Est-ce la solution miracle contre les agression d’agents à la SEMITAN – 8 agents sur 10 ont déjà été agressés ou insultés depuis leur embauche, selon une enquête interne de la CFDT – ou un énième gadget technologique pour masquer l’incurie judiciaire et le refus de la municipalité PS de prendre fermement position pour protéger les agents de la TAN ?
La CFDT milite pour que les agents de contrôle soient équipés avant le 30 juin de caméras piétons, qu’ils pourront activer s’ils sentent que la situation est en train de dégénérer et qu’ils vont se faire agresser.
Une expérience probante à Angers
La CFDT-SEMITAN a déposé le 9 mars une alarme sociale sur cette question ; il se trouve en effet qu’à Angers, depuis 2015, les 40 contrôleurs du réseau de transports en commun, géré par Keolis, ont été équipés de 10 caméras piéton, et de 10 autres en 2016 pour un coût unitaire de 500 € par caméra. En février 2017, une réunion de service confirme l’adhésion des agents concernés : « sur 18 agents vérificateurs présents, 3 ont déclaré ne pas souhaiter la porter ».
Il est rappelé que le client doit être informé du déclenchement de la caméra et « décidé de rendre obligatoire au moins une caméra par binôme » (page 4). Depuis, le nombre d’agressions physiques est passé de 17 avant 2015 à 2 en 2017, le déclenchement de la caméra semble avoir en effet pour conséquence de calmer les velléités de s’en prendre physiquement à l’agent. La police municipale a elle aussi décidé de s’équiper de 15 caméras piéton en 2017.
La CGT-Semitan en fait état dans son bulletin de février 2018 où elle table pour une mise en place des caméras piétons à la TAN en 2019 : « le 16 février, une délégation CGT s’est rendue sur le réseau d’Angers à la rencontre des contrôleurs disposant au volontariat de caméra. Celle-ci enregistre le son et l’image en HD […] les enregistrements sont cryptés et ne peuvent être consultés que par un agent assermenté. Les enregistrements peuvent être à charge ou à décharge pour les salariés ». La CGT nuance cependant les bénéfices du dispositif : « les agressions sur les salariés à Angers sont en forte baisse, combiné surtout à un changement de méthode de travail ».
La loi interdirait les caméras piétons pour les agents des transports en commun et les pompiers
Problème : si les caméras piétons sont expressément permises pour les agents des services de police (nationale et municipale) et de la gendarmerie, par la loi du 3 juin 2016 (n°2016-731), ainsi qu’aux agents de la SNCF et de la RATP – à titre expérimental pour trois ans, précise un décret ultérieur – par la loi du 22 mars 2016 (n°2016-339), la loi n’autorise pas leur usage aux agents des autres services de transports en commun.
Pas plus que pour les pompiers, bien que le SDIS du Nord ait envisagé de les équiper de caméras piétons après l’agression violente de trois d’entre eux en pleine intervention à Wattrelos par quatre frères le 3 décembre 2017 ; 366 pompiers ont été agressés dans la région Hauts de France en 2016 selon un rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
La police municipale de Nantes bientôt équipée
En revanche la police municipale de Nantes va en être équipée – pour un coût de 23.292 € TTC – ce qui semble plus simple pour la mairie de Nantes que de mettre en œuvre des actions suffisantes pour empêcher les agents de se faire agresser ; 21 l’ont en effet été au cours de l’année 2017, dont 7 sur les trois derniers mois. L’on peut donc se demander si les caméras piétons, gadget technologique à la mode, n’est pas un prétexte pratique pour continuer à faire semblant de ne pas voir l’accroissement de la délinquance contre les agents chargés d’une mission de service public en général et à Nantes en particulier…
Face à l’augmentation générale des agressions à l’encontre des personnes chargées d’une mission de service public, et aux demandes des personnels ou de leurs syndicats, la loi pourrait pourtant évoluer au printemps pour donner un cadre légal au dispositif réclamé par la CFDT à Nantes… et testé aussi par Keolis dans les transports en commun à Lyon. Il a aussi été envisagé par la CTS à Strasbourg après une augmentation des agressions physiques d’agents en 2017 (21 sur les 9 premiers mois contre 16 en 2016) et par Divia à Dijon, après 22 agressions violentes d’agents en 2016 et 5 sur les deux premiers mois de 2017.
Encore une agression violente de contrôleurs, classée sans suite faute de vidéo-protection ?
La CFDT de la SEMITAN de son côté affirme qu’il y a deux à trois agressions graves d’agents par mois – sans compter des insultes ou des bousculades presque quotidiennes. Les « agressions, bousculades et autres incivilités » sont aussi dénoncées – entre autres, dans l’alarme sociale déposée le 9 mars aussi par la CGT-SEMITAN.
D’autant que selon nos confrères de Ouest-France, une nouvelle agression a mis en lumière l’insuffisance, sinon l’obsolescence, de la vidéo-protection dans les véhicules et les stations, dénoncée très récemment par la CFDT. Le syndicat avait relevé que le taux de disponibilité des équipements était tombé à 80% au lieu de 95% au minimum.
En effet, le 11 mars, un homme aurait tenté de se soustraire à un contrôle de la SEMITAN à l’arrêt Bretagne (ligne 3), en insultant copieusement les cinq agents présents. La situation aurait dégénéré sur le quai, où selon les agents, l’homme aurait serré l’un des contrôleurs à la gorge, donné des coups de tête et de poings à d’autres tout en les menaçant. L’agresseur, placé en garde à vue, a reconnu les insultes mais pas les violences. Problème : faute de vidéo-protection sur le quai les policiers n’ont trouvé aucune trace de l’agression, et la plainte des agents aurait été donc classée sans suite.
Louis Moulin
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