Après les célébrations calamiteuses du centenaire de la bataille de Verdun, « chorégraphie pour analphabètes au milieu des tombes » selon le regretté général Bach, il est de notre devoir de nous interroger sur le message que nous ont, par-delà leur sacrifice, légué les héros de cet affrontement titanesque: en ce début du XXIe siècle, la séculaire querelle franco-allemande est fort heureusement apaisée, mais le nouveau monde en gestation recèle des périls mortels qu’il ne nous sera possible de conjurer qu’à la condition de faire nôtres les valeurs qui animaient les combattants du Bois des Caures, de Souville, de Vaux et du Mort-Homme. Un siècle après la fin de la Grande Guerre, on a du mal à imaginer ce que fut l’enfer de Verdun, le terrain bouleversé par l’artillerie lourde, la boue, les cadavres, les gaz, l’agonie des blessés, la triste noria des unités montant vers les premières lignes ou en redescendant…
On peine encore plus à comprendre les ressorts de l’extraordinaire résilience dont surent faire preuve les Poilus et les raisons qui les firent «tenir» malgré la violence des combats et la proximité permanente de la mort, dans cette lutte inouïe où les qualités traditionnelles du soldat ne pesaient plus grand-chose sous le feu d’obus tirés à des kilomètres par des artilleurs invisibles. La durée et l’intensité des combats de Verdun témoignent de l’endurance, de la ténacité et de l’inflexible volonté de ces hommes qui avaient le sentiment de défendre le « sol sacré de la patrie » et qu’animait la conviction, ressentie plus ou moins confusément, qu’ils se battaient pour une cause dépassant leur seule personne, en un moment où ils incarnaient, avec leur volonté de vaincre et l’acceptation du sacrifice éventuel de leur vie, une part de l’âme de la France – une France perçue comme une précieuse unité de destin forgée au fil des siècles, une France à laquelle ils étaient attachés de tout leur être parce qu’ils avaient appris ses grandeurs, ses gloires et ses malheurs passés, parce qu’elle constituait le cadre précieux de leur vie et de celle de leurs familles.
Frères d’armes, de larmes et de sang de leurs camarades de misère et de gloire par-delà leurs différences sociales, religieuses et politiques, les combattants de Verdun témoignent aussi de l’importance vitale de la cohésion dans les pires moments d’adversité. Symboliquement, c’est à Douaumont, «ce champ de bataille où il fut démontré qu’en dépit de l’inconstance et de la dispersion qui nous sont trop souvent naturelles (…), nous sommes capables d’une ténacité et d’une solidarité magnifiques et exemplaires…», que, cinquante ans plus tard, le général De Gaulle appellera à «faire à jamais de la sépulture de nos soldats couchés dessus le sol à la face de Dieu et dont les restes sont enterrés sur cette pente en rangs de tombes pareilles ou confondues dans cet ossuaire fraternel, un monument d’union nationale que ne doit troubler rien de ce qui, par la suite, divisa les survivants.» Les peuples et les nations connaissent au cours de leur histoire des moments d’épreuves qui, surmontés, peuvent être suivis de relâchements funestes. Nous sommes aujourd’hui, à l’évidence, dans cette situation et, plus que jamais, l’idéal de nos anciens doit nous inspirer et guider les nouvelles générations bien peu préparées aux âges de fer à venir. Ce réveil de l’esprit de sacrifice est la condition du sursaut nécessaire à notre survie.
Le livre LES 300 JOURS DE VERDUN, dont j’ai assuré la direction scientifique, a contribué à ce que le martyre des Poilus ne demeure pas vain. Au fil de ses éditions successives, cet ouvrage s’est imposé comme LE grand classique sur la bataille de Verdun, mais il est aujourd’hui épuisé. Vu la conjoncture, il ne sera malheureusement plus réédité.
Toutefois, il en reste quelques exemplaires dans la luxueuse version plein cuir numérotée que les Éditions Italiques avaient fait relier pour les offrir à des personnalités officielles lors du centenaire de l’armistice de 1918, mais que, devant la tournure prise par les commémorations, elles ont décidé de proposer à ceux qui, comme vous, font le mieux vivre la mémoire de tous ces hommes qui sont morts pour nous.
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Philippe Conrad