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Le bonheur est dans le madiran de Céline Oulié

Dans le monde du vin, les  révolutions sont silencieuses, elles tiennent souvent à l’arrivée de néo-vignerons porteurs d’une nouvelle lecture de leur terroir d’adoption en capacité  de faire vaciller le traditionalisme de certains vignobles.

Cette année, au salon de la Levée de la Loire (salon Biodynamique sur Angers), le stand tenu par Céline Oulié du Clos les Mets d’âmes n’attire pas encore  la curiosité des professionnels. Ces derniers s’agglutinent par habitude, devant les comptoirs des vignerons de grande notoriété.

Pourtant, ce relatif anonymat ne devrait pas perdurer bien longtemps. Surtout,  si l’on veut bien considérer le caractère hautement charismatique de ses vins et la césure stylistique qu’ils instaurent au sein d’un vignoble sujet à des atavismes tenaces. Car disons-le d’emblée,  les vins de Céline Oulié sont idiosyncratiques, en d’autres termes, leurs personnalités singulières ne sont  en aucune manière représentatives des caractéristiques communément rencontrées dans  les  vins de la région. C’est en 2014 que la jeune ingénieure décide de reprendre les 5 hectares de la propriété  familiale sur un projet de conversion biodynamique, en seulement 3 millésimes, ses vins écrasent les standards qualitatifs de l’appellation…

Le Madiranais dont les vignes   recouvrent les riantes  collines du piémont pyrénéen,  a longtemps lié son destin à la production pléthorique de la  coopérative de Crouseilles, jusqu’à venir  surreprésenter l’identité du vignoble. Des madirans connus pour leur  boisé monolithique et peu subtil,  loin d’être en phase avec des jus  manquant cruellement de fond pour avoir trop sacrifié  aux sirènes du rendement.

Les vins de la vieille école

Mais l’évocation du madiran renvoie inéluctablement à Alain Brumont,  devenu grâce à ses multiples novations œnologiques le taulier de l’appellation durant les années 90.

Ce grand vigneron doit sa célébrité au fait qu’il a su dompter la fougue du tannat. Il fut l’initiateur de  la  micro-oxygénation qui facilite durant la phase de fermentation la liaison des tanins et des matières colorantes (anthocyanes). L’injection dans le vin d’une quantité mesurée d’oxygène  par micro-bullage, permet en effet de lisser la rugosité légendaire du tannat. Son vin iconique, le  Montus, a depuis lors, toujours tenu le rôle de maître-étalon de l’excellence dans le Madiran.

Malgré toutes ses qualités, la cuvée Montus n’a jamais fait  dans l’accessibilité… L’amateur doit  patienter une bonne décennie pour voir l’étreinte de l’élevage se desserrer et  ainsi apprécier le lustrage des tanins par la patine du temps. L’autre grande valeur de l’appellation, le château d’Aydie, ne montre pas plus d’amabilité. Traditionalistes dans l’âme, les vins sont dans leur juvénilité, comprimés par des  élevages pesants et ne délivreront leurs charme qu’au bout de plusieurs années, à supposer que   leur fruité ne se fane pas au  cours de leur vieillissement…

Un madiran accessible dès sa prime jeunesse.

Les temps changent  et à l’aune du fringant madiran de Céline Oulié, la ligne défendue  par  ces  deux ténors  est en passe de  prendre un caractère suranné, même si elle signe  l’identité d’un  madiran immuable, dans lequel  la vaillance des tanins du bien nommé tannat  s’exprime   sans concession.

L’utilisation de la fameuse  macération pré-fermentaire à froid,  adoptée par tous  les acteurs du madiranais, y compris Céline Oulié, n’arrange rien  à l’affaire.

Cette technique permet de tirer parti de l’énorme richesse en polyphénols contenue dans les pigments et les tanins du  cépage tannat. Connus pour  leurs propriétés anti-oxydantes, ces composés chimiques, au premier chef le resvératrol, jouent un rôle important dans la prévention des maladies coronariennes à l’origine  du fameux  « french paradox*.

La macération du moût avec ses matières solides à basse température, favorise ainsi l’obtention d’une  couleur sombre  et renforce  la constitution des vins.

Quand  l’élevage en barrique vient ajouter  sa part de tanins, le risque est de voir les vins s’assécher avec le temps, d’autant plus si les maturités ne sont pas optimales. C’est précisément à ce stade de l’affinage du vin  que Céline Oulié prend le   contrepied de la culture  du bois. Le choix de   modérer l’impact de l’élevage  par l’emploi de larges contenants (foudres en bois tronconiques) en lieu et place des traditionnelles barriques au boisé beaucoup plus marquant, entre en rupture avec les usages traditionnels.

Madiran : réchauffement du Climax.

Le résultat est pour le moins  spectaculaire. La cuvée « réchauffement du Climax » fait valoir une maturité froide sans  finale sucrée qui empèse  certains rouges sudistes et sauvegardée de cette   langueur  fatigante si souvent apportée par l’alcool. S’il fallait lui trouver un comparatif,  il pourrait bien s’incarner dans le modèle du tannat uruguayen (Garzón)  avec lequel il partage une pureté de fruit éclatante. Mais le tour de force du madiran de Céline Oulié, reste son étonnante harmonie à un stade d’évolution très précoce, au moment où ces congénères ne parviennent pas à fondre leur fruit dans l’emprise du bois.

Pacherenc-du-Vic- Bilh : l’Ove

Outre son madiran, Céline Oulié excelle aussi  dans la vinification du Pacherenc-du-Vic-Bilh, un blanc sec à l’énorme stature,  pourvu  d’un raffinement surclassant tout ce qui existe dans  l’appellation. Le particularisme de l’aire d’appellation du  Madiran repose sur un   partage du  terroir avec le vignoble du Pacherenc-du-Vic-Bilh, dès lors que la production de vins  met en jeu les cépages blancs  (gros manseng, petit manseng, petit courbu). Pendant très longtemps, la grande majorité de la production a toujours été consacrée  à la vinification d’un vin moelleux aimé pour sa  liqueur soutenue, s’inspirant du jurançon.

Le génie de la cuvée « l’Ove » réside dans le support d’une  formidable salinité  exsudant  d’un fruité  expansif et charnu,  très caractéristique du   gros manseng. Certes, convenons-en, la perception du sel dans un vin peut prêter à la controverse et même relever de la pure spéculation de dégustateur. Mais dans le pacherenc de Céline Oulié, la salinité est si intense qu’elle se révèlera   avec une certaine  évidence au palais du  novice. Comment ne pas rattacher cette formidable vertu, aux bienfaits de la conversion biologique (biodynamie) dont l’exigence d’authenticité est la seule à même de   réveiller l’expression  des sels minéraux contenus dans un vin ?

Raphno

Pour acheter les vins de Céline Oulié

Madiran Réchauffement du Climax,2015

 Vinibee

Pacherenc-du Vic-Bilh, l’Ove, 2015

Vinibee

« French Paradox » : l’expression renvoie à des  études scientifiques datant des  années 80 démontrant l’étonnant décalage existant entre une alimentation grasse qui prévaut dans le sud-ouest  ( graisse de  canard) et  un taux de maladies cardio-vasculaires très modéré. Le rôle d’une consommation raisonnable de  vins rouges riches en polyphénols grâce à ses propriétés anti-oxydantes ,n’y serait pas étranger…

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

 

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