Une véritable « imposture » : selon l’essayiste Paul-François Paoli, qui a publié en début d’année l’imposture du vivre-ensemble, l’obsession pour le vivre-ensemble exprime une inconsistance idéologique dangereuse.
En 175 entrées, d’amalgame à Zemmour, ce glossaire présente la pensée politique et philosophique d’auteurs modernes. Sous la forme d’un précis de culture générale non conformiste, le journaliste du quotidien «Le Figaro» remet en question le concept de vivre-ensemble. Parmi les penseurs évoqués figurent R. Girard, C. Lévi-Strauss, M. Foucault, J.-P. Sartre ou encore M. Onfray.
Entretien autour de son nouvel ouvrage : ‘L’imposture du vivre-ensemble de A à Z’ (L’Artilleur, 2018).
Breizh-info.com : vous avez publié un livre intitulé « l’imposture de vivre ensemble ». On nous aurait donc menti depuis des années ?
Paul-François Paoli : La différence entre une fiction et un mensonge est que certains croient en leur fictions. La particularité de cette expression est qu’elle ne dit rien de précis et se contente de délivrer un message de convivialité minimale. Autrement dit nous ne sommes engagés à rien en nous en réclamant. Cyniquement le vivre ensemble c’est la tolérance de ceux qui peuvent quand même s’esquiver pour aller vivre ailleurs dès qu’ils le peuvent. Je prends le métro parisien depuis 40 ans et depuis 40 ans je ressens la même impression de masse dépressive confinée dans un espace exigu. La plupart du temps ce que nous appelons « vivre ensemble » n’est en fin de compte qu’une forme de promiscuité résignée.
Personne n’aspire à côtoyer n’importe qui sans condition préalable et nous connaissons tous des gens très généreux qui paient très cher pour être seul dans un cabine de bateau. « Ce sont les vaches qui vivent ensemble » disait le poète écossais Chesterton. L’individualiste que je suis et que nous sommes presque tous quand nous cessons de nous mentir, est allergique à cette notion pseudo communautaire.
Breizh-info.com : Finalement , le terme « vivre ensemble » ne devrait-il par être remplacé par « mourir côte à côte » ?
Paul-François Paoli : Le mot vivre est déplacé car on ne peut véritablement vivre à côté de qui vous est imposé ou s’impose sans vous consulter. Essayez sur un lieu de travail de vous installer à côté de qui ne vous a pas demander d’être là et vous ressentirez aussitôt un malaise. On veut nous habituer à la présence de pauvres hères venus en particulier de Roumanie qui se sont installés sur les trottoirs de Paris. Là aussi réside une immense hypocrisie; tout un chacun aimerait bien qu’ils aillent ailleurs mais nul n’ a le courage de le formuler.
Breizh-info.com : Le « vivre ensemble » n’est-il pas devenu aujourd’hui une quasi religion obligatoire ?
Paul-François Paoli : C’est le minimum éthique d’ un monde occidental qui ne croit plus vraiment en sa légitimité. Il est remarquable que ce soit parmi les classes sociales les plus aisées et donc à l’abri de la promiscuité que l’idéologie immigrationniste se porte le mieux. Il est remarquable aussi et à mon avis fâcheux que le Pape François ait rallié cette idéologie.
Pourquoi l’Eglise ne met elle pas ses biens immobiliers à disposition des migrants ? Pourquoi demande t’elle à la société d’être « fraternelle » ? Qu’est ce qui empêche certaines municipalités riches à forte densité catholique d’accueillir des camps de Roms ? En réalité la morale humanitaire et le narcissisme moral qui en découle quelquefois sont souvent partie intégrante du statut social. Les pauvres, les chomeurs et les précaires qui vivent dans les quartiers nord de Marseille ou dans la banlieue sud de Bastia ne brodent pas sur le Vivre ensemble.
Breizh-info.com : Qu’est ce qui ne va pas dans cette France de 2018 que vous décrivez ?
Paul-François Paoli : La France va mieux puisque Macron représente un progrès indéniable sur le néant hollandais. Son discours des Invalides consacré au sacrifice d’Arnaud Beltrame était très beau. Et même celui que Mélanchon a prononcé à l’Assemblée nationale était d’une belle tenue. Si le pouvoir idéologique de la gauche a été ébranlé cette ci détient le pouvoir institutionnel, notamment au niveau de l’Education nationale, temple d’une religion républicaine devenue désuète. Le grand poète de notre pays reste Victor Hugo dont le Dieu est l’humanité elle même. Mais qui croit encore en cette religion?
Breizh-info.com : Les médias dominantes et les élus ne portent-ils pas une lourde responsabilité dans ce déclin programmé et activé ?
Paul-François Paoli : Le déclin de la France doit être appréhendé dans le cadre plus large du déclin occidental. J’ai consacré à cet thème un essai en 2014 intitulé « Malaise de l’Occident Vers une révolution conservatrice ? (Chez Pierre Guillaume de Roux). Dans mon glossaire sur L’imposture du vivre ensemble (Artilleurs) je reprends cette thématique et évoque la notion de « déclin anthropologique ». Dans un article récent de « Valeurs actuelles » François D’Orcival évoque l’état de dégradation intellectuelle et physique de la jeunesse américaine frappée par le double fléau de l’illétrisme et de l’obésité. Dans mon dernier livre j’évoque aussi la baisse du QI moyen des peuples occidentaux qui a fait couler beaucoup d’encre. Il semble que dans le domaine cognitif et intellectuel l’écart se creuse entre les élites et certaines tranches de la population qui ne lisent tout simplement plus.
Breizh-info.com : Y a-t-il encore un peu d’espoir dans ce pays ?
Paul-François Paoli : Je crois que la prise de conscience d’un certain déclin civilisationnel est en cours mais il sera sans doute très difficile de traduire en des termes politiques cette réalité. A la droite qui va selon moi de Laurent Wauquiez à Marion Maréchal Le Pen en passant par les souverainistes, de se saisir de la question. Comme je l’écris dans mon essai: le pouvoir n’est pas au bout du fusil il est au bout des mots.
Propos recueillis par Yann Vallerie
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