Lors de son passage dans l’île de Beauté, Emmanuel Macron l’avait promis : la Corse va faire son entrée dans la Constitution. C’est déjà le cas pour la Nouvelle-Calédonie (titre XIII). Reste à écrire un article qui convienne à la fois à Paris et aux nationalistes corses.
Il semble que ces derniers seront entendus sur deux points : « la création d’un article spécifique à la Corse et une habilitation pour la collectivité à intervenir, de manière pérenne, dans des domaines relevant normalement de la loi. Où précisément l’île sera-t-elle mentionnée ? Il pourrait s’agir d’un nouvel appendice à l’article 72-3, qui en compte déjà quatre. Dans sa forme actuelle, cet article fixe le régime général des collectivités métropolitaines, alors que les articles 73 et 74, plus libéraux, concernent en grande partie l’outre-mer.
La question est toutefois passée au second plan pour les Corses : « Ce qui compte, c’est le contenu, pas la manière », estime Gilles Siméoni, président de l’exécutif corse. Quant aux habilitations, quels domaines concerneront-elles ? La collectivité corse gagnera-t-elle une forme d’autonomie en matière fiscale, comme le souhaitent ses dirigeants ? » (Libération, lundi 12 mars 2018).
Voilà qui suffit pour exciter les Jacobins. Jean-Louis Debré, chiraquien notoire, ancien président de l’Assemblée nationale, ancien président du Conseil constitutionnel, est du nombre. « La France est une République une et indivisible, explique-t-il. Introduire la notion de Corse, en disant que cela n’aura aucun effet juridique, quel est l’intérêt ? Et vous aurez immédiatement des revendications des Bretons, des Basques… » (Journal du dimanche, 11 mars 2018).
On peut d’abord renvoyer l’ancien député-maire d’Évreux (RPR) à l’article premier de la Constitution qui n’indique pas que « la France est une République une et indivisible », mais une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Ce même article ajoute que « son organisation est décentralisée ».
Quand on appartient à la famille Debré, on doit se souvenir de l’expérience vécue par Michel, le père de Jean-Louis, Premier ministre du général de Gaulle ; il entre à Matignon en janvier 1959 avec dans ses bagages l’Algérie française. Il quitte la maison en avril 1962 alors que l’indépendance de l’Algérie était actée. Retournement de situation qui montre qu’en politique tout est possible. En 1962, Charles de Gaulle considérait que l’Algérie était un boulet… Si demain, Emmanuel Macron estime que la Corse est un boulet, que se passera-t-il ?
B. Morvan
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