Longtemps épargnés par la réglementation en matière d’émissions de dioxyde de carbone, les acteurs du transport maritime sont enjoints de revoir leur copie. Et ils ne font pas figures de bons élèves. Mais les actes suivront-ils les paroles ?
L’OMI à la barre
C’est à Londres que se tenait du 9 au 13 avril dernier la 72ème session du Comité de la protection du milieu marin de l’OMI (Organisation maritime internationale). Une structure incontournable dans le monde maritime. Autant dire que les décisions qui y sont actées sont rarement prises à la légère par les armateurs. En théorie.
Lors de cette session, le problème des émissions de gaz à effet de serre des navires a été mis sur la table. Et quel problème ! Ces rejets sont en constante augmentation malgré les avancées techniques sur les biocarburants de ces dernières années. Le transport maritime concentre à lui seul plus de 3 % des émissions de CO2 mondiales annuelles. À titre comparatif, il s’agit d’un volume semblable à l’ensemble des rejets d’un pays comme l’Allemagne.
En suivant cette courbe de progression, ce sont près de 1 000 millions de tonnes de dioxyde de carbone qui seraient émises par l’ensemble des navires en 2020. Tout simplement le double des volumes de 1990. À ce rythme-là, le transport maritime serait responsable de 17 % du total de CO2 rejeté en 2050. De quoi mesurer l’ampleur du phénomène.
Maritime carbon emissions are estimated to be 2-3% of the global total, but left unchecked that could spiral 250% by mid century, according to a 2014 study by the IMO.#ActOnClimate #ClimateChange https://t.co/fHFdwiJjb1
— Paul Dawson (@PaulEDawson) 9 avril 2018
Privilèges et réticences
À l’issue de ces journées de concertation, une réduction de 50 % des rejets de CO2 par les transporteurs maritimes d’ici 2050 a été validée. Mais des réticences ont été à souligner de la part de certains États. Il faut dire que ce secteur d’activité n’avait jusqu’à présent pas connu de restrictions de ce genre et échappait aux réglementations sur les changements climatiques.
Pourtant, l’immense majorité des navires de commerce naviguent toujours au fioul lourd (abrégé en FO pour Fuel Oil à bord), une énergie particulièrement polluante. Ce fioul émet en effet des quantités de souffre 3 500 supérieures au gazole utilisé par les automobiles. Ses rejets de dioxyde de carbone sont également plus importants.
Cependant, l’évolution des pratiques sera lente et va nécessiter des mesures contraignantes de la part des autorités dans un milieu où le règne des pavillons de complaisance, du lobbying et d’une absence de transparence a toujours cours. Rappelons tout de même que 90 % du commerce mondial transit par le transport maritime. De quoi prendre conscience du poids des acteurs de ce secteur.
Indépendance relative
Malgré ce constat assez pessimiste, les choses pourraient, lentement certes, finir par bouger. Des biocarburants alternatifs comme l’hydrogène, toujours dans leur phase de mise au point, pourraient à terme prendre le relais du fioul lourd. Le gaz naturel liquéfié équipe déjà certains navires.
Par ailleurs, les progrès encore réalisables par les chantiers navals quant au dynamisme des coques ou encore une possible réduction de la vitesse sont des pistes à explorer. Mais c’est surtout de la volonté des armateurs et des affréteurs que vont dépendre les avancées sur le terrain environnemental. Une volonté à relativiser sachant que près de 52 % des navires de commerce dans le monde sont immatriculés dans les cinq pays suivants : Panama, Bahamas, Malte, Iles Marshall, Libéria.
Ces cinq États financent le budget de l’OMI à hauteur de 43 %. De quoi considérer les conclusions de la réunion de Londres avec un certain recul.
Crédit photo : Wikipedia (CC)
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