Notre-Dame des Landes : le point sur la situation dans la ZAD

Après un début fulgurant de l’opération d’investissement du cœur « irréductible » de la ZAD par les gendarmes mobiles ce lundi, ils ont continué à progresser mardi et surtout mercredi avec un resserrement notable du dispositif qui était encore très poreux. Ce jeudi à 10h plus de 30 gendarmes avaient été blessés depuis le début des opérations – dont 13 pour la seule journée du mardi et l’ensemble de la quarantaine d’objectifs de l’opération avaient été « traités ». Désormais les forces de l’ordre sécurisent les routes, démolissent et déblaient les cabanes et se préparent à empêcher la manifestation de « réoccupation » prévue ce dimanche après-midi.

Les zadistes décomptent de leur côté une centaine de blessés en trois jours – sur 400 opposants environ – dont, le mercredi à 17h45, « neuf par des flashball, 15 par des tirs tendus de grenades lacrymogène » selon l’équipe médic, qui a déplacé son poste du Gourbi (détruit) aux Fosses Noires mardi, puis dans la maison en dur de la Rolandière – à l’ouest des affrontements sur la RD81 – mercredi. Parmi tous ces blessés, seuls quelques blessés graves, dont un qui a été évacué en ambulance dans la journée de mercredi et deux autres mardi. Quant aux arrestations, difficile de croire à une « répression ultra-violente » comme s’en plaignent les zadistes : des sept personnes arrêtées lundi, six sont relâchées dès mardi midi ; le dernier a lancé un cocktail Molotov sur les gendarmes.

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Mardi 10 : les zadistes ont besoin de chaussettes et perdent la Chévrerie

Mardi, les opérations ont commencé vers 7h autour de la Chévrerie et de la Boite Noire. Ce dernier lieu expulsé, les gendarmes reviennent à la Chévrerie, il y a des affrontements aux abords. Vers 9h20 les zadistes – qui ont visiblement descendu le carton de fusées de détresses stocké en haut du phare de la Rolandière – tirent sur l’hélicoptère des gendarmes, qui tourne bas au-dessus de la Grée à cause du brouillard. Pas touché, il préfère tout de même s’écarter. La Chévrerie est finalement détruite à 10h15. En même temps, plusieurs pelleteuses arrivent sur la zone pour récupérer les débris des squats évacués la veille.

Pendant ce temps là les gendarmes encerclent le jardin Rouge et Noir près des Vraies Rouges – qui fait lui aussi partie des projets collectifs déposés en Préfecture. Et pour cause, expliquent les zadistes dans leur lettre d’information : « Le jardin rouge et noir est un espace agricole emblématique qui alimente le marché de la zad [sauvage] ou et des luttes, projets associatifs, et migrants. Il s’organise avec le soutien des agriculteurs de Copain44 ». Il fait partie du réseau « cagette des terres », jeu de mots avec « déter » comme déterminé, organisé par des militants syndicaux, paysans (Confédération paysanne) et Insoumis afin de ravitailler les squats de migrants ou les grévistes sur leurs piquets de grève.

Mais les gendarmes ont autre chose à faire que piétiner les navets. Ils continuent à avancer vers les squats visés sur leur feuille de route, des affrontements éclatent en début d’après-midi à la Noue non plus et aux Youpi youpi. Les renforts s’infiltrent par le sud du dispositif, dans les petits chemins perpendiculaires à la route Vigneux – la Pâquelais (la Mancellière, la Fresnelière…) qui permettent d’arriver directement à la Grée. Vers 17 h un zadiste est interpellé aux Vraies Rouges. Pendant ce temps, les zadistes ont installé deux cantines, aux Fosses Noires et à la Wardine, et centralisent les vêtements à Bellevue. « On a essentiellement besoin de chaussettes chaudes », explique à B17 un des soutiens de la ZAD aux quelques bonnes volontés qui s’y présentent.

Mercredi 11 : le dispositif se resserre, des journalistes blessés

Mercredi 11, les gendarmes ont considérablement resserré leur dispositif en multipliant les contrôles sur les petites routes par où passaient les renforts, mais aussi en contrôlant plus finement les véhicules – les soutiens de la ZAD avaient bien compris que les fourgons étaient suspects, si bien que les voitures particulières, elles, passaient sous le radar avec matériel, carburants, chaussettes et autres ravitaillements.

Selon les zadistes, au moins six lieux de vie ont été détruits : « Sécherie, Acatrelle [4L], Isolette, Boîte noire, Entre deux, Gaieté [la cabane et non la ferme du même nom, rasée en 2012] ». Plus à l’est de la ZAD, la cabane de la Mandragore a été détruites aussi, ainsi que celles de l’Isolette, la Dalle et du Gourbi au centre. Deux journalistes ont été blessés aux jambes (AFP, Reporterre) par des éclats de grenade de désencerclement dans le courant de l’après-midi, ainsi que plusieurs gendarmes et zadistes.

Les opérations ont commencé à six heures, avec un bouclage de l’ouest de la ZAD (Pré Failli, Chêne des Perrières, la Frêche, la Boistière, la Frémière), le nord (la Brosse sur la RD81, le Mérimont sur la RD15), l’est (la Boissière, l’Epine sur la RD42) et le sud (la Mancelière, la Fresnelière, laPinelière) et très vite, dès 7h30, de nouveaux affrontements autour des Fosses Noires, au centre du dispositif zadiste.

Dans l’après-midi, alors que les affrontements continuent au centre de la ZAD, un zadiste est arrêté à 14h (Lama Sacré), puis les gendarmes contournent, en les nassant, la Grée (sud) où les zadistes ont organisé un dortoir et la Saulce (ouest). C’est finalement la cabane de l’Isolette – plus au nord que la ferme du même nom – qui est expulsée et détruite. Vers 17h, l’électricité est coupée sur tout le chemin de Suez et la route des Fosses Noires, coupant l’émission de la radio des zadistes (107.7) et les deux cantines (Wardine et Fosses Noires). Quarante minutes plus tard, les zadistes ont perdu des positions mais relancé leur radio sur la fréquence 105.0 ; les opérations se terminent enfin aux environs de 22 heures. Les gendarmes ont essuyé des jets de cocktails Molotov et de bouses de vaches, notamment à 18h30 au carrefour de la Saulce.

Jeudi 12 : tous les objectifs atteints, sauf le principal, faire partir les zadistes

Cependant, toute la nuit l’hélicoptère de la gendarmerie a tourné au-dessus de la ZAD avec son projecteur. Pendant ce temps les zadistes rétablissaient des barricades – le centre de la ZAD est une immense décharge et les matériaux ne manquent pas. Peu après 7 heures, des palettes en feu mises en place par des zadistes bloquaient la RN165 vers Saint-Etienne de Montluc, sur les quatre voies, occasionnant des kilomètres de bouchons. Pas de quoi rendre les zadistes plus populaires pour les riverains…

Comme la veille, les gendarmes ont bloqué les petites routes à l’ouest et au sud de la ZAD, allant se positionner à la Grée où les zadistes ont organisé un dortoir. La maison, en dur, appartient à un fermier qui a entamé des démarches pour la récupérer ainsi que ses terres – même si des zadistes ont déjà des vues sur ces bonnes terres drainées qu’ils entendent bien ne pas lâcher. Comme l’électricité est toujours coupée sur l’axe stratégique du cœur de la ZAD (Chemin de Suez – la Saulce – route des Fosses Noires), les zadistes cherchent des batteries 12V chargées pour faire fonctionner cantines et appareils électriques à la Wardine et aux Fosses Noires.

Selon des zadistes passés la nuit de l’ouest à l’est de la zone, « les seules cabanes que l’on a vu.e.s toujours debout sont la bellic’h et la cabane flottante. Le reste un paysage tout triste avec plein de cabanes tombées ». Cependant, plus aucun affrontement n’a lieu dans la matinée, l’opération ayant atteint selon la Préfecture tous ses objectifs – 26 squats ont été détruits et 3 sont en cours, sur 97 recensés. Vers 11h45 cependant les gendarmes chargent et enfoncent une barricade à la Chévrerie.

Les engins de chantier déblaient maintenant la zone des décombres de cabanes et de barricades. Cependant l’objectif principal – faire partir les zadistes « irréductibles » de la ZAD – n’a pas été atteint. Dimanche, ils s’apprêtent même à converger en masse avec des matériaux pour reconstruire ce qui a été détruit cette semaine. Au risque de relancer une nouvelle semaine d’opération de la gendarmerie.

Louis Moulin

Crédit photo : DR
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