La loi contre les fake news va peut-être illustrer par anticipation l’AFP, véritable générateur de bobards. L’agence de presse s’est à nouveau illustrée ces jours-ci avec comme titre « à Nantes, la construction du monumental Arbre aux Hérons est lancée », repris par de nombreux journaux. Une erreur intéressée, alors qu’au même moment un financement participatif et de coûteux financements publics sont lancés pour cette œuvre d’art monumentale tant par ses dimensions que son coût (35 millions d’euros), un projet cher aux socialistes nantais.
L’Arbre aux Hérons : le projet
L’Arbre aux Hérons est en réalité un immense arbre mécanique, de 35 mètres de haut et de 50 d’envergure, capable d’accueillir 450 personnes sur ses 22 branches – une structure métallique de 2000 tonnes d’acier avec de nombreuses passerelles, des jardins suspendus et des hérons géants censés embarquer les visiteurs pour survoler Nantes. Sa construction est censée durer 5 ans, avec deux ans d’études. Deux tiers du projet sont censés être apportés par des partenaires publics (dont la moitié par la métropole), le reste par le privé. Et ce sans compter les divers aménagements annexes, la mairie de Nantes comptant en faire la vitrine du réaménagement du quartier paupérisé de Bas-Chantenay, à l’ouest du centre-ville, où 1500 logements et 70.000 m² de bureaux doivent faire leur apparition au milieu des friches et des anciens chantiers navals.
Un financement bien fragile
En réalité, si le financement participatif a été lancé sur Kickstarter – avec un objectif anormalement bas (100.000 €) pour faire accroire à un rapide succès – alors que c’est un million d’euros que les organisateurs visent. Mieux, sur le Kickstarter on lit en gros : « Les Machines de l’île et la Compagnie la machine construisent l’arbre aux hérons ». Archi-faux, assène le très informé blogueur nantais Sven Jelure : « Or c’est complètement faux. Ni Les Machines de l’île ni la Compagnie La Machine ne construisent d’Arbre aux Hérons. À ce jour, il n’est qu’un projet – un projet de Nantes Métropole, qui a commandé des études de faisabilité mais n’a pas décidé formellement sa construction. Ainsi, des interlocuteurs non habilités demandent aux contributeurs de Kickstarter de financer un projet hypothétique à ce jour, à construire sur un terrain qui ne leur appartient pas, sous un nom qui ne leur appartient pas davantage (la marque L’Arbre aux Hérons a été déposée à l’INPI par Nantes Métropole en avril 2017), et dont la faisabilité n’est même pas assurée ! »
Pourtant, ce financement privé doit rapporter à terme 12 millions d’euros, mais le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’emballe pas les foules, malgré le coup de pouce de l’AFP. Pour l’instant, ça dépasse péniblement les 200.000 €. Et au vu du nombre d’inexactitudes (listées ici), l’Arbre aux Hérons et l’AFP sont candidats au prix du Bobard sur Loire, avec sauce au beurre blanc.
Légèretés juridiques
D’autant que le projet cumule les bizarreries juridiques. Ainsi, le fonds de dotation censé ramener les fonds privés est en réalité un faux nez de Nantes Métropole au rôle très flou, créant donc une insécurité juridique et une mine à futurs recours. Sa gestion a été confiée à l’ancienne (et éphémère) députée de la 3e circonscription Karine Daniel, adoubée par Jean-Marc Ayrault mais débarquée avec pertes et fracas au profit d’En Marche en juin 2017. Enseignante en économie agricole, elle semble être bien loin d’avoir les compétences nécessaires. Si ce n’est qu’il faut sauver les ruines du système Ayrault dans l’un des derniers bastions du PS en France.
Mieux, les études de faisabilité dudit arbre ont été attribuées… à ses créateurs, dont Pierre Oréfice. Et ce alors que les dimensions, les coûts et le plan de financement sont déjà connus. Soit 2,5 millions d’€ HT d’argent public pour des informations que l’on connaît déjà. Sans oublier 12 millions d’euros de soutien déjà actés si l’arbre est construit, et toutes les dépenses annexes.
Des travaux lourds sont prévus pour aménager l’ancienne carrière Miséry et ses abords, où doit prendre place l’arbre aux Hérons pour 1,4 millions d’€ dont 953.000 € pour une « promenade des belvédères », et deux points de vue à 153.000 et 77.000 €, sans oublier une passerelle à 275.000 €. Et cela ne prend pas en compte l’opération de com’ prévue dans la carrière du 12 avril au 30 juin, budgétée par deux enveloppes de 400.000 et de 120.000 € par la métropole de Nantes, et une de 155.000 € votée en décembre par la ville, soit 677.000 € pour beaucoup de com’ et d’animation artistique. Sans oublier le déploiement de navettes autonomes électriques de Gare Maritime à ladite carrière, pas rattachée au réseau des transports en commun, pour un coût encore inconnu.
Bref, l’Arbre aux Hérons n’est pas encore en construction, n’en déplaise à l’AFP, mais il coûte déjà bonbon – 4 millions et demi de dépenses engagées pour planter un arbre dans le grand trou de l’ancienne carrière. Un vrai gouffre. Où se noie la véracité de l’information.
Photo d’illustration : DR
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