Notre-Dame-des-Landes. Les zadistes ratent leur objectif de reconstruction mais tiennent toujours

C’est raté. Alors qu’ils espéraient dimanche reconstruire plusieurs des lieux détruits la semaine précédente – 29 squats ont été détruits en une semaine, malgré de nombreux blessés tant du côté de la gendarmerie que des zadistes – la violence de la manifestation à Nantes la veille a encouragé le gouvernement à faire bloquer par les gendarmes l’arrivée de matériaux de construction sur la ZAD plutôt que de « laisser les zadistes jouer aux kaplas et démonter après », comme s’exprimait un proche du dossier sur le sujet quelques jours auparavant.

A grand peine, les zadistes n’ont pu qu’assembler une charpente montée avec du bois coupé en forêt de Rohanne – celle-là est entrée d’autant plus facilement sur la ZAD qu’elle n’en est jamais sortie – pour la porter sur le lieu du Gourbi. Où elle est certes arrivée « portée par une centaine de personnes […] pas à pas, dans élan formidable et l’euphorie », selon le communiqué des zadistes, mais où elle a été tranquillement détruite dès lundi.

Certes, des milliers de personnes ont convergé sur la ZAD, appelées à « rejoindre la ferme de Bellevue par tous les moyens » puis à se réunir dans les bourgs de Notre-Dame des Landes et de Vgneux, les accès étant barrés par les gendarmes, tout autour de la ZAD et parfois jusqu’assez loin (RN137 à l’Erette, RN165 au Temple). Les zadistes les ont chiffrées à « entre 15 et 20.000 », le collectif Copain 44 proche de la Confédération Paysanne à « 15.000 », en fait « beaucoup moins » selon un membre de l’ACIPA : « c’est déjà un échec pour eux. Nous, quand on faisait des rassemblements, on était à 30.000 voire plus, là ils ont été quelques milliers au mieux sur la ZAD qui était bloquée de partout ». La préfecture estime l’affluence à 4000 personnes.

Dont beaucoup d’étrangers, comme parmi les zadistes où on trouve désormais des Irlandais, Anglais, Espagnols, Basques, Italiens parmi les militants violents. Un syndicaliste paysan qui y était trouve que « par rapport à 2012-2013 la lutte est bien moins locale. Et puis ça a raté, c’est clair. Les gendarmes ont fouillé des hangars [ à la Grée notamment] et les véhicules ou les sacs, systématiquement, bloqué beaucoup de matériel de construction, d’outils. On voulait remonter les 100 Noms pour le symbole [un projet agricole détruit lundi 9 dans l’après-midi, ce qui a indigné les organisations paysannes], des cabanes sur la RD281, le Gourbi, on n’a pu faire que la charpente du Gourbi et ça na servi à rien ». En outre 21 zadistes ont été interpellés et des affrontements ont eu lieu toute la matinée.

Impasse opérationnelle sur la ZAD tant pour les zadistes que les gendarmes

En attendant, les zadistes – qui ont déployé des groupes électrogènes et des branchements sauvages pour récupérer l’électricité coupée depuis mercredi soir – sentent bien qu’ils sont dans une impasse. « Les gendarmes ont plus de moyens, ils bouclent presque tout, il y a trop de personnes sur la ZAD par rapport aux ressources disponibles et les riverains en ont marre », nous explique Camille qui était présent pour défendre la ZAD la semaine dernière mais l’a quittée depuis, « car ça tourne au n’importe quoi et ce n’est plus du tout le même esprit qu’en 2012-2013 lors de l’opération César ».

De leur côté, les gendarmes attaqués avec des engins explosifs artisanaux, à l’acide de batterie, avec des cocktails Molotov, n’en peuvent plus de revenir chaque matin détruire les mêmes barricades déjà démontées la veille (le Lascar sur le chemin de Suez, sur la RD281, la RD81, près de la Grée…). Ce mardi matin encore les gendarmes démontaient et embarquaient des barricades en forêt de Rohanne et sur la RD81. Le même jour, des 7 arrestations de la veille, une seule personne a été placée en détention préventive après avoir refusé  la comparution immédiate. Au moins une arrestation a aussi été faite sur zone par la brigade cynophile.

« A force de vouloir éviter un nouveau Sivens, c’est un gendarme qui va finir tué »

« On a l’impression de vider la mer à la petite cuillère », se confie un des gendarmes qui fait partie de l’opération. « On devrait logiquement emmener les gens qu’on trouve armés face à nous, or on les éloigne, ils reviennent et tout recommence. Quand certains sont déférés ils sont généralement relâchés, c’est un coup d’épée dans l’eau. A force de vouloir éviter un nouveau Sivens, c’est un gendarme qui va finir tué ».

L’association Gendarmes et Citoyens dénonce l’agression de plusieurs gendarmes à coups de cocktail Molotov et dénonce « l’immobilisme politique » dans un communiqué : « Pourquoi les laisse-t-on dans la boue, le froid et le dénuement, des périodes horaires extrêmement longues pour n’opposer aucune résistance à ceux qui les agressent ? » s’interroge l’association qui relève une « défiance » croissante des gendarmes lassés de servir de « variable d’ajustement à la communication de politiques ».

« Ce n’est pas tant une question de confiance ou non », nuance un autre gendarme. « Mais il est clair qu’il faut changer de braquet et mettre plus de moyens. On voit bien que les points d’appui des zadistes sont au centre de la zone, à la Wardine, Châtaigne, au Liminbout, à Bellevue, dans des lieux parfois considérés comme plus légaux et donc intouchables mais dont les occupants se font de bon ou mauvais gré l’appui logistique ou opérationnel des éléments radicaux. Tant qu’on ne vide pas ces lieux on continuera à patiner ». Ainsi que la crédibilité d’Emmanuel Macron – déjà entamée par les frappes inutiles en Syrie – et le retour à l’État de droit sur l’ensemble du territoire français. Sur la ZAD comme ailleurs.

Louis Moulin

Photo :DR
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