Le gouvernement semble avoir renoncer à calquer la géographie des cours d’appel sur la carte des treize régions de France. Néanmoins, cela n’enlève rien au projet de réforme de la carte judiciaire, et notamment à l’annonce concernant les 307 tribunaux de proximité qui seront absorbés par les 164 juridictions de grande instance.
« Dans les villes où les deux juridictions cohabitent, une seule implantation sera conservée. Ailleurs, les sites demeureront, puisque le premier ministre a promis qu’«aucune juridiction ne sera fermée». Mais cela supposera sans doute des audiences foraines obligeant les magistrats à se déplacer jusqu’à ces justiciables. Il est fort à parier que faute d’activité suffisante, ces lieux de justice finissent par tomber en déshérence et disparaissent. De quoi mettre en péril la proximité de la justice pour le justiciable et le maillage territorial.» explique Le Figaro
Pour faire le point sur cette réforme souhaitée par le Gouvernement et portée par Nicole Belloubet, la Garde des Sceaux, nous avons interrogé Bruno Labey Guimard, avocat au Barreau de Coutances- Avranches (Normandie), qui revient également sur les changements à venir pour la Bretagne, mais aussi sur les dernières annonces d’une loi sur les Fake News, ou encore sur les condamnations qui sanctionnent certains internautes, blogueurs ou dissidents.
Breizh-info.com : Pourquoi les avocats sont-ils vent debout contre la réforme de la carte judiciaire ?
Bruno LABEY GUIMARD : Quoiqu’en dise le Gouvernement « l’adaptation du réseau des juridictions » passera évidemment par une réduction du nombre de Tribunaux.
Les Cours d’Appel ne seront peut-être pas touchées (on nous assure en tout cas que celle de Rennes ne le sera pas) mais les Tribunaux de Grande Instance et d’Instance, eux, risquent d’etre touchés avec la disparition d’un certain nombre d’entre eux.
Cette réduction des lieux de justice va contribuer à éloigner la Justice des Justiciables, exactement comme la mise en place de nouveaux modes de règlement des conflits, médiatisation, arbitrage…., etc…
Tout cela s’inscrit dans une volonté, qui n’est pas nouvelle mais réelle et constante, de réduire le service public de la justice.
Breizh-info.com : En tant qu’avocat est ce que cela va changer quelque chose pour vous ?
Bruno LABEY GUIMARD : La réduction du nombre des Tribunaux va s’accompagner d’une réduction de l’activité judiciaire et donc toucher la profession d’avocat en la fragilisant alors que la situation de beaucoup d’avocats est déjà financièrement difficile.
Breizh-info.com : En Bretagne, qu’est ce que cela va changer ?
Bruno LABEY GUIMARD : Le Gouvernement vient d’annoncer qu’il renonçait à modifier le ressort de la Cour d’appel de Rennes, c’est-à-dire, concrètement à retirer la Loire Atlantique de son ressort, c’est bien… mais cela ne concerne que la Cour d’Appel de Rennes.
Qu’en sera-t-il du réseau des Tribunaux de Grande Instance et d’Instance en Bretagne, dont un nombre significatif a déjà disparu ?
Il est à craindre qu’il soit encore réduit.
Breizh-info.com : Sur un autre sujet que pensez-vous du projet de Loi sur les Fake News que certains jugent dangereux pour la démocratie ?
Bruno LABEY GUIMARD : Ou en sait beaucoup plus sur le projet du Gouvernement dans ce domaine qu’en ce qui concerne « les grands chantiers de la Justice » (notamment la réforme de la carte judiciaire).
Après l’avoir examiné, il me semble qu’il y a assez peu de chose nouvelle dans ce projet de « Loi relative à la lutte contre les fausses nouvelles ».
Le délit de publication de fausses nouvelles n’est pas nouveau puisqu’il est né avec la Loi des 27 et 29 juillet 1849. Le texte actuellement applicable dans ce domaine est l’article 27 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui reprend la diffusion de fausse nouvelle, faite de mauvaise foi, de nature à troubler l’ordre public.
Le projet de Loi ne modifie pas l’article 27 de la Loi de juillet 1881.
Il institue surtout une obligation de transparence en matière de diffusion d’information par les services de communication en ligne.
Breizh-info.com : Internautes et dissidents condamnés, Loi restrictive dans la liberté d’expression, sommes-nous sous l’ère de la dictature des Juges ou bien toujours en démocratie ?
Bruno LABEY GUIMARD : Je crois que vous faites ici allusion aux condamnations prononcées contre certains militants bretons, Monsieur LE LAY en particulier, condamnations fortes prononcées uniquement en raison des opinions qu’il a exprimé.
Il ne s’agit pas ici de diffusion de nouvelles mais d’opinion et il est, de mon point de vue, extrêmement choquant que des condamnations puissent être prononcées pour délit d’opinion.
Mais force est de constater si des condamnations ont été prononcées, c’est bien parce qu’il existe des dispositions législatives (déjà anciennes) qui interdisent d’exprimer certaines opinions, au nom de la lutte contre la discrimination en particulier.
On ne peut pas parler de dictature de Juges, même s’ils peuvent se montrer d’une soumission peu honorable à l’opinion dominante ou au politiquement correct.
Propos recueillis par Yann Vallerie
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