de centaines de spécialistes du transsexualisme en milieu canin, et de chercheurs en sciences de l’éducation spécialisés sur le racisme naturel chez les enfants de 5 ans.

Donc on a fait une AG dans l’amphi, on était 30, et on a décidé de voter la grève. Et on a bloqué la fac. Figurez-vous que ces salops d’étudiants bourgeois qui bossent chez Macdo sont venus nous demander de les laisser étudier et rentrer dans la bibliothèque ! Heureusement, on a reçu le soutien de la direction de l’Université. Il nous a à la bonne depuis des années. Faut bien que la tradition de Rennes 2 soit respectée tout de même ! Les cours annulés, et puis les examens aussi possiblement.

On a continué la lutte, on était de plus en plus nombreux dans les AG. Beaucoup de gens en colère contre nous, des jaunes ou des bourgeois, quelques fascistes aussi. On ne les a pas laissé parler, grâce à nos copains de l’action antifasciste. Il faut voir comment ils se sont jetés à 10 sur un facho qui s’inquiétait pour les examens. Une bonne raclée. On tient le pavé nous, à Rennes ! Bon, au moment du vote, certains ont réclamé un vote à bulletin secret. OU comment tenter de détourner la Révolution. On ne s’est pas laissé faire, on a procédé à mains levées. A vu d’œil en dix secondes, 3251 votes pour, 568 contre. Grève reconduite. On a gagné.

Et puis la direction de l’Université a convoqué les syndicats étudiants représentatifs (5 % de votants). Et on a pu déclamer nos revendications : une salle de sieste (accordée) pour les étudiants. Un refuge pour chats (accordé). Et puis bien sûr, des 10/20 pour tous les étudiants, puisqu’on envisage de bloquer aussi les examens. Tout le monde les aura donc ! C’est la lutte finale. Un seul regret dans ces revendications : je pensais qu’on serait allé jusqu’au bout, et que nous aurions demandé un doctorat immédiat et sans concession pour tous les étudiants de première année de l’Université. Mais Sophie m’a dit que j’allais trop loin, qu’il fallait que je me modère si je voulais diriger et fédérer dans le syndicat l’an prochain.

Hé oui, Sophie, qui est en troisième année d’histoire bien que sur le campus depuis 12 ans, s’en va cette année. Elle va travailler à Paris pour le parti qui nous finance indirectement. Et devinez quoi ? Samba ira avec elle. Je suis dégouté intérieurement, mais je dois me contenir. C’est un bel exemple de réussite individuelle, féministe, racisé.

Perdu dans mes pensées en quittant la réunion avec la direction de Rennes 2, je traverse la route sans m’apercevoir qu’une voiture arrive, pleine balle. Boum. Je me retrouve sur un lit d’hôpital, sans pouvoir bouger, en entendant juste quelques sons autour de moi. Je suis paralysé, je panique, je ne peux plus rien faire, pourtant j’ai toutes mes pensées. Je suis foutu.

A la télévision, pendant ce temps là, Agnès Buzyn vient d’annoncer l’ouverture d’une session parlementaire consacrée à l’assistance médicalisée au suicide, notamment pour les personnes atteintes de handicaps lourds…

Maxime Plesure

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