Notre-Dame-des-Landes. Fin des opérations d’expulsion, contrôles et arrestations ciblées sur la ZAD

Les opérations d’expulsion sur la ZAD sont aujourd’hui terminées, selon la préfète Nicole Klein qui en a fait l’annonce ce vendredi matin. Cependant, les forces de l’ordre restent sur place pour assurer le déblaiement et la sécurisation des routes, notamment de la RD281 (Les Ardilières – la Pâquelais) et de la RD81 (les Ardilières – Vigneux-de-Bretagne). Un nouveau délai a été donné aux zadistes pour déposer des projets individuels et des arrestations et contrôles ciblés ont eu lieu ce matin sur la ZAD.

La préfecture a fait droit aux demandes des organisations paysannes en rouvrant le dialogue avec les zadistes soucieux de s’intégrer dans l’État de droit. Ils ont jusqu’au 23 avril pour déposer des projets individuels – ce qui signifie que s’ils ignorent encore ce délai, les forces de l’ordre pourraient revenir. Leur déploiement cette semaine était estimé, selon Le Télégramme, à un minimum de 275.000 € par jour. Une somme qui peut paraître importante, mais qui est cependant minime par rapport au budget total du maintien de l’ordre en France.

A ce jour, 29 squats, presque tous situés aux abords immédiats de la RD281, ont été détruits et d’autres, situés à l’est de la RD42 pour l’essentiel ont été abandonnés par les zadistes « irréductibles » eux-mêmes. Ces derniers étaient opposés à la réouverture de la RD281 soutenue par d’autres zadistes, les organisations paysannes et les riverains. Contrairement à l’Opération César de 2012, riverains et paysans n’ont pas fait d’union sacrée autour des irréductibles, qui n’ont pu s’appuyer que sur les forces somme toute limitées de l’ultra-gauche locale.

D’ailleurs, après une coupure d’électricité survenue mercredi après-midi dans le centre de la zone, les zadistes résolus à s’opposer aux forces de l’ordre commençaient ce jeudi à connaître de fortes pénuries de vivres – pour alimenter leurs cantines des Fosses Noires et de la Wardine – de carburant (pour les groupes électrogènes et les cocktails Molotov), d’eau potable, de batteries 12 V et de vêtements chauds et secs.

Ce vendredi midi, « le lieu de vie le plus à l’est de la ZAD c’est la Grée », d’après les zadistes eux-mêmes qui y ont installé de grands dortoirs (sleepings). La Grée est une ferme en dur qui appartenait auparavant à Dominique Leduc, chassé par les zadistes, et qu’il souhaiterait récupérer ainsi que ses 20 hectares de terres drainées que certains zadistes se sont pourtant déjà partagés. S’ajoute plus au nord la maison (en dur aussi) des Fosses Noires, qui sert de cantine et de boulangerie.

Situation au 12 avril

Situation au 13 avril

 

Gendarmes attaqués à coups d’acide, cocktails Molotov et marteau

La veille, jeudi 12, alors que les affrontements s’étaient calmés en première partie de journée, des gendarmes qui tentaient de dégager une barricade sur le carrefour de la Saulce, à l’entrée sud de la ZAD, ont été violemment pris à partie. Ils ont essuyé des jets de cocktail Molotov et même d’acide. Six d’entre eux ont été blessés.

Ce vendredi matin, suite aux tirs de la DCA zadiste – des fusées de détresse – mardi matin vers 9h sur un hélicoptère de gendarmerie depuis la ferme de la Grée, une opération d’arrestation ciblée y a été déclenchée. En marge, deux zadistes ont été arrêtés, l’un à 4 heures du matin, l’autre pour avoir agressé les gendarmes à coups de marteau à 7h30. Parallèlement, entre 7h15 et 7h30, les gendarmes mobiles venus en nombre ont contrôlé toutes les identités des gens sur le camping de la Wardine, à l’ouest de la zone d’affrontements, où logent certains soutiens des irréductibles venus d’ailleurs ; les sacs ont aussi été fouillés.

A la Grée, une personne a effectivement été arrêtée pour violence sur personne dépositaire de l’autorité publique, selon les zadistes. Ceux-ci ont tenté de faire diversion en évacuant l’un des leurs sur une civière, simulant une blessure. Vers 7h45 du matin, deux blindés sont engagés sur le carrefour de la Saulce, l’un d’eux tombe brièvement dans un fossé en démantelant la barricade du Lascar, reconstruite chaque nuit, qui protège l’extrémité est du chemin de Suez et la Wardine.

Les gendarmes mobiles quittent la Grée vers 9 heures du matin tandis que d’autres de leurs collègues entreprennent de ratisser la forêt de Rohanne à partir de 9h10 ; le centre de gravité de l’opération se déplace ainsi plus à l’ouest. Un zadiste arrêté la veille à la Grée est finalement relâché, après avoir refusé de répondre aux questions des enquêteurs. Le poste de l’équipe médicale des zadistes est déplacé une nouvelle fois, cette fois au Liminbout au nord-ouest de la zone des affrontements. Trois autres personnes sont interpellées dans la matinée, notamment sur la barricade des Lascars et au carrefour de la Saulce. La situation se calme sur la ZAD vers midi.

Le rassemblement de dimanche : pacifique ou non ?

Outre la manifestation de Nantes à 16h30 « contre toutes les expulsions » à l’appel de l’extrême-gauche, qui s’annonce assez violente, un rassemblement de « réoccupation » aura lieu le dimanche sur le chemin de Suez, au sud-ouest de la ZAD. L’ACIPA, la principale association d’opposants, a annoncé qu’elle appelait ses membres à en être – et qu’elle espérait que cela soit pacifique. L’organisation d’opposants locale s’était tenue à l’écart des opérations d’expulsion, renonçant à défendre les « anars qui bloquaient la RD281 » comme nous l’a expliqué un de ses membres dans une interview sans langue de bois.

La coordination des opposants – dont fait partie l’ACIPA – a publié hier un communiqué appelant au rassemblement dimanche : « la Coordination des opposants, dont fait notamment partie l’ACIPA, appelle à rejoindre massivement le rassemblement organisé dès midi ce dimanche 15 avril sur la zad, le long du chemin de Suez. Nous y porterons ensemble l’appel à ce que cesse cette obstination à détruire des projets de vie ». Cependant le CéDPA (collectif des élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport) coprésidé par Françoise Verchère, « n’a pas encore pris position sur cet appel », relève le communiqué.

« La Coordination souhaite que chacun travaille à ce que ce rassemblement se déroule pacifiquement », insiste, en gras, l’appel. Ce qui n’est pas du tout la volonté de l’ultra-gauche, notamment nantaise, qui a déjà commencé à rassembler des panneaux de contreplaqué, clous de 120, vis de 6×30, écrous, boulons, cordes – plus de 500 m ont été donnés en trois jours à la Wardine – groupes électrogènes (plusieurs ont été transmis par la mouvance à Rennes), planches, palettes et autres matériaux « pour reconstruire des cabanes sur la ZAD, le plus près possible de la RD281 », nous explique Camille, zadiste et militant nantais.

Les actions de soutien : des manifestants peu nombreux mais  bien décidés à en découdre

Nous écrivions hier que les zadistes avaient perdu la bataille du soutien populaire. Cela ne s’améliore pas : si actions de soutien il y a, elles rassemblent peu de monde, privilégient l’action violente – comme le barrage de la RN165 avec des palettes en feu jeudi matin – et émanent principalement des mouvances d’ultra-gauche diverses qui regroupent souvent des militants anars et autonomes (NPA, AL, CNT, groupuscules divers…). Le contexte est en soi très différent de l’Opération César en 2012, lorsque l’opposition à l’aéroport et l’implication des organisations paysannes avaient élargi sensiblement la base des opposants à l’aéroport et les possibilités de soutien.

Après avoir échoué à perturber l’inauguration de Complément Nantes – l’opération de com’ à plus de 600.000 € de la métropole et de la mairie de Nantes à la carrière Miséry où pourrait être implanté l’Arbre aux Hérons – la vingtaine de militants réunie à Chantenay s’était dispersée. Mais la nuit a du être chargée pour certains : outre un car du Conseil Régional attaqué place du Pont Morand près de la Préfecture, l’Hôtel de Région a vu ses vitres étoilées par des marteaux et tagué « ZAD » ; les attaquants étaient cagoulés. Il faut dire qu’à part le vandalisme, les zadistes n’arrivent guère à faire parler d’eux : la manifestation statique devant la Préfecture n’a réuni que 120 à 150 personnes, malgré une manifestation étudiante plus tôt dans la journée qui elle même a fait un flop avec 400 à 500 participants.

Le site de la ZAD liste diverses actions de soutien. A Argentan (61) le rassemblement de soutien de ce jeudi compte royalement… trois (!) personnes. A Vannes, un « petit rassemblement de soutien » avec « quatre tracteurs ». A Berd’huis (61) où Macron était de passage, « dispositif policier impressionnant, on a pas pu faire grand chose », se justifient les quelques militants qui ont essayé de le perturber. A Angers (49), « entre 100 et 150 », à Niort (79) « entre 50 et 60 », à Auray « une quarantaine de personnes » lundi, à Brest, 200 (selon les organisateurs) mardi. Ils étaient encore « une soixantaine » à Laval (53) lundi , « une trentaine » à Mondoubleau (41) mercredi, 200 à Lille lundi, 40 à Lons le Saulnier (39) mardi, 70 à Boult-aux-Bois (09) lundi, 200 à Marseille le même jour, 35à Périgueux lundi… et 30 à Strasbourg mercredi, soit une « mobilisation forte ». Bigre !

A Morlaix (29) lundi soir, une « cinquantaine de personnes se sont dirigées vers le local de la députée (LREM) Sandrine Le Feur, armées de seaux de compost, de tristesse et de rage » (sic) et ont balancé lesdits seaux sur son rideau de fer; à Caen (14) 220 personnes – toujours selon les organisateurs – ont fait une manif’ sauvage et investi le hall de la gare ; lundi, à Ploërmel (56) une quarantaine de personnes (27 en réalité) ont occupé deux heures durant l’antenne locale de la Chambre d’Agriculture ; mardi, à Redon (35), des rassemblements réguliers ont réuni une centaine de personnes de lundi à mercredi, puis « quelques dizaines » jeudi. A Trémargat (22) la mairie a été prise mardi par « un groupe déterminé d’une vingtaine de personnes, renforcées d’un tracteur » et du soutien de la mairesse.

Du côté des actions violentes, à Morlaix la BZH Cramage de Bitum Crew a brulé une barricade au « sommet de Roc’h Tredudon, axe de passage entre Morlaix, Brest et Carhaix » tôt dans la matinée du 11 avril. A cela s’ajoutent donc les blocages du périphérique nantais lundi matin, de la RN165 jeudi matin à Vigneux avec des palettes en feu et les actions contre l’Hôtel de région à Nantes. Ainsi que, depuis ce vendredi, l’occupation du bâtiment Censive à l’Université de Nantes (campus du Tertre) et sa transformation en dortoirs pour les manifestations du week-end.

Louis Moulin

Illustrations : Breizh-info.com
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